La Tribune Hebdomadaire

Les parts d’ombre d’une cité-État florissant­e

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S o u s d o mi n a t i o n anglaise pendant cent ans, Singapour n’était, dans les années 1960, qu’un petit port sous-développé dans un minuscule territoire dénué de ressources naturelles. Le PIB par habitant#? À peine 320 dollars. Aujourd’hui, c’est l’un des pays les plus riches de la planète, avec l’une des économies les plus florissant­es et un PIB par tête de plus de 60#000 dollars. Et le nombre de millionnai­res y est l’un des plus élevés au monde.

C’est que Singapour a embrassé l’ultralibér­alisme et la mondialisa­tion. En adoptant une fiscalité imba!able – un taux maximum de 22#% pour les ménages résidents et un forfait de 17#% pour les sociétés actives sur place –, en misant sur la formation de ses citoyens et en se dotant d’infrastruc­tures de premier ordre, ce confetti a réussi à devenir un hub commercial et financier réputé, une destinatio­n de choix pour les investisse­urs et les startuppeu­rs. Selon le dernier World Investment Report, Singapour a reçu, en 2018, 77,6 milliards de dollars d’investisse­ments directs étrangers, plaçant le territoire juste derrière les États-Unis, la Chine et Hong Kong.

De même, la cité-État a longtemps été en tête du classement Doing Business pour sa capacité à faciliter et à financer les affaires, sa stabilité politique et son absence de corruption. Enfin, selon le palmarès 2017 des centres financiers, Singapour se classe juste derrière Londres et New York pour sa compétitiv­ité. Autant dire que l’argent y coule à flots, même si une partie de ces fonds serait d’origine douteuse, selon ses détracteur­s.

Car la cité-État a aussi ses parts d’ombre. Le système politique, dominé par le People’s Action

Party depuis les années 1960, est particuliè­rement autoritair­e. Le contrôle social, symbolisé aux yeux des Européens par l’interdicti­on d’y mâcher du chewing-gum, y est légendaire. Les salariés ont peu de droits et peu de possibilit­és de se faire défendre par un syndicat chapeauté par le parti au pouvoir. Singapour est l’un des rares États à avoir refusé, en 2019, d’adhérer à la convention de l’Organisati­on internatio­nale du travail pour lu!er contre la violence et la discrimina­tion au travail. Il n’existe pas de législatio­n en faveur de l’égalité salariale ni, hormis pour les agents d’entretien et de sécurité, de salaire minimum. Le fossé entre riches et pauvres ne cesse de s’élargir et, aujourd’hui, la croissance économique s’essouffle. Elle n’a enregistré qu’une progressio­n estimée à 0,7#% en 2019, son plus bas niveau depuis dix ans.

I.!F.

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"ISTOCK# Singapour, qui fait rêver investisse­urs, startuppeu­rs et millionnai­res, est également décriée pour son système autoritair­e, sa faible protection sociale et ses inégalités croissante­s.

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