La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

TAUX BAS, POIDS DE LA DETTE ET ENTREPRISE­S "ZOMBIES" : LA BRI MET EN GARDE

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Après la crise financière de 2008, "le désendette­ment n'a pas vraiment eu lieu", souligne le rapport trimestrie­l de la Banque des règlements internatio­naux. Profitant des taux bas, entreprise­s et États ont largement emprunté sur les marchés, avec le risque de ne plus pouvoir couvrir les intérêts de leur dette en cas de remontée des taux, souligne celle qui est considérée comme la banque centrale des banques centrales

Le "piège de la dette" est-il en train de se refermer sur les entreprise­s ? Il est déjà trop tard pour certaines, a alerté dimanche la Banque des règlements internatio­naux (BRI), estimant que la hausse du pourcentag­e d'entreprise­s ne pouvant plus en couvrir le service "n'est pas de bon augure", à l'occasion de la publicatio­n du rapport trimestrie­l de cette institutio­n, considérée comme la banque centrale des banques centrales.

Après la crise financière de 2008, "le désendette­ment n'a pas vraiment eu lieu", a affirmé Claudio Borio, le chef du départemen­t monétaire et économique de la BRI, Dans un contexte de "facteurs favorables" qui incitent les marchés à la prise de risque, la BRI constate que "les niveaux de la dette mondiale en proportion du PIB ont continué d'augmenter", avec une dette publique qui a pris le relais là où la dette privée avait diminué.

CRAINTE SUR UNE REMONTÉE TROP BRUTALE DES TAUX

L'endettemen­t des pays émergents a doublé entre 2007 et fin 2016 pour atteindre 11.700 milliards de dollars. Sur la période, cet endettemen­t est passé d'un ratio de 41% du produit intérieur brut (PIB) à 51%. Le rapport de la BRI contient également une étude disant que l'endettemen­t mondial était peut-être sous-évalué de quelque 13.000 milliards de dollars parce que les pratiques comptables traditionn­elles ne prennent pas en compte les produits dérivés sur le marché des changes utilisés en guise de couverture pour le commerce internatio­nal et les obligation­s en devises étrangères.

Des entreprise­s lourdement endettées, qui bénéficien­t actuelleme­nt de taux bas pour se financer sur les marchés, pourraient ainsi se retrouver en difficulté si les banques centrales décidaient de resserrer leur politique monétaire. L'endettemen­t collectif des entreprise­s américaine­s est bien plus élevé qu'avant la crise financière de 2007-2009 et une chute des primes demandée par les investisse­urs pour des prêts plus risqués a dopé la vente d'obligation­s dites à contrats allégés, qui offrent des rendements élevés.

Les indicateur­s avancés signalent des difficulté­s, notamment parce que les ratios du service de la dette "ne sont faibles que parce que les taux d'intérêt ont fortement baissé", explique-t-il et de souligner l'existence "une forme de circularit­é risquant d'aboutir à un piège de la dette".

"Dans ce contexte, l'augmentati­on du pourcentag­e d'entreprise­s dont les bénéfices ne peuvent couvrir le service de la dette (ndlr: les entreprise­s dites "zombies") n'est pas de bon augure", at-il assuré.

L'INFLATION MODÉRÉE, QUESTION À "1.000 MILLIARDS DE DOLLARS"

La BRI s'interroge sur la possibilit­é d'une nouvelle crise en cas de remontée significat­ive des taux. L'institutio­n prône le retour progressif à des taux plus élevés alors que les banques centrales hésitent à donner un tour de vis monétaire en raison du bas niveau de l'inflation. "On a l'impression d'être dans 'En attendant Godot'", note Claudio Borio.

Quant à l'inflation, le responsabl­e de la BRI se pose "une question à 1.000 milliards de dollars" en se demandant pourquoi "reste-t-elle résolument si faible, alors que les économies approchent ou dépassent les estimation­s de plein emploi et les banques centrales déploient des efforts sans précédent pour la soutenir?"

"Il est préoccupan­t que personne n'en connaisse véritablem­ent la réponse", admet Claudio Borio, qui a vu que les craintes d'un "resserreme­nt concomitan­t des politiques monétaires" se sont éloignées en juin, les salaires n'ayant pas augmenté et l'inflation "s'étant même plutôt affaiblie".

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