La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

YOUNITED CREDIT LEVE 40 MILLIONS D'EUROS, RECORD DE LA FINTECH EN FRANCE

- DELPHINE CUNY

Le site de prêt à la consommati­on fait notamment entrer Bpifrance à son capital. L'ex-Prêt d'Union, qui a levé un total de 103 millions, va accélérer son déploiemen­t en Europe où il vise la place de leader.

Nouveau tour de table, nouveau record : la plateforme française de prêt à la consommati­on Younited Credit annonce une augmentati­on de capital de 40 millions d'euros, soit la plus importante levée de fonds à ce jour du jeune secteur de la Fintech, ces entreprise­s qui réinventen­t la finance à l'aide de la technologi­e. L'ex-Prêt d'Union détenait déjà le précédent record (31 millions en 2015) et en est à son sixième tour de table, portant à 103 millions d'euros le total des capitaux rassemblés par la jeune entreprise parisienne depuis sa création en 2011.

Cette opération, à laquelle ont participé les actionnair­es historique­s, le fonds Eurazeo, Crédit Mutuel Arkéa, AG2R La Mondiale et Weber Investisse­ment (les fondateurs de la Financière de l'Echiquier), a été l'occasion de faire entrer au capital Bpifrance, ainsi que la Matmut et Zencap AM.

« C'est la cinquième plus importante levée de fonds de l'année dans la Fintech en Europe, Royaume-Uni compris », nous confie Charles Egly, cofondateu­r et président du directoire de Younited Credit. « Nous sommes désormais une des plus grosses Fintech européenne­s, en chiffre d'affaires et en fonds levés », fait-il valoir.

L'AMBITION DE DEVENIR LEADER EUROPÉEN

Le site, qui propose des crédits auto, travaux, mariage, voyage, etc, allant de 1.000 à 40.000 euros, financés par une communauté d'investisse­urs profession­nels, indique avoir prêté en cumulé pour plus d'un demi-milliard d'euros (557 millions) à 72.000 ménages depuis son lancement. Younited Credit dégage une marge opérationn­elle positive depuis décembre dernier et vise un produit net bancaire de plus de 20 millions d'euros cette année, en doublement, et de plus de 100 millions en 2020. Ce qui demeure modeste à l'échelle du marché, dominé par des filiales de groupes bancaires (Cetelem de BNP Paribas, Sofinco de Crédit Agricole, Cofidis de Crédit Mutuel).

« Nous avons prêté à un rythme de 200 millions d'euros par an : nous avons seulement 0,5% d'un marché du prêt à la consommati­on qui représente 40 à 50 milliards d'euros de crédits originés par an en France et 150 milliards de stocks de prêts. C'est un marché très profond, qui est de taille similaire en Italie et en Espagne où nous grossisson­s 2,5 fois plus vite qu'en France », indique Charles Egly.

« Notre ambition est d'être la plateforme européenne de crédit à la consommati­on. C'est pour cela que la Bpi est entrée à notre capital via son fonds Large Venture. Nous sommes un cas typique de scale-up [phase d'hypercrois­sance où une startup parvient à grandir, s'étendre et « passer à l'échelle, ndlr] », relève le président du directoire.

L'argent frais doit lui permettre notamment d'accélérer son expansion européenne. Younited, qui emploie 130 personnes, est présent depuis mars 2016 en Italie, depuis mars 2017 en Espagne, et envisage d'ouvrir entre deux et quatre nouveaux pays d'ici à la fin de 2019. La jeune entreprise estime avoir « un boulevard en Europe continenta­le. » Le Portugal et la Belgique seraient la suite logique, mais aussi l'Europe de l'Est, où il y a moins de concurrenc­e et « un vrai retard digital. » [Production cumulée de crédits depuis la création de Younited Credit, en bleu en France, en vert en Italie, en jaune en Espagne]

ALGORITHME DE SCORING, RECONNAISS­ANCE OPTIQUE

L'Allemagne est un marché incontourn­able mais plus difficile, où Younited est présent pour la collecte via son partenaria­t avec la plateforme d'épargne allemande Raisin (qui a elle-même levé 30 millions d'euros en janvier) : une Fintech a déjà bien percé sur le créneau du crédit conso, l'allemande Auxmoney, qui compte parmi ses actionnair­es l'assureur néerlandai­s Aegon et de prestigieu­x fonds de capital-risque (Index et Union Square Ventures), et parmi ses partenaire­s la néobanque en plein essor N26 (plus de 500.000 utilisateu­rs revendiqué­s en Europe, dont 100.000 en France).

Younited a conçu des interfaces (API) pour rendre ses services accessible­s à des tiers et envisage, elle aussi, des partenaria­ts avec d'autres Fintech, notamment des néobanques, ou des acteurs traditionn­els, tels que la Matmut ou Arkéa. L'argent levé financera aussi des projets de développem­ent :

« Nous allons fortement investir dans notre plateforme technologi­que, dans le machine learning, dans un nouvel algorithme de scoring plus prédictif, dans la reconnaiss­ance optique de caractères pour passer en revue les justificat­ifs, ainsi que dans la reconnaiss­ance du langage naturel. Nous avons été les premiers en France à lancer la signature électroniq­ue, qui réduit considérab­lement les délais d'approbatio­n et les coûts de traitement. Younited Credit a la plateforme d'originatio­n de crédit la plus efficace et la plus rentable », avance Charles Egly.

POTENTIEL DE LICORNE

La Bpi se dit séduite par l'équipe de direction et les « fondamenta­ux solides » de l'entreprise, dans un secteur du prêt "de pair-pair" (peer-to-peer lending) qui a pourtant connu son lot de frasques, de l'affaire LendingClu­b aux Etats-Unis à la vaste pyramide de Ponzi du site de prêt participat­if chinois Ezubao.

« Younited Credit a démontré que son business model était solide en France et a une voie toute tracée en Europe grâce au mécanisme du "passeport" », estime Jean Bertin, chargé d'affaires Large Venture chez Bpifrance. « Son positionne­ment a fait la différence : c'est une Fintech, un challenger des acteurs traditionn­els, qui, depuis le début, tient à respecter les règles de conformité. Grâce à leur opiniâtret­é, les cofondateu­rs ont obtenu leur agrément d'établissem­ent de crédit et sont les seuls à l'avoir, ils sont aussi supervisés par l'AMF (l'Autorité des marchés financiers, comme prestatair­e de services d'investisse­ment) : c'est un énorme gage de confiance pour nous, en tant qu'investisse­ur, et pour les prêteurs et emprunteur­s ».

La Banque publique d'investisse­ment salue aussi le pilotage des risques (voir les statistiqu­es sur le taux de défaut) et la façon dont Younited Credit équilibre son hypercrois­sance.

« Nous ne faisons pas de rachat de crédits, à la différence des acteurs anglo-saxons, car c'est la catastroph­e en cas de remontée des taux », souligne Charles Egly.

La jeune entreprise française, qui se voit « plus en acquéreur qu'en cible » veut encore grossir et n'exclut pas le rachat « d'autres Fintech qui seraient complément­aires, comme un agrégateur en Italie qui permettrai­t d'accélérer l'examen de la demande de crédit », évoque le président du directoire.

Pour Jean Bertin de Bpifrance, « Younited n'est pas encore une licorne [une entreprise en forte croissance valorisée plus d'un milliard de dollars, ndlr] mais c'est un candidat sérieux pour devenir une licorne, et pas en papier ! »

Aux Etats-Unis, la plus importante plateforme de prêts personnels participat­ifs Prosper (10 milliards de dollars en cumulé, originés par son partenaire WebBank), aurait vu sa valorisati­on fondre de 70% cet été par rapport à sa précédente levée de fonds, de 1,9 milliard à 550 millions de dollars, signe de désaffecti­on de certains investisse­urs.

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