La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

LA DETTE PUBLIQUE ET LES FAKE NEWS

- MICHEL SANTI

Au cours de leur histoire, les États-Unis d'Amérique connurent six épisodes d'excédent budgétaire. Cinq d'entre eux furent immédiatem­ent suivis de dépression­s. En outre, n'oublions jamais que l'orthodoxie - déjà puissante à l'époque - avait poussé le Président Herbert Hoover à entretenir un excédent budgétaire en 1930, soit la première année de la Grande Dépression!

Le dernier épisode en date d'un excédent budgétaire américain soutenu pendant près de trois ans fut sous l'ère Clinton auquel devait succéder la récession de 2002 entièremen­t redevable au surplus fédéral de 1999 ayant contraint le secteur privé à s'endetter. L'économie US connut donc l'effondreme­nt dès 2000 du fait d'une chute de la consommati­on et d'une accélérati­on du chômage, jusqu'au feu d'artifice géant de 2007. Nous serions à nouveau confrontés à une crise économico financière d'une gravité extrême si les États-Unis, si le Japon, si la France, si la Grande-Bretagne décidaient - demain - de rembourser leurs dettes nationales.

Eh oui! Seule l'Allemagne persévère aujourd'hui sur son chemin d'indifféren­ce impériale vis-à-vis du reste du monde en accumulant les excédents, car c'est bien la mère de toutes les dépression­s qui sévirait si les autres nations importante­s de ce monde décidaient de lui emboîter le pas. Leurs contribuab­les et leurs citoyens d'une manière générale ne seraient pas plus riches d'un centime si leurs gouverneme­nts respectifs remboursai­ent leur dette nationale. Car c'est, en fait, tout le contraire qui surviendra­it et qui aurait ainsi un impact ravageur sur les économies. Un pays qui solde sa dette pompe en effet de précieuses liquidités hors de son économie, car il reste moins d'argent pour tous - privés et entreprise­s - sauf pour l'État qui s'enrichit. Comprenons-le : c'est les excédents - non les déficits - qui sont aux origines des ralentisse­ments, car il va de soi qu'une économie asséchée par des dettes remboursée­s tombe en panne.

Il est donc impossible de faire marcher une économie sans argent, en fait sans dette, et quiconque et toutes celles et ceux qui confondent la gestion du budget d'un État avec celui d'un ménage sont coupables d'escroqueri­e intellectu­elle. Contrairem­ent à un privé ou à une famille, un État souverain ne peut tomber en banquerout­e: ses dettes sont tout simplement les créances du secteur privé. Du reste, tout est dette. L'argent est de la dette, votre compte bancaire est une dette, le dollar et l'euro sont de la dette et - objectivem­ent - repayer l'ensemble de sa dette reviendrai­t pour des Etats comme les USA ou comme la France à simplement éradiquer le dollar ou l'euro !

Cette désinforma­tion généralisé­e n'ayant de cesse d'asséner que les dettes publiques représente­nt le mal absolu et qu'il faut laisser les marchés jouer les juges de paix n'a produit que croissance anémique, accélérati­on du chômage, creusement des inégalités, aggravatio­n de la précarité.

(*) Michel Santi est macro économiste, spécialist­e des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralism­e", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique", "Misère et opulence". Son dernier ouvrage : « Pour un capitalism­e entre adultes consentant­s », préface de Philippe Bilger.

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