Entreprise à mission!: Maif plaide pour un label européen
ASSURANCES La Tribune,
Dans un entretien à Pascal Demurger, le directeur général du groupe Maif, partage sa conviction du rôle politique que doit jouer l’entreprise de demain. Selon lui, un capitalisme engagé permettrait à l’Europe de s’affirmer face à la concurrence nord-américaine et chinoise. Aujourd’hui, l’assureur mutualiste renforce son engagement sociétal et environnemental en dotant son fonds d’investissement d’une nouvelle raison d’être. Sa filiale dédiée à l’assurance-vie pourrait emprunter le même chemin.
Il l’affirme dans son slogan : le groupe Maif est un « assureur militant ». Au printemps dernier, l’assureur niortais revendiquait être la première grande entreprise française à s’engager sur la voie de l’entreprise à mission, au sens de la loi Pacte, qui permet aux sociétés qui le souhaitent de faire entrer des objectifs sociétaux et environnementaux dans leur objet social. L’entreprise au modèle mutualiste, qui n’a ni capital social ni actionnaire, avait alors défini et partagé publiquement sa raison d’être, c’est-à-dire la manière dont elle entend participer au bien commun. La raison d’être du groupe Maif : « Convaincusqueseuleunea!ention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous la plaçons au coeur de chacun de nos engagements et de chacune de nos actions. »
CIBLER UNIQUEMENT DES START!UP À IMPACT
Pour Pascal Demurger, le directeur général du groupe Maif, l’entreprise de demain doit forcément avoir un rôle politique. « C’est une double conviction. Non seulement toutes les parties prenantes exigent de l’entreprise qu’elle s’engage. Et c’est une vraie rupture, car jusqu’à présent la seule finalité de l’entreprise était sa rentabilité. Elle n’avait pas de finalité extérieure à ellemême. Ensuite, il me semble que l’on peut développer un modèle d’entreprise qui crée de la performance à travers l’engagement, qui est une source d’opportunité économique. » Selon lui, la qualité de société à mission doit même rayonner à l’échelle européenne. « Ce qu’il manque aujourd’hui, c’est une labellisation perme!ant de savoir quel est le niveau d’engagement d’une entreprise. Et si un label devait être créé, il faudrait que ce soit au niveau européen. Notre capacité à construire un capitalisme engagé est un moyen pour l’Europe de s’affirmer face aux États-Unis et à la Chine », estimet-il, en précisant qu’une note sur ce sujet a d’ores et déjà été transmise à la Commission européenne. En parallèle de ce travail de lobbying, l’assureur poursuit son engagement. Désormais, c’est au tour de sa filiale Maif Avenir, son fonds d’investissement en capital-risque, d’emprunter le même chemin de l’entreprise à mission en se dotant de sa propre raison d’être. « Le métier de Maif Avenir est très spécifique par rapport à notre activité principale d’assureur. Nous avons donc voulu adapter sa raison d’être et définir des engagements différents. C’est aussi un moyen pour Maif Avenir de cultiver sa propre image dans son écosystème qui est celui des start-up », justifie Pascal Demurger, le directeur général du groupe Maif. Le fonds d’investissement, doté d’une enveloppe de 250 millions d’euros, explique ainsi dans sa raison d’être « préférer une performance économique de long terme » et rechercher « le meilleur alignement des intérêts et de [ses] parties prenantes ». « Nous ne réaliserons pas d’investissement dans une start-up s’il n’y a pas d’impact positif pour la société et l’environnement », ajoute Pascal Demurger.
Selon lui, cette nouvelle raison d’être « ne modifie pas profondément la thèse d’investissement du fonds ». « Au contraire, cela renforce notre thèse déjà très orientée “tech for good” », affirme-t-il. À l’avenir, d’autres filiales du groupe pourraient aussi devenir sociétés à mission et se doter de leur propre raison d’être. C’est le cas notamment de Maif Vie, sa branche assurance-vie.
UNE PHILOSOPHIE BIEN ANCRÉE DANS L’ENTREPRISE
Une telle prise de position n’aurait alors rien d’anodin à l’heure où l’avenir du fonds en euros est souvent remis en question dans un contexte de taux durablement bas, qui pèsent sur la rentabilité des compagnies d’assurance. Ce placement est pourtant très prisé des épargnants français, qui apprécient sa sécurité alors que les unités de compte (UC) sont, elles, plus risquées.
« Notre position est extrêmement claire et sans doute différente de celle des autres acteurs du secteur. Le rôle social de l’assureur consiste à garantir la sécurité de ses assurés, d’assumer le risque à leur place. Cela vaut pour l’assurance dommages, mais aussi pour l’assurance des personnes. Notre rôle d’assureur est de garantir le capital qui a été placé et de ne pas transférer le risque qui pèse sur notre modèle économique sur l’assuré, en l’incitant à prendre des unités de compte. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut
« La modification statutaire doit être adoptée lors d’une assemblée générale extraordinaire qui aura lieu au printemps prochain », indique Pascal Demurger. Dans ce"e optique, Maif, en collaboration avec ses quelque 8#000$salariés et 200#000$sociétaires, travaille actuellement à définir des engagements concrets envers ses différentes parties prenantes. Ces derniers n’ont pas encore été arrêtés, mais ils pourront concerner l’organisation du
« Nous recherchons un engagement systématique dans l’intégralité de nos activités, de l’assurance à la gestion d’actifs, en passant par l’entretien des espaces verts »
travail, le management ou encore la politique énergétique et d’achat. « Nous recherchons un engagement systématique dans l’intégralité de nos activités, de l’assurance à la gestion d’actifs, en passant par l’entretien des espaces verts », résume son directeur général. Pourquoi vouloir institutionnaliser une philosophie déjà très ancrée dans la stratégie de l’entreprise#? « Cela permet de renforcer la dynamique et, en externe, cela permet de donner à voir ce que l’on fait. Enfin, prendre un engagement public rend la démarche irréversible », justifie Pascal Demurger, qui reconnaît néanmoins un risque de banalisation de l’entreprise à mission. Selon lui, ce"e dérive devrait toutefois rester limitée dans la mesure où, en plus de la mise en place d’un comité de suivi en interne, chaque société à mission sera auditée par un organisme tiers indépendant qui pourrait engager une action judiciaire visant à lui retirer son statut si les engagements ne sont pas tenus.
J. R.