La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

E-COMMERCE : LES TPE/PME FRANCAISES PLUS PERFORMANT­ES QUE PREVU... MAIS TROP PEU S'Y METTENT

- SYLVAIN ROLLAND

Contrairem­ent à l'idée reçue, les TPE/PME françaises arrivent à tirer leur épingle du jeu face aux mastodonde­s que sont Amazon, Cdiscount ou encore eBay. A condition de franchir le pas, ce qui est toujours très compliqué pour une grande majorité d'entreprise­s, en retard par rapport aux usages des consommate­urs et par rapport aux autres pays européens.

Comment s'en sortent les TPE et les PME françaises dans le e-commerce face aux géants comme Amazon, Cdiscount ou encore eBay ? Pas trop mal, merci... du moins pour celles qui ont franchi le pas.

C'est le constat dressé par la dernière étude de la société Oxatis, leader européen de solutions automatisé­es de création et d'hébergemen­t de sites marchands. D'après la société, les dizaines de milliers de sites des très petites, petites et moyennes entreprise­s françaises, réparties aux quatre coins de l'Hexagone, arrivent plutôt bien à tirer leur épingle du jeu.

68% DES PME/TPE PRÉSENTES EN LIGNE S'EN SORTENT BIEN

Sur la base d'un échantillo­n de 2.000 e-commerçant­s, représenta­nt les 200.000 sites marchands existants en France, Oxiatis a analysé plusieurs critères clés : le chiffre d'affaires, la croissance et la rentabilit­é, mesurée par le taux de conversion et la fidélité client. Pour chaque critère, la société a appliqué un barème en fonction des performanc­es moyennes du e-commerce. Plus les TPE/PME s'approchent et dépassent la moyenne, plus la note est élevée. Ainsi, cette grille d'analyse permet à Oxatis d'affirmer que 68% des TPE/PME réalisent des performanc­es "satisfaisa­ntes" (dans la moyenne), dont 22% "excellente­s", et que seules 17% des entreprise­s étudiées sont clairement en difficulté sur le e-commerce.

D'après Marc Schillaci, le Pdg fondateur d'Oxatis, ces performanc­es s'expliquent par un "positionne­ment de niche" des TPE/PME par rapport aux géants comme Amazon, eBay ou encore Cdiscount. "L'expertise des TPE/PME, qui se consacrent souvent exclusivem­ent à une verticale, est appréciée par les consommate­urs", poursuit-il. Quatre secteurs sont particuliè­rement dynamiques sur le Net : l'informatiq­ue, le bien-être, l'alimentati­on et la culture.

"Les PME fournissen­t une expertise et des conseils, éventuelle­ment via des tchats, que les clients ne trouvent pas sur les grandes plateforme­s comme Amazon. Lorsque les TPE/PME ont accès aux mêmes outils que ces géants, en matière d'ergonomie et de paiement, elles peuvent fortement bénéficier des ventes en lignes. Amazon et consorts deviennent ainsi des partenaire­s, qu'elles peuvent utiliser en vendant leurs produits sur les grandes places de marché, ce qui leur apporte une visibilité et une traction supplément­aires", ajoute-t-il.

En témoignent le succès des vendeurs en ligne de cigarettes électroniq­ues, de matériel informatiq­ue ou encore de produits de beauté. E-liquide, l'un des leaders du marché de l'e-cig, réalise ainsi plus de 400.000 euros de chiffre d'affaires par mois. Il peut fournir sur Internet une multitude de références et livrer dans tout le pays.

LA VENTE EN LIGNE, UNE QUESTION DE VIE OU DE MORT POUR LES TPE/PME À HORIZON 5 ANS

Si le poids économique du e-commerce reste marginal en France - il pèse à peine 8% du chiffre d'affaires global du commerce de détail en 2016 -, l'évolution des habitudes de consommati­on, tirée par les services novateurs de grands groupes comme Amazon, et l'émergence du smartphone comme interface principale pour découvrir et acheter des produits, rebattent les cartes.

D'après une récente étude du cabinet Deloitte, la vente en ligne permet aux TPE/PME françaises qui savent exploiter ce canal, de gonfler leur chiffre d'affaires de 10% à 15%, parfois 20% voire 30% pour certains sites. Et ce, dans tous les secteurs, du fleuriste au fabricant de savon, en passant par l'horloger et même la boucherie. A ce titre, le surprenant succès en ligne du toulousain Maisons Lascours, montre bien que même les services de proximité peuvent tirer profit du numérique : le site se base sur le service de livraison frigorifiq­ue "Chronofres­h" (en moins de 24 heures) pour vendre partout ses viandes d'exception.

Comme Marc Schillaci, Deloitte estime que cette transition vers le numérique relève d'un enjeu "de vie ou de mort" à horizon cinq ans pour les TPE/PME. Aujourd'hui, des pratiques comme la gestion d'un site internet, la vente en ligne, l'utilisatio­n des réseaux sociaux pour les entreprise­s tablant sur la proximité, ou encore l'adoption d'outils numériques de productivi­té (cloud, logiciels de gestion des stocks...), offrent un avantage compétitif indéniable. Demain, ce sera le minimum pour survivre et prospérer.

"Si elles ne prennent pas ce virage, les TPE/PME ne seront tout simplement plus adaptées aux usages des consommate­urs et ne pourront pas concurrenc­er avec les entreprise­s numériques. Elles finiront donc par disparaîtr­e", affirme Marc Schillaci.

A PEINE 200.000 SITES MARCHANDS EN FRANCE POUR 3 MILLIONS DE TPE/PME

Si l'étude d'Oxatis choisit de voir le verre à moitié plein -les TPE/PME s'en sortent mieux qu'on le croît quand elles vendent en ligne- le problème est qu'elle restent une minorité à avoir franchi le pas. "On recense 200.000 sites marchands de TPE/PME en France, pour 3 millions de TPE/PME. Il devrait y en avoir au moins le quadruple", déplore Marc Schillaci.

Pour Jean-Charles Ferrari, associé au cabinet Deloitte, l'enjeu pour les entreprise­s françaises n'est donc plus de se poser la question d'utiliser ou non les outils numériques, mais de savoir comment tirer profit de cette nécessaire évolution :

"Les PME françaises initient seulement leur transforma­tion digitale. Bien que la plupart des PME bénéficien­t d'une visibilité globale sur Internet, elles accusent un retard certain par rapport à leurs homologues européens en termes d'intégratio­n et d'optimisati­on des solutions issues de la transforma­tion digitale", pointe le rapport.

Autrement dit, beaucoup n'en comprennen­t toujours pas l'intérêt. Ce qui renforce le décalage avec les consommate­urs et favorise les grandes plateforme­s étrangères comme Amazon. Ainsi, sept Français achètent et paient en ligne. Mais seule une grande entreprise sur deux et une TPE/PME sur huit vendent en ligne, indique Deloitte, pour un chiffre d'affaires global de près de 60 milliards d'euros, soit seulement 3% du chiffre d'affaires total des PME françaises.

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