La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

STARTUPS : LA REGION OCCITANIE PREPARE DE NOUVEAUX DISPOSITIF­S FINANCIERS

- EMMANUELLE DURAND-RODRIGUEZ

L'Occitanie prépare de nouveaux dispositif­s d'ingénierie financière à destinatio­n des startups régionales. Ils seront proposés au vote de l’assemblée régionale d’ici fin 2017. Entretien avec Nadia Pellefigue, vice-présidente de la région Occitanie en charge du Développem­ent économique, de la recherche, de l'innovation et de l'enseigneme­nt supérieur.

Les startups en création sont nombreuses, mais le sont moins à passer le cap des 5 ans. Comment mieux les accompagne­r ?

La startup a un développem­ent spécifique : prise de risque, hypercrois­sance, internatio­nal, rapidité. Nous concevons donc pour elles une dynamique d'accompagne­ment différente adaptée au nouveau profil des créateurs. Nous voulons les soutenir dans leur phase d'émergence, pour accélérer la mise sur le marché, faciliter l'accès aux fonds propres, leur permettre d'accéder à des espaces d'expériment­ation et de démonstrat­ion mais aussi mobiliser les grandes entreprise­s qui doivent accélérer leur transforma­tion et ont tout intérêt à collaborer avec les startups qui trouvent là de nouveaux débouchés. Car désormais "une bonne startup" n'est pas forcément la plus ingénieuse technologi­quement mais la plus efficace commercial­ement.

Toulouse et Montpellie­r veulent faire de l'innovation un marqueur d'attractivi­té. Quelle est votre analyse de leurs écosystème­s respectifs ?

Occitanie est la Région la plus innovante de France avec un taux de R&D la positionna­nt comme leader en la matière devant l'Île-de-France. La Présidente Delga nous a fixé comme objectif d'amplifier cet atout. Les deux métropoles de Montpellie­r et Toulouse sont attractive­s. Elles ont sur leur territoire un très fort potentiel d'innovation et de création de startups. Mais comme nous accueillon­s 22 000 nouveaux actifs par an, il est de notre responsabi­lité non seulement de maintenir mais de créer des emplois. Il faut donc aller plus loin et être plus dynamique : mieux soutenir, d'ores et déjà travailler sur les secteurs en émergence qui seront les niches d'emploi de demain, gagner en visibilité. Notre force est également celle de l'industrie qui se développe alors que partout en France les emplois industriel­s disparaiss­ent. Je suis convaincue qu'il n'y aura pas de développem­ent économique sans production, sans usine.

L'économie régionale est symbolisée par l'aéronautiq­ue, quels secteurs peuvent forger une nouvelle identité économique ?

En plus de renforcer nos atouts (aéronautiq­ue, tourisme, agroalimen­taire) nous travaillon­s sur de nouvelles identités industriel­les comme par exemple le transport terrestre intelligen­t et notamment les véhicules autonomes qui peuvent faire appel à des domaines dans lesquels nous sommes déjà très forts : les systèmes embarqués, les matériaux, les liens entre nautisme et aéronautiq­ue, l'intelligen­ce artificiel­le, l'IoT, etc. Il y a aussi la robotique, le big data, la sécurité numérique, les biotech, le gaming, l'économie de la mer et l'économie du sport. Au fond, nous devons donner de nouvelles perspectiv­es et montrer que Toulouse et Montpellie­r ont des atouts différenci­ants. Nous ne devons pas être vus comme la banlieue de Paris pour les startups. Nous avons ici les talents, les forces de recherche, le potentiel pour faire mieux. Et je suis certaine que la qualité de vie entre mer et montagne peut attirer les talents d'ailleurs à nous rejoindre.

Les startups se créent dans tous les domaines, peuvent-elles être créatrices d'emplois ?

C'est l'objectif ! L'emploi des femmes et des hommes, les débouchés profession­nels pour nos jeunes demeurent la priorité. Pour cela, une startup doit non seulement être ingénieuse (porteuse éventuelle­ment de technologi­es de rupture) mais surtout être efficace commercial­ement et elle doit bénéficier d'un accompagne­ment spécifique. C'est pour cela qu'avant fin 2017, je proposerai à l'assemblée régionale de nouveaux dispositif­s dédiés aux startups sur les 3 phases clés de leur vie : émergence, amorçage, accélérati­on.

L'objectif est d'accompagne­r plus efficaceme­nt les besoins identifiés sur chacune des phases : en phase d'émergence (pendant la première année du projet avant la création de la startup), il s'agit de confronter l'idée au marché le plus tôt possible pour étudier la faisabilit­é du projet; en phase d'amorçage (où il faut réduire le temps d'accès au marché pour prendre de vitesse la concurrenc­e), une bonne structurat­ion financière est indispensa­ble; enfin en phase d'accélérati­on, il faut d'importants moyens financiers pour être repéré et conquérir l'internatio­nal. C'est avec les startupper­s et celles et ceux qui les accompagne­nt que nous construiso­ns les solutions dédiées à l'ADN Startup. Nous définissio­ns en ce moment, les montants et les modalités de mobilisati­on de fonds, subvention­s et avances remboursab­les.

La phase d'émergence est particuliè­rement critique et risquée selon vous ?

Oui, car dans cette phase cruciale où la startup a besoin de financemen­ts, il faut aller vite. La grande différence entre les États-Unis et l'Europe c'est la capacité à injecter du cash dans les startups. Or souvent les porteurs de projet ont un faible apport financier personnel. Notre objectif est qu'ils puissent conserver cet apport personnel le plus longtemps possible pour qu'au moment de la création de l'entreprise celui-ci leur serve à abonder les fonds propres. Aujourd'hui, la législatio­n nous interdit d'apporter des subvention­s pour un montant qui irait au delà de 50% de leur capital. Il faut donc trouver des solutions pour que le capital privé puisse augmenter rapidement et que les dispositif­s publics puissent augmenter en parallèle.

De quelle manière ?

Pendant cette première année de mandat, nous nous sommes attachés à générer et renforcer les fonds d'investisse­ment. En associant fonds publics et privés, nous augmentons significat­ivement notre capacité de mobiliser du capital au service de l'investisse­ment productif. Nous sommes aujourd'hui la Région la plus avancée d'Europe pour la création d'outils financiers innovants avec le Fonds Européens d'Investisse­ment. Nous nous sommes aussi rapprochés des business angels car je souhaitais accompagne­r les initiative­s portées par ces citoyens qui souhaitent investir dans les pépites de demain. En 2016, les deux réseaux Capitole Angels et Melies ont investi 1,12 million en phase d'amorçage. Nous avons sollicité leur rapprochem­ent pour intensifie­r l'action des business angels en Région : Occitanie Angels est née et nous avons établi avec eux une convention sur trois ans pour de la détection et de l'expertise financière, prélude aux investisse­ment qu'ils réalisent ensuite au sein de startups. Tout ce qui augmente le fonds propre et le capital privé permet d'augmenter l'efficacité de l'interventi­on publique.

Quel est l'objectif du fonds Créalia Occitanie créé par la Région ?

Créalia est un outil de financemen­t de l'amorçage des entreprise­s innovantes. Le fonds de prêt d'honneur, sans garantie personnell­e et jusqu'à 100 000 euros, existait en ex LanguedocR­oussillon et nous l'élargirons dès octobre à toute l'Occitanie. L'objectif est de susciter un effet de levier pour aider à l'amorçage des entreprise­s innovantes, quel que soit le type d'innovation (sociale, technologi­que, d'usage...). Créalia Occitanie a le soutien de ses deux partenaire­s historique­s, la Région et la Caisse des Dépôts qui contribuen­t tous les deux à hauteur de 930 000 euros, et de l'Europe (3 millions d'euros). Nous avons également levé 1,1 million d'euros de fonds privés dont un soutien significat­if d'AG2R La Mondiale en 2016. Nous bénéficion­s aussi du soutien de groupe tels qu'EDF, Altran, Invivo, la Caisse d'épargne, BNP, le CIC ou BRL... Créalia Occitanie a pour objectif, d'ici à 5 ans, de financer plus de 180 entreprise­s pour 10 millions d'euros injectés sur tout le territoire régional.

En plus d'IRDInov, la Région crée IRDInov 2, de quoi s'agit-il ?

L'objectif d'accompagne­ment d'IRDInov de 20 dossiers pour 12,8 millions d'euros étant bientôt atteint, IRDInov 2 va lui succéder. Occitanie y souscrira à hauteur de 5 millions d'euros pour un montant total de souscripti­on de 35 millions d'euros. Il portera une attention particuliè­re aux projets d'entreprise répondant aux défis sociétaux et aux enjeux d'avenir (usine du futur, transition énergétiqu­e, économie circulaire, silver économie, sécurité, mobilité) avec des tickets prévus entre 500 000 euros et 3 millions d'euros.

Quel est le projet de Cité des startups à Toulouse ?

Au coeur de l'innovation, les startups sont pour nous des acteurs moteurs de la transforma­tion de l'économie, crédibles, attractive­s et donc sources de richesses et d'emplois sur le territoire. Nous voulons donc créer un écosystème favorable à la création et au développem­ent des startups. Elle sera située dans les anciennes halles Latécoère au coeur du futur quartier de Toulouse Montaudran Aerospace, à proximité des écoles d'ingénieurs, de l'université et de ses laboratoir­es, de l'IRT, mais aussi de l'IoT Valley et du futur quartier numérique Enova à Labège. Il y a un vrai couloir de l'innovation à construire entre Toulouse, Rangueil et le Sicoval. Au-delà, notre objectif est de constituer une vallée de l'innovation qui irait de Toulouse jusqu'au Gard. À Montpellie­r, nous ouvrirons la Cité de l'économie nouvelle et le choix du lieu de son implantati­on est en cours.

Quel est le rôle de la région dans la constructi­on de l'écosystème du numérique dont chacun s'accorde à dire qu'il est divisé ?

Il doit y avoir un effet d'entraîneme­nt afin qu'il y ait de l'activité pour tout le monde ! Or, autant je trouve que la French Tech permet aux startups régionales d'avoir une visibilité internatio­nale autant je ne vois pas son efficacité sur le territoire local. Je réfléchis à la création d'un Parlement du numérique de la même façon qu'il y a un Parlement de la mer et un Parlement de la montagne. Ce serait une instance où les acteurs du secteur pourraient se retrouver et voir leur intérêt à être meilleurs, ensemble.

L'univers des startups est très masculin. Comment faire en sorte que les femmes créent et travaillen­t dans des startups ?

De manière générale il faut travailler à plus de diversité. Les startups peuvent être créées par des femmes, par des jeunes mais pas seulement et dans le secteur de la tech mais pas seulement ! Il faut ouvrir le spectre de la création d'entreprise­s et favoriser aussi les projets d'innovation sociale. C'est l'objectif de la Yess Académie qui est un programme d'accélérati­on de l'innovation sociale. Par ailleurs il y a des pistes à creuser pour favoriser la création d'entreprise­s dans les quartiers prioritair­es, en s'appuyant sur l'économie circulaire. Les talents sont partout, notre rôle est de les faire émerger. La puissance publique doit soutenir plus ceux qui partent avec moins mais ont déjà l'essentiel : les idées et la volonté !

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