Quand la France parie sur le développement des pays du Sahel
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C’est une rencontre qui s’est tenue loin des projecteurs. Et pourtant, pour l’avenir du Sahel, elle a son importance. Le 25!février, à Nouakcho", capitale de la Mauritanie, fut organisée la première assemblée générale de l’Alliance Sahel. Lancée il y a bientôt trois ans par la France, l’Allemagne, et l’Union européenne, ce"e organisation rassemble désormais douze bailleurs pour améliorer l’efficacité de l’aide sur toute la région sahélienne. Signe de l’attention toute particulière de la France pour ce"e question, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et Rémy Rioux, patron de l’Agence française de développement (AFD), avaient fait le déplacement. Entre 2018 et 2022, c’est ainsi plus de 1,6 milliard d’euros de projets qui vont être financés par l’AFD, soit une hausse de 40%% de son action en faveur du Sahel. « On a tendance à l’oublier, mais c’est le coeur de l’Afrique », rappelle Rémy Rioux.
Les défis y sont immenses. Car la seule réponse militaire ne suffira pas pour résoudre la crise sahélienne. Les cinq principaux États du Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) doivent faire face simultanément à la progression de la menace terroriste et du crime organisé, au changement climatique, à l’expansion démographique et à la pauvreté… Près de 80%% de la population de ces pays vit ainsi avec moins de 2!dollars par jour. Mais ces derniers disposent aussi de nombreux atouts, notamment leur jeunesse. Ainsi, au Sahel, plus d’un habitant sur trois a entre 10!et 24 ans.
Sur place, l’AFD y intervient en lien avec les acteurs français de la défense et de la diplomatie. Dans le jargon, on parle d’une « approche 3D », pour défense, diplomatie et développement.
« En 2017, dès la semaine qui suit son investiture, Emmanuel Macron part à Gao, au Mali, où il développe un discours sur la sécurité et le développement », se souvient Rémy Rioux. «!Mais ce ne sont pas les 3D à l’américaine, où la diplomatie et le développement sont subordonnés à la sécurité, tient-il à préciser. Au contraire, on doit articuler l’ensemble. Il ne s’agit pas de passer après les militaires et les diplomates. C’est au moment de la crise qu’on doit être présent pour faire bouger les choses. »
Depuis son arrivée à la tête de l’AFD, Rémy Rioux dépoussière la culture du développement. Une véritable révolution silencieuse. Cet ancien directeur de cabinet de Pierre Moscovici à Bercy, qui connaît la Macronie comme sa poche, mobilise ainsi!ses équipes sur de multiples projets, tente de conjuguer développement et écologie, et finit peu à peu!par faire bouger les lignes : « On veut bien travailler avec les entreprises françaises. On les amène en Afrique!pour investir sur des projets de développement durable, nous!annonce-t-il. il s’agit d’établir des relations de long terme. »
Ce"e posture business se révèle au grand jour lorsqu’Emmanuel Macron s’exprime longuement en novembre 2017 devant 800 étudiants réunis à l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso. Le président français évoque alors sans complexe la conquête de nouveaux marchés et le rôle des investisseurs français. Exemple sur la santé : « Ce dont l’Afrique a besoin, ce sont des financements pour ouvrir des structures de soins. […] Je demanderai pour cela aux fonds d’investissement privés français, aux assureurs français, de proposer aux pays africains de devenir les actionnaires privilégiés des champions africains de santé. Concrètement, je veux que des financements privés français servent demain à ouvrir des cliniques de qualité à Abidjan, Dakar, Ouagadougou. La France doit avoir ce rôle. »
C’est aussi dans cette nouvelle perspective qu’Emmanuel Macron a souhaité augmenter l’aide au! développement d’ici à la fin!du!quinquennat en multipliant les cofinancements avec les entreprises privées. Ces « investissements s o l i d a i r e s » permettront-ils! d’établir de nouvelles relations entre les pays africains et la France%?
Si l’intention est louable, elle nécessite d’aller au-delà des mots. Il s’agit d’établir une véritable stratégie de développement et d’échanges, à tous les niveaux. En a"endant, dans les prochains mois, une loi d’orientation de la politique de développement va être discutée au parlement. Depuis quatre ans, l’AFD a également doublé de taille. La structure de financement a ainsi procédé à 1%000!embauches. Signe que la France semble revenir! à ses fondamentaux en pariant!sur le long terme dans sa relation avec l’Afrique. !
« Je veux que des financements privés français servent demain à ouvrir des cliniques de qualité à Abidjan, Dakar, Ouagadougou » EMMANUEL MACRON,
EN 2017, LORS D’UN DISCOURS À L’UNIVERSITÉ DE OUAGADOUGOU, AU BURKINA FASO