La Tribune Hebdomadaire

Les enjeux métropolit­ains, grands absents des prochaines élections

- PAR MARC ENDEWELD

MUNICIPALE­S

Certes, en ce début d’année, l’actualité est surchargée!: conflit sur les retraites, grands incendies en Australie, tensions au Moyen-Orient, sans parler du coronaviru­s en Chine, qui inquiète tant. N’empêche, en dehors du duel Griveaux-Villani à Paris, les grands médias en général, et les chaînes d’informatio­n en continu en particulie­r, ne parlent guère des prochaines élections municipale­s, encore moins des programmes des différents candidats.

Alors, quand le sujet est finalement abordé, c’est sous l’angle des questions habituelle­s de propreté ou d’insécurité. La «!pro-xi-mi-té!» est le maître mot. Résultat!: les (vrais) enjeux métropolit­ains ne sont quasiment jamais abordés. Ce sont les grands absents des prochaines élections. Dans une France majoritair­ement urbaine, ceux-ci devraient pourtant se retrouver au coeur des débats publics en vue des municipale­s. Aujourd’hui, la mobilité, le logement, l’emploi, mais également le développem­ent économique, sont autant de sujets traités au niveau des communauté­s urbaines et des intercommu­nalités. Longtemps, ces échelons si stratégiqu­es de la démocratie locale restèrent éloignés des électeurs. Les conseiller­s communauta­ires étaient élus au suffrage universel indirect. Le consensus entre gauche et droite prédominai­t dans ces instances présentées comme techniques. Celles-ci détiennent pourtant l’essentiel du pouvoir local. Depuis 2014, on a assisté au début de leur politisati­on!: avec la mise en place de l’élection au suffrage direct «!fléché » dans les communes de plus de 1#000!habitants, plus de 80#% des électeurs (soit 4!sur 5) sont conduits à désigner leurs représenta­nts au sein des conseils communauta­ires ou métropolit­ains. À Lyon, avec la création en 2015 de la Métropole, première collectivi­té à statut particulie­r qui regroupe communauté urbaine et départemen­t du Rhône, les prochaines élections, municipale­s et métropolit­aines, sont désormais deux scrutins distincts. Malgré ces évolutions, élus comme médias continuent d’ignorer la plupart du temps les enjeux métropolit­ains. Au nom de ladite «!proximité! », responsabl­es politiques comme journalist­es ne s’aventurent guère sur le sujet de l’aménagemen­t urbain. Un «!terrain!» délaissé, et finalement laissé aux mains des experts urbanistes et autres promoteurs. L’Assemblée descommuna­utésdeFran­ce(AdCF) se réjouit néanmoins de récents progrès : «!La visibilité de l’intercommu­nalité à l’occasion des campagnes électorale­s progresse sensibleme­nt par rapport à 2014, ce qui n’est pas difficile tant elle fut alors occultée. En ce début 2020, la supervisio­n des campagnes opérée par l’équipe de l’AdCF à partir des articles de la presse quotidienn­e régionale, des émissions des radios et TV locales ou des sites des candidats… permet de constater des changement­s notables et une intercommu­nalisation progressiv­e des débats.!»

C’est en région parisienne que la situation est la plus caricatura­le. Alors que les Jeux olympiques doivent être organisés en 2024, l’absence d’un débat métropolit­ain autour du Grand Paris est patent. «!Exception confirmant la règle, la métropole du Grand Paris n’apparaît pour l’instant que très peu dans les campagnes des candidats à Paris ou des communes limitrophe­s, confirme l’AdCF. La spécificit­é de ce#e métropole,!sans réelle compétence opérationn­elle, explique son manque de lisibilité.!»

C’est dire si les propositio­ns récentes de Benjamin Griveaux et de Cédric Villani de déménageme­nt des gares de l’Est et du Nord en proche couronne ont choqué l’opinion à plus d’un titre. Avant eux, Gaspard Gantzer avait tenté l’expérience en proposant la suppressio­n pure et simple du périphériq­ue. Toutes ces propositio­ns, plus ou moins réalisable­s, soulignent en creux l’absence d’un véritable Grand Paris, tant au niveau institutio­nnel qu’organisati­onnel ou démocratiq­ue. Près de treize ans après le discours de Nicolas Sarkozy à Roissy, qui avait proposé la mise en place d’une communauté urbaine, les pouvoirs publics ont fait du surplace, malgré la création d’une conférence métropolit­aine. Et ce n’est pas l’élection d’Emmanuel Macron, en 2017, qui a changé la donne. Ce président, que d’aucuns qualifient de bonapartis­te, et dont la conception du pouvoir reste très verticale, s’est bien gardé de rouvrir le dossier du Grand Paris, pourtant crucial pour cet espace économique qui concentre plus du tiers de la croissance française. Dans notre monarchie républicai­ne, le pouvoir central n’est pas encore prêt à partager son pouvoir au sein même de la région capitale.!

«!La spécificit­é de la métropole du Grand Paris,!sans réelle compétence opérationn­elle, explique son manque de lisibilité!» EXTRAIT D’UN ARTICLE PUBLIÉ SUR LE SITE DE L’ASSEMBLÉE DES COMMUNAUTÉ­S DE FRANCE

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"ISTOCK# Dans les communes du Grand Paris, rares sont les candidats à avancer des projets à l’échelle de la métropole.

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