La Tribune Hebdomadaire

Patrick Rein, locomotive du numérique à Mulhouse

- OLIVIER MIRGUET

Devenu l’animateur d’un écosystème mulhousien consacré à la digitalisa­tion de l’industrie, Patrick Rein a installé son projet d’incubateur en réhabilita­nt une friche symbole de la grandeur passée de sa ville.

Station F, le campus parisien de la Halle Freyssinet, est son modèle. « Mon idée a consisté à reprendre d’anciens locaux industriel­s pour développer un écosystème d’innovation porté par le secteur privé, mais aidé par le secteur public », résume Patrick Rein. À 56 ans, ce touche-à-tout du numérique se délecte. Avec quatre associés co-investisse­urs, il a redonné vie à la friche de l’ex-Société alsacienne de constructi­ons mécaniques (SACM), un fleuron architectu­ral de la révolution industriel­le. L’usine dont il est question se situe au centre de Mulhouse. Elle a accueilli jusqu’à 7!000 salariés dans la fabricatio­n de métiers à tisser, puis de moteurs à gaz et de moteurs diesel. La collectivi­té, héritière de ce patrimoine industriel à l’abandon, a accordé à Patrick Rein et à ses associés un bail emphytéoti­que sur 60 ans. 11!000 mètres carrés ont été réhabilité­s pour 7 millions d’euros. Le lieu ressemble au paysage du nord de l’Angleterre, avec ses murs en briques rouges et ses verrières en sheds (toitures en dents de scie). `

UNE STRATÉGIE POST#INDUSTRIEL­LE

Depuis un an, la friche rénovée accueille le plus grand incubateur privé de start-up dans le Grand-Est. « Nous l’avons baptisé KMØ [kilomètre zéro, ndlr] en référence à la première ligne internatio­nale de chemins de fer qui partait d’ici en 1841 », explique Patrick Rein.

Un an après l’inaugurati­on, le bâtiment sur trois étages affiche complet : 42 entreprise­s, trois centres de formation dont le Cnam, 370 étudiants et 70 événements organisés. L’ensemble se focalise sur la digitalisa­tion de l’industrie. Pas mal pour une ville en quête d’une nouvelle stratégie économique post-industriel­le. Mais Patrick Rein se défend de ce"e intention politique. Depuis près de vingt ans, il s’est employé à rendre visible un écosystème numérique qui ne l’était pas. Au début des années 2000, à la tête d’Activis, start-up spécialisé­e dans le référencem­ent sur Internet, il tentait de convaincre un prospect suisse que l’Alsace fourmillai­t d’experts informat i q u e s . L e s a r g u ment s manquaient. « Un dimanche, j’ai recensé sur l’annuaire toutes les sociétés informatiq­ues locales. J’ai découvert que nous étions plus d’une centaine », se souvient-il. Patrick Rein a contacté toutes ces entreprise­s et leur a proposé de tisser des liens. Jean-Marie Bockel, l’ancien maire de Mulhouse, a aidé à structurer la démarche en offrant des moyens, un secrétaria­t et des bureaux. Le consortium Rhénatic était né. Il a compté jusqu’à 120 membres et parmi s es r éali s at i ons, l a pl us concrète a été la mise en place par l’université de Haute-Alsace d’une licence de marketing sur Internet. Rhénatic a

« Nous avons baptisé la friche KMØ [kilomètre zéro] en référence à la première ligne internatio­nale de chemins de fer qui partait d’ici en 1841 »

rayonné jusqu’à Strasbourg. En 2015, les Mulhousien­s se sont associés avec la capitale régionale pour intégrer la démarche French Tech. Avec Activis, revendue en 2018, Patrick Rein n’en était pas à son coup d’essai. Jeune diplômé, il imaginait déjà à l’époque du Minitel un service en ligne de puéricultu­re. Dans les années qui ont suivi, il a créé une entreprise de portage salarial et créé BeamPulse, spécialist­e de l’analyse comporteme­ntale dans la vente en ligne. « Ce qui me plaît, c’est de monter des projets »,

résume Patrick Rein. Avec KM0, l’aventure personnell­e a-t-elle pris la direction de la promotion immobilièr­e!? Patrick Rein s’en défend en plaisantan­t : « Je suis le concierge. C’est moi qui garde la clé. » L’incubateur public régional Semia a labellisé KM0 et y a installé son antenne mulhousien­ne. Les entreprise­s en phase d’accélérati­on sont prises en charge par le Village by CA, dans un espace dédié de 300 mètres carrés. Le Crédit Agricole est également présent au tour de table des investisse­urs. « On est rentable à partir de 75!% de taux d’occupation », précise Patrick Rein. Les négociatio­ns vont s’ouvrir avec les collectivi­tés pour étendre le KM0 sur 5!000 mètres carrés supplément­aires. Il y a encore de belles friches en briques rouges à Mulhouse.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France