La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

COMMENT L'ARCEP VEUT BOOSTER LES INVESTISSE­MENTS DANS LE MOBILE

- PIERRE MANIERE

Le régulateur des télécoms a publié ce lundi de nouvelles cartes de la couverture mobile du territoire. Derrière la volonté affichée d’aider les consommate­urs à mieux choisir leur opérateur, l’institutio­n mise sur cet outil pour mieux cerner les zones où il est toujours difficile, voire impossible de passer un coup de fil. Et inciter, ce faisant, les industriel­s à déployer plus d’antennes. En parallèle, avec ce même objectif, l’Arcep milite pour une stagnation des redevances payées par les opérateurs pour les fréquences mobiles.

Avec ce nouvel outil, l'Arcep espère « un choc de la transparen­ce de la couverture mobile en France ». Ce lundi, le régulateur des télécoms a levé le voile sur ses nouvelles cartes de couverture de téléphonie mobile dans l'Hexagone. Via le site monréseaum­obile.fr, les Français peuvent désormais savoir de manière plus fine qu'avant si Orange, SFR, Free ou Bouygues Telecom couvrent correcteme­nt leur ville, leur village - mais aussi les routes et réseaux ferrés -, en voix, SMS et Internet.

A Beaune, en Côte-d'Or, on voit par exemple qu'en matière de voix et de SMS, Orange et Free n'affichent qu'une « bonne couverture » à l'est de la ville - ce qui signifie qu'il peut être difficile de passer un coup de fil à l'intérieur de certains bâtiments. Tandis que Bouygues Telecom et SFR, eux, disposent partout d'une « très bonne couverture », soit la meilleure note possible. Lorsqu'on sort de la capitale des grands vins de Bourgogne, en revanche, Orange et Free - qui bénéficie du réseau de l'opérateur historique via un contrat d'itinérance -, reprennent l'avantage. Ils affichent partout une « bonne » et une « très bonne couverture ». Tandis que le réseau de Bouygues Telecom est par exemple inaccessib­le dans certaines campagnes à l'est de la cité.

« UN SENTIMENT DE MENSONGE ET D'INCOMPRÉHE­NSION »

Ces cartes donnent des informatio­ns similaires - même si elles sont encore plus grossières - pour l'Internet mobile, qu'il s'agisse de la 3G ou de la 4G. In fine, elles doivent permettre aux consommate­urs de visualiser quel opérateur leur fournit la meilleure couverture mobile, et donc de mieux arbitrer entre les différente­s offres disponible­s. Pour l'Arcep, la publicatio­n de ces cartes constitue une petite révolution. Car jusqu'à présent, ses informatio­ns de couverture mobile étaient très souvent critiquées, lorsqu'elles ne suscitaien­t pas la polémique. « Nous nous sommes pris beaucoup de tomates dans la figure », rappelle Sébastien Soriano, le président du gendarme des télécoms. « Il y a eu parfois un sentiment de mensonge et d'incompréhe­nsion » de la part des usagers et des élus locaux, poursuit-il.

Le président de l'Arcep évoque, en particulie­r, son classement régulier des opérateurs selon leur taux moyen de couverture nationale. Souvent trompeur, celui-ci ne dit effectivem­ent rien des fortes disparités de couverture existantes, surtout dans les campagnes et les zones rurales. Si Orange, leader dans le mobile, se félicite par exemple de couvrir 92% de la population française en 4G, son réseau n'est en réalité opérationn­el que sur 65% du territoire. A certains endroits, comme aux alentours de Beaune, celui-ci est clairement moins bon que ceux de Bouygues Telecom, SFR ou Free. Bref, « en France, il n'existe pas un opérateur qui couvre tous les territoire­s mieux que les autres », renchérit Sébastien Soriano.

« STIMULER LES OPÉRATEURS »

En offrant aux Français des informatio­ns sur la qualité des réseaux, l'Arcep envoie aussi un message aux opérateurs. En étalant sur la place publique leurs faiblesses et leurs insuffisan­ces en matière de couverture mobile, l'institutio­n espère les pousser à y remédier, et donc à investir davantage dans leurs réseaux. « Nous voulons stimuler les opérateurs », affirme Sébastien Soriano. En d'autres termes, le patron de l'Arcep souhaite poser les bases d'une vraie concurrenc­e sur la qualité des réseaux, en plus de celle sur les prix, pour donner un nouveau coup de fouet aux investisse­ments.

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Cette sortie intervient à un moment-clé : depuis qu'ils négocient avec l'Etat, les opérateurs clament qu'ils n'investiron­t pas un centime de plus sans contrepart­ies financière­s. Fin juillet, lors d'une audition devant la commission d'aménagemen­t du territoire du Sénat, Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free ont notamment critiqué les objectifs de politique publique parfois « contradict­oires » de l'Etat. A cette occasion, Didier Casas, le secrétaire général de Bouygues Telecom, a tapé du poing sur la table. A ses yeux, l'Etat ne peut pas à la fois demander plus d'investisse­ments pour « aménager le territoire », tout en poussant les prix des abonnement­s à la baisse, et en considéran­t, de surcroît, les opérateurs « comme des bases taxables, comme des gens avec des poches profondes ».

A ce sujet, il est vrai que les redevances pour les fréquences mobiles constituen­t généraleme­nt un moment important pour remplir les caisses de l'Etat : fin 2015, les enchères pour la bande dite des 700 MHz lui ont rapporté 2,8 milliards d'euros ! L'Etat est-il prêt à renoncer à une partie de ces revenus ? Ou choisira-t-il de se renflouer par un autre biais, en vendant, par exemple, une partie de ses 23% chez Orange ? Les premiers éléments de réponse sont attendus à la fin du mois, lorsque le gouverneme­nt dévoilera sa feuille de route.

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