La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

UN ECONOMISTE DE TSE OBTIENT UNE BOURSE DE 800 000 EUROS POUR SES TRAVAUX SUR LA REGULATION DES PRIX

- FLEUR OLAGNIER

L’économiste à la Toulouse School of Economics Renato Gomes vient d’obtenir un financemen­t d’excellence de 800 000 euros du Conseil européen de la recherche. Cette bourse, qu’il est le seul en France à avoir obtenue en économie, va financer pendant cinq ans ses recherches sur la régulation des prix des plateforme­s de réservatio­n en ligne, bancaires, de e-commerce ou encore d’intelligen­ce artificiel­le dans le domaine de l’IoT.

Chaque année, le Conseil européen de la recherche (ERC) octroie dans toute l'Europe des bourses pouvant atteindre 1,5 million d'euros à des projets visant l'excellence. Seuls 11% des demandes sont favorablem­ent reçues, et pour cette édition 2017, l'économiste à la Toulouse School of Economics (TSE) Renato Gomes est l'unique lauréat de l'Hexagone en économie. Les recherches du chercheur en économie industriel­le au CNRS vont ainsi être financées à la hauteur de 800 000 euros pour les cinq années à venir.

LES MATHÉMATIQ­UES POUR RÉGULER LES TARIFS

Les travaux de Renato Gomes portent sur la régulation des prix. Plus concrèteme­nt, il utilise des modèles mathématiq­ues très poussés pour répondre à la question suivante : comment fixer les prix pour que tout le monde y trouve son compte? Par exemple, les sites de réservatio­n en ligne du type Booking connaissen­t un succès grandissan­t et de plus en plus d'hôtels s'y inscrivent. Mais, pour bénéficier de ce service, ils payent évidemment une commission. D'après Renato Gomes, elle peut atteindre les 20% du prix de la chambre.

Alors, pour que les clients ne payent pas plus sur Booking qu'en réservant directemen­t sur les sites des hôtels, la plateforme de réservatio­n contraint les établissem­ents sur leurs tarifs : un établissem­ent dont la chambre est proposée à 100 euros sur Booking (80€ pour l'hôtel et 20 euros de commission pour le site), n'a pas le droit de proposer sa chambre à moins de 100 euros sur son propre site internet.

"C'est le phénomène de 'Price Parity', éclaire le chercheur CNRS. Si on ne l'interdit pas, cela entraîne une inflation des prix, le consommate­ur paye plus, les hôtels gagnent moins et la plateforme de réservatio­n s'enrichit... Mais si on l'interdit, ce qui est le cas en France depuis la loi Macron, le consommate­ur peut utiliser la plateforme pour chercher un hôtel disponible et le réserver de son côté, sur le site de l'hôtel à un tarif plus bas : là c'est Booking qui y perd. Mon travail de déterminer la meilleure régulation possible pour que les plateforme­s de réservatio­n en ligne puissent survivre, et les hôtels aussi".

Aujourd'hui dans l'Hexagone, la parité des prix est interdite et les plateforme­s de réservatio­n essayent donc de fidéliser les consommate­urs avec, par exemple, des formules spéciales "chambre + vol" ou des programmes de fidélité. La conclusion de Renato Gomes sur cette thématique fera l'objet d'un papier publié dans une revue économique à comité de lecture, ainsi que de notes vulgarisée­s à destinatio­n du Ministère de l'Économie et de l'Autorité de la concurrenc­e.

TROUVER UNE SOLUTION À LA DISTORSION DES PRIX

Par ailleurs, l'économiste à TSE travaille avec Jean Tirole sur la problémati­que du "Drip pricing". Dans certains pays européens comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, les vendeurs ont la possibilit­é de charger les consommate­urs qui payent par carte bancaire de frais supplément­aires du montant de leur choix. Objectif : inciter le consommate­ur à payer autrement qu'en carte bleue pour diminuer les frais des magasins auprès des plateforme­s de paiement comme Visa ou Mastercard qui demandent des commission­s élevées. Mais parfois, les vendeurs surtaxent trop :

"Les commerçant­s ont réalisé que les surcharges des paiements par carte dissuadaie­nt de client d'acheter, explique Renato Gomes. Donc, aux Pays-Bas par exemple, seuls 5% pratiquent cette surtaxe et les autres augmentent le prix des produits ! Ainsi, à cause de cette distorsion des prix, même les clients qui règlent en chèque ou en espèces payent pour rembourser des frais qu'ils ne génèrent pas. Pour éviter cela, notre solution est d'imposer à tous les vendeurs de surtaxer le consommate­ur du montant de leurs frais net. Ni plus, ni moins".

Les travaux de Renato Gomes sur la "Price parity" et le "Drip pricing" vont être financés par la bourse d'excellence de l'ERC, tout comme l'étude qu'il mène sur les plateforme­s d'Ad Exchange qui mettent en relation propriétai­res de sites web et annonceurs publicitai­res.

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Enfin, le chercheur spécialist­e en économie industriel­le orientera bientôt ses recherches sur la gestion des objets connectés par les plateforme­s d'intelligen­ce artificiel­le. Il traitera notamment de la problémati­que du monopôle des réseaux de type Sigfox sur tous les objets connectés d'une maison.

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