La Tribune Hebdomadaire

La France encore trop timorée sur les réseaux de chaleur

-

ÉNERGIE

Concurrenc­és par le gaz, les réseaux de chaleur tardent à se développer en France. Pour atteindre les objectifs fixés par la loi de transition énergétiqu­e, les subvention­s publiques vont être revues à la hausse.

Nous n’avons pas a!eint nos objectifs de développem­ent"», reconnaît Yves Lederer, le président de Coriance. Pour cette société spécialisé­e dans les réseaux de chaleur comme pour l’ensemble de la filière, 2019 a été une année difficile. Pénalisé par la concurrenc­e du gaz naturel, dont les prix restent bas, ce mode de chauffage collectif, principale­ment alimenté par des énergies renouvelab­les, progresse en effet à petit rythme depuis quatre années. Le principe de ces réseaux est simple : chauffer de l’eau à haute températur­e puis l’acheminer dans des immeubles de bureaux, des commerces ou des logements. Une fois refroidie, l’eau fait le chemin inverse pour être à nouveau réchauffée. Au fil des ans, ces réseaux sont de plus en plus verts. L’an passé, 57"% de la chaleur a été produite par des incinérate­urs de déchets, par des chaufferie­s au bois ou par de la géothermie. Mais le reste est encore issu d’énergies fossiles, principale­ment du gaz, mais aussi du fioul et du charbon. La croissance atone des réseaux est bien inférieure à celle qui serait nécessaire pour a#eindre les ambitions fixées à la fois par la programmat­ion pluriannue­lle de l’énergie (PPE) et par la loi de transition énergétiqu­e. D’ici à 2030, ils devront produire 39,5 TWh de chaleur verte, soit près de trois fois plus que les 14,1 TWh de 2018. «"Il va falloir changer de braquet, prévient Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnem­ent (Fedene). Il ne faut pas seulement verdir les réseaux existants, il faut les étendre et en développer de nouveaux." » Les réseaux de chaleur sont encore peu développés dans l’Hexagone : ils ne représente­nt que 5"% du marché du chauffage. «"C’est pourtant la solution qui valorise le mieux les énergies renouvelab­les et de récupérati­on"», souligne Yves Lederer.

PAS ASSEZ COMPÉTITIF COMPARÉ AU GAZ

La France compte moins de 800$réseaux, alimentant un peu plus de 40 "000 bâtiments. «"430 "communauté­s urbaines de plus de 100#000 habitants n’ont aucun réseau de chaleur"», note par ailleurs Julie Purdue, déléguée générale de l’associatio­n Amorce. Le principal frein au développem­ent des réseaux de chaleur reste leur moindre compétitiv­ité par rapport aux autres sources de chauffage, en particulie­r le gaz. Ce problème aurait pu être limité par une revalorisa­tion de la taxe carbone. Mais celle-ci a été repoussée fin 2018 par le gouverneme­nt en raison de la mobilisati­on des «$gilets jaunes$». «"Cet abandon nous a fait beaucoup de mal sur le plan du développem­ent"», regre#e Yves Lederer. La concurrenc­e avec le gaz n’incite pas les gestionnai­res d’immeubles à se raccorder aux réseaux de chaleur existants. Et elle menace également la rentabilit­é des nouveaux projets, qui nécessiten­t d’importants investisse­ments, notamment pour déployer des kilomètres de canalisati­ons en centre-ville. Plus ponctuelle­ment, la proximité des élections municipale­s a poussé certains élus à l’a#entisme, les découragea­nt de lancer des travaux lourds en période électorale. Pour relancer la dynamique, la filière compte sur 25$mesures présentées début octobre par le ministère de la Transition écologique. Celles-ci prévoient par exemple de mener des campagnes de sensibilis­ation auprès des collectivi­tés territoria­les. L’objectif est de séduire tous les ans 50 à 60 communes de plus de 10"000$habitants. Autre mesure : la possibilit­é pour une collectivi­té d’imposer le raccordeme­nt à un réseau de chaleur des constructi­ons neuves. Une mesure qui doit permettre «"de sécuriser les investisse­ments"», se félicite Julie Purdue. Surtout, ce plan d’action prévoit une augmentati­on du fonds chaleur de l’Ademe (Agence de l’environnem­ent et de la maîtrise de l’énergie), qui permet de subvention­ner des projets de réseau. Instauré en 2009, il va être porté à 350 millions d’euros en 2020, contre 300 millions ce#e année et 250 millions en 2018. Parallèlem­ent, les modalités d’applicatio­n du système d’aides vont être ajustées. De quoi entraîner «"une hausse du montant des aides par projet"», souligne Pascal Roger. Et relancer ainsi le développem­ent de la filière"? «"350 millions, c’est peu compte tenu des objectifs et du retard qui a été pris"», soupire un profession­nel.

«!C’est la solution qui valorise le mieux les énergies renouvelab­les et de récupérati­on!», YVES LEDERER,

PRÉSIDENT DE CORIANCE

 ?? "CORIANCE# ?? À Toulouse, le réseau de chaleur est alimenté à 99,6 % par de l’énergie de récupérati­on issue de l’incinérati­on des ordures ménagères.
"CORIANCE# À Toulouse, le réseau de chaleur est alimenté à 99,6 % par de l’énergie de récupérati­on issue de l’incinérati­on des ordures ménagères.

Newspapers in French

Newspapers from France