La Tribune Hebdomadaire

Prouesses techniques et offensive en Chine : Tesla électrise Wall Street

AUTOMOBILE Malgré son statut de « petit!» constructe­ur et ses di"cultés de production, l’entreprise d’Elon Musk est créditée d’une valorisati­on record en Bourse!– plus que Ford et General Motors réunis!–, qui salue surtout son aura d’entreprise futuriste

- GUILLAUME RENOUARD, À SAN FRANCISCO

Elon Musk peut sabler le champagne : Tesla ne s’est jamais aussi bien porté. Le constructe­ur automobile a vendu un total de 112!000 véhicules dans le monde au dernier trimestre 2019. Un record pour l’entreprise, qui bat largement les prévisions des analystes (elles tournaient autour de 105!000) et permet à Tesla d’atteindre les 367!500"véhicules livrés sur l’année entière, dépassant l’objectif de 360!000"qu’Elon Musk s’était fixé. Wall Street en a pris bonne note. Mi-janvier, l’action Tesla a pour la première fois dépassé les 500 dollars, et continue aujourd’hui d’être au-dessus de ce montant. La valorisati­on de Tesla a du même coup explosé, dépassant même les 100 milliards de dollars le 22 janvier dernier, soit plus que celles de Ford et General Motors cumulées, ce qui en fait le constructe­ur automobile le mieux valorisé de l’histoire des États-Unis.

Une performanc­e d’autant plus remarquabl­e que Tesla demeure un petit constructe­ur face aux mastodonte­s américains de l’automobile : l’an passé, Ford a vendu 2,4 millions de véhicules rien qu’aux États-Unis, et 3 millions supplément­aires en Chine. Pourtant, l’année passée n’avait pas été exempte de difficulté­s pour l’entreprise installée à Palo Alto, en Californie. Elon Musk a commencé par se séparer de 7!% de ses salariés en janvier 2019, en annonçant que des temps difficiles se profilaien­t. Dans ce contexte, les derniers bons résultats de l’entreprise témoignent-ils d’une bonne santé économique ou d’une simple embellie passagère!?

« Ces bons résultats sont, selon nous, amenés à durer », affirme Antoine Chkaiban, analyste chez New Street Research, un cabinet spécialisé dans les nouvelles technologi­es. « Tesla a eu des difficulté­s pour livrer ses véhicules en Europe au début de l’année 2019, ce qui a retardé les ventes et engendré des déficits au premier semestre, mais l’entreprise est redevenue profitable au troisième trimestre. Selon nos recherches, le marché potentiel de Tesla est, en outre, de 20 millions de véhicules dans le monde, et le constructe­ur a"eint aujourd’hui 10#% de son marché aux États-Unis. S’il parvenait à ce seuil de 10#% dans le reste du monde, un objectif tout à fait réalisable, ses ventes seraient donc de l’ordre de 2$millions. »

DEUX NOUVELLES USINES À SHANGHAI ET EN ALLEMAGNE

Mais pour cela, Tesla devra en 2020 travailler sur ce qui demeure aujourd’hui son talon d’Achille : ses capacités de production, son offre restant largement inférieure à la demande qui lui est adressée. C’est dans ce%e optique qu’Elon Musk a inauguré en grande pompe une nouvelle usine à Shanghai au début du mois de janvier. Elle viendra associer ses capacités à l’usine de Fremont (Californie), et perme%ra de produire au plus près d’un marché chinois en plein essor. Une troisième usine doit être construite en Allemagne pour satisfaire les clients européens. « Nous estimons que l’apport de la nouvelle usine de Shanghai perme"ra à Tesla de produire un total de 665#000 véhicules en 2020 », prédit Antoine Chkaiban. Après avoir été longuement snobé par l’industrie automobile, Tesla est-il en passe de devenir un constructe­ur comme les autres!? Pas si vite. Si les volumes de véhicules vendus et les performanc­es boursières de Tesla montrent qu’il joue désormais dans la cour des grands, il reste un constructe­ur bien à part. « Pour nous, Tesla demeure avant tout une entreprise technologi­que », précise Antoine Chkaiban, pointant la manière dont le constructe­ur est parti de zéro pour réinventer complèteme­nt l’automobile en l’adaptant aux spécificit­és de l’énergie électrique. « Cela lui a permis de bénéficier d’une avance non négligeabl­e sur ses concurrent­s. Les performanc­es (autonomie, accélérati­on et poids) des meilleurs véhicules électrique­s d’aujourd’hui valent celles des modèles S de 2012, qui ont bondi de 40#% depuis. Un rythme de progressio­n très impression­nant. »

Tesla sait également se montrer très agressif dans l’adoption de technologi­es de pointe, comme l’illustre le rachat de Maxwell Technologi­es en février 2019. Cet énergétici­en américain est notamment expert dans la fabricatio­n de condensate­urs haute capacité, des outils de stockage qui peuvent se charger beaucoup plus rapidement qu’une ba%erie. Ils perme%raient aux véhicules Tesla de faire du freinage régénérati­f, c’est-à-dire d’absorber rapidement de l’énergie pendant un freinage pour ensuite la relâcher durant l’accélérati­on, augmentant leur efficacité énergétiqu­e. Ce%e supériorit­é technique renforce l’aura d’entreprise futuriste et innovante dont bénéficie Tesla, et assure sa domination sur ses rivaux. Aux États-Unis, malgré les lancements de plusieurs « Tesla killers » (« tueurs de Tesla ») par les grands constructe­urs, l’entreprise d’Elon Musk continue d’écraser la concurrenc­e. Avec près de 160!000"véhicules vendus, la Tesla Model 3 est de loin la voiture électrique la plus populaire sur le marché américain en 2019. Elle est suivie de loin par la Toyota Prius Prime (23!630) et la Chevrolet Bolt (19!225), dont les ventes ont chuté de 47!% au dernier trimestre.

DE BELLES OPPORTUNIT­ÉS POUR DÉCOLLER EN ASIE

Mais, selon Craig Irwin, analyste chez Roth Capital Partners, le marché chinois est celui qui offre le plus d’opportunit­és à Tesla pour les cinq années à venir. Pékin cherche à électriser le parc de véhicules à vitesse maximale, et le cabinet d’analyse financière américain Morningsta­r prévoit que les voitures électrique­s représente­ront 35!% des ventes totales dans l’empire du Milieu d’ici à 2030. Or, Tesla est d’ores et déjà très bien positionné sur ce marché, grâce à sa technologi­e supérieure, sa nouvelle usine et aux bonnes relations qu’Elon Musk a su bâtir avec les autorités.

« Tesla a travaillé de manière efficace avec le gouverneme­nt chinois, obtenu des subvention­s à l’électrique et emprunté 1,8 milliard de dollars auprès des banques locales. Toutes les provinces chinoises me"ent en outre les bouchées doubles pour a"eindre leurs quotas de véhicules électrique­s fixés par le plan quinquenna­l », affirme Craig Irwin. Dans ces circonstan­ces, il y a fort à parier que Tesla, qui n’a pour l’heure pas vraiment de concurrent local, se taille la part du lion. Pour me%re toutes les chances de son côté, Elon Musk a annoncé début janvier qu’un nouveau modèle de véhicule serait entièremen­t conçu en Chine dans un centre de design qu’il prévoit d’ouvrir sur place."

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#ALY SONG/REUTERS$ Des Tesla électrique­s Model 3 produites dans l’usine chinoise du constructe­ur américain, à Shanghai, inaugurée début janvier.
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#REUTERS$ Elon Musk possède une longueur d’avance sur ses concurrent­es sur le marché chinois.

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