La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
PIRATAGE : QU'EST-CE QUE LE "STREAM RIPPING", QUI EFFRAIE TANT L'INDUSTRIE MUSICALE ?
Malgré les progrès des offres légales, notamment du streaming audio et vidéo, 40% des internautes dans le monde écoutent de la musique en ligne de manière illégale. La pratique en vogue du "stream ripping" inquiète particulièrement l'industrie de la musique, mais elle n'est pas forcément illégale. Explications.
Bonne nouvelle pour l'industrie musicale : après avoir officiellement redressé la tête grâce à la transition réussie du « physique » vers le streaming,l'étude annuelle de l'IFPI (la fédération internationale de l'industrie phonographique), qui se consacre aux usages des consommateurs mondiaux de musique, confirme l'appropriation rapide et massive de l'écoute en ligne.
Ainsi, 96% des internautes consomment de la musique de manière légale. 75% se servent des plateformes de streaming vidéo, notamment YouTube. Et 45% utilisent des services légaux de streaming audio, contre 37% en 2016, soit une augmentation significative sur un an. Signe encore plus positif : cette pratique du streaming audio est particulièrement répandue chez les jeunes, et notamment les ados entre 13 et 15 ans (85%), qui représentent les consommateurs de demain.
4 INTERNAUTES SUR 10 PIRATENT DE LA MUSIQUE
Problème : l'industrie musicale est encore loin de s'être débarrassée du piratage. D'après l'étude, si quasiment tout le monde utilise les diverses offres légales (radio, streaming audio, streaming vidéo et achat physique), 40% des internautes écoutent aussi une partie de leur musique de manière illégale.
Et l'Ifpi de tirer la sonnette l'alarme. « La violation des droits d'auteur et des droits voisins reste un problème majeur pour toute la filière musicale », écrit le lobby, qui estime que ces pratiques n'ont « plus leur place dans le monde de la musique d'aujourd'hui, ni de demain », en raison de l'existence d'un « volume inédit de musique légale disponible ».
Par contre, le téléchargement illégal via des sites de torrent, épouvantail de l'industrie depuis la fin des années 1990, n'est plus sa principale crainte. Désormais, c'est le « stream ripping » qui inquiète. Le stream ripping ? Une pratique qui consiste à enregistrer une copie des contenus légaux qu'on trouve en ligne sur son PC ou son smartphone, rendue très simple par l'existence de convertisseurs.
FORTE AUGMENTATION DU "STREAM RIPPING"
D'après les chiffres de l'étude, 35% des internautes pratiquent cette forme de copie privée, dont, et c'est là le problème, 53% des 16-24 ans. Sans surprise, le portrait-robot du "stream-rippeur" est un jeune homme, qui pratique aussi le piratage classique, c'est-à-dire sur BitTorrent et à partir de "cyberlockers", des sites d'hébergement de fichiers. Le "stream ripping" lui sert à se procurer des titres seuls, plutôt qu'un album, pour l'ajouter dans ses playlists.
L'IFPI pointe également du doigt la popularisation du stream ripping, dont la pratique a augmenté de 5 points en à peine un an. Les moteurs de recherche sont jugés en grande partie responsables de l'importance des pratiques illégales, puisque 54% de ceux qui téléchargent illégalement de la musique utilisent Google pour trouver leurs fichiers illicites.
Réalisée en partenariat avec l'institut de sondage Ipsos, l'enquête annuelle de l'IFPI interroge des personnes de 16 à 64 ans, sur les 13 principaux marchés de la musique enregistrée dans le monde (USA, Canada,Grande-Bretagne, France, Allemagne, Espagne, Italie, Suède, Australie, Japon, Corée du Sud,Brésil, Mexique), qui représentent 85% du chiffre d'affaires mondial de la musique enregistrée.
LA LÉGALITÉ DU "STREAM RIPPING" EN QUESTION
Si l'IFPI classe le stream ripping parmi les pratiques illégales, le sujet est en réalité plus complexe, du moins en France. Car concrètement, il s'agit de copie privée. Or, depuis une loi de Jack Lang en 1985, révisée en janvier 2012, la copie à usage privé est un droit du consommateur, légal "si les copies sont réalisées à partir d'une source licite".
Le stream ripping est donc en fait la version moderne de l'enregistrement sur une cassette d'une chanson entendue à la radio. Ou de l'enregistrement d'un film ou d'une série sur une VHS qu'on lit dans un magnétoscospe. Des pratiques très populaires dans les années 1990. Cet usage échappe donc aux revendications des ayant-droits, car il est privé et le consommateur s'est déjà, en théorie, acquitté de son droit d'accès au contenu.
BATAILLE FÉROCE ENTRE LES AYANTSDROITS ET YOUTUBE
Mais l'ère numérique pose un nouveau problème, car la monétisation des contenus est différente et l'industrie ne repose plus sur les ventes de CD. Une fois que le contenu est téléchargé, l'utilisateur peut l'écouter à sa guise. Par conséquent, les acteurs du streaming audio (Deezer, Spotify, Apple Music, Tidal, Amazon Music...), ne peuvent pas comptabiliser cette écoute, donc la monétiser avec des publicités et rémunérer les ayant-droits. Le problème est encore plus brûlant vis-à-vis de YouTube, qui est à la fois la première plateforme mondiale de musique légale (plus de 60% des titres streamés en France le sont sur YouTube), mais aussi le premier pirate, puisqu'il est extrêmement simple de "stream ripper" les vidéos pour en extraire la musique.
En 2014, l'autorité en charge de la lutte contre le piratage, Hadopi, estimait d'ailleurs que « la diffusion en streaming a vocation à permettre la seule écoute ou le seul visionnage des contenus par les internautes, et non la réalisation de copies des contenus ». Une déclaration conforme aux volontés des ayants-droits, en guerre ouverte ouverte contre YouTube. Ils lui reprochent une situation quasi-monopolistique sur la musique en ligne, mais une contribution marginale, voire ridicule, aux revenus du secteur. YouTube pèse ainsi plus de 60% des écoutes de musique en France, mais il ne contribue qu'à hauteur de moins de 3% aux revenus du secteur dans son ensemble, et à hauteur de 10% à ceux du streaming.
Changement de pied chez l’opérateur français, qui prétendait encore récemment à la compétitivité du nouveau nucléaire face aux énergies renouvelables. Devant la dégringolade continue des prix, ses dirigeants justifient désormais la nécessité d’investir dans un nouveau parc par la complémentarité des deux types d’énergie, seul attelage efficace pour contrer les énergies fossiles.
Cela est peu connu, mais EDF est depuis dix ans ans présent dans le gaz, notamment grâce au rachat de l'Italien Edison. Et Marc Benayoun, qui dirige le pôle Italie et gaz, veut accompagner tous les pays dans lesquels le gaz joue un rôle dans la transition énergétique. Ce qui représente un vaste marché, puisque les centrales à gaz, très flexibles et deux fois moins émettrices de CO2 que le charbon, sont présentées depuis des années comme l'énergie par excellence de la transition énergétique. Dans un de ses rapports, l'AIE avait même annoncé un «âge d'or du gaz».
Mais aux yeux d'EDF, cela ne sera pas le cas en France, où c'est le nucléaire qui accompagnera l'essor des énergies renouvelables.
LE NUCLÉAIRE MOINS COMPÉTITIF QUE LES RENOUVELABLES, MAIS PLUS QUE LE GAZ
EDF a été le premier des grands acteurs de l'énergie conventionnelle à investir dans les énergies renouvelables, avec le rachat en deux temps - 75% en 2000 puis 100% en 2011 - de SIIF Energies, déjà fondée par Pâris Mouratoglou qui vient de céder 23% de sa nouvelle affaire, Eren RE, à Total. Aujourd'hui dirigée par Antoine Cahuzac, EDF Énergies nouvelles, leader européen du secteur très dynamique à l'international, prévoit de doubler ses capacités installées à 50 gigawatts d'ici à 2030. Mais l'opérateur historique a longtemps douté de la compétitivité de ces énergies vertes. Force lui est de constater aujourd'hui qu'elle est advenue plus rapidement qu'attendu. En janvier encore, Xavier Ursat, le patron du nouveau nucléaire - qui doit tirer parti des retours d'expériences des EPR actuellement en construction et venir remplacer le parc français actuel avec des réacteurs plus faciles et moins coûteux à construire - se fixait pour objectif « Qu'il coûte moins cher en euros par kilowattheure que la moins chère des énergies renouvelables installée au même endroit à cette époque-là. »
Ce n'est plus vraiment le même son de cloche. Désormais, dans la continuité de la COP21 dont la France entretient la flamme, et alors qu'Emmanuel Macron a décidé de tenir un mini sommet climat le 12 décembre prochain à Paris, c'est haro sur les énergies fossiles.
« On ne peut pas opposer le nucléaire aux renouvelables. L'objectif est d'abord de produire une électricité décarbonée, sans recourir aux énergies fossiles », a expliqué Jean-Bernard Lévy, le président d'EDF dans une rencontre avec la presse le 19 septembre.
Et d'affirmer la compétitivité du nouveau nucléaire face à des énergies fossiles assujetties à une taxe carbone, que le groupe souhaite voir établie à 30 euros la tonne.
FLEXIBILITÉ INSOUPÇONNÉE DU PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS
Mais il ne suffit pas d'être décarboné pour être un bon complément des énergies renouvelables intermittentes. « Comparer le prix de l'électricité d'origine renouvelable et celle d'origine nucléaire revient à comparer des choses qui ne sont pas comparables, en particulier en termes de disponibilités, a ainsi souligné Antoine Cahuzac. Au mieux en Europe, les installations photovoltaïques fonctionnent à 14 % du temps et les éoliennes à 25 % », a-t-il rappelé.
Longtemps le nucléaire est apparu comme l'énergie de base par excellence, capable de fournir en permanence une électricité abondante et de qualité, mais peu adaptée à un pilotage en temps réel. Pour démontrer que le nucléaire est le meilleur ami des renouvelables, Dominique Minière, le directeur du parc nucléaire, s'est donc livré à une explication détaillée de capacités de flexibilité jusqu'alors insoupçonnées, qui lui permettent d'abaisser sa production de 80% en seulement 30 minutes ! « Avec la montée en puissance des renouvelables nous avons développé la souplesse de fonctionnement des réacteurs de manière aussi à optimiser notre consommation de combustible », note Dominique Minière. Une possibilité qui a été intégrée dès la conception des centrales.
Ce « savoir-faire unique au monde », suscite l'intérêt d'acteurs étrangers. Notamment des Chinois, auxquels EDF a cédé la technologie il y a deux ans.
L'ÉVOLUTION DES COÛTS DU STOCKAGE : LA GRANDE INCONNUE
Bien sûr, cette compétitivité du nucléaire repose largement sur l'absence de solution de stockage à prix compétitif, notamment de stockage massif de longue durée, particulièrement inter-saisonnier. Les STEP (stations de transfert d'énergie par pompage) représentent la seule solution compétitive à l'heure actuelle. Or, si les coûts du stockage devaient suivre la même courbe que ceux du solaire photovoltaïque, par exemple, qui ont été divisés par 10 en 10 ans, cela changerait la donne. Si le patron d'EDF assure qu'on ne voit à l'horizon aucune rupture technologique capable de générer une telle baisse des coûts, l'on ne peut exclure, comme cela s'est produit sur les énergies renouvelables, que les choses évoluent très rapidement, plus rapidement en tous cas que le temps de construire de nouveaux EPR optimisés.
EDF BIEN DÉCIDÉE À FAIRE VALOIR SON INTÉRÊT D'ENTREPRISE
Mais cela reste bel et bien l'objectif de l'opérateur, qui a profité de cette rencontre avec la presse pour donner le ton, à quelques semaines des travaux concernant la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour les périodes 2019-2023 puis 2024-2028, qui doivent notamment fixer l'objectif d'évolution la part de la production nucléaire dans le "mix énergétique" français.
"Cette PPE doit faire de toute évidence l'objet d'un travail de préparation de la part du nouveau gouvernement", a indiqué Jean-Bernard Lévy. "EDF aura certainement l'occasion de faire valoir à la fois la reconnaissance des missions d'intérêt général qui sont les siennes sur l'équilibre production/consommation dans le cadre des textes en vigueur et également de faire valoir son intérêt d'entreprise", a-t-il ajouté. "Nous sommes un très grand opérateur et l'Etat, j'en suis persuadé, aura à coeur de concilier les intérêts du système électrique, de la régulation, de la transition énergétique et également ses intérêts d'actionnaire d'EDF".
Dans ces conditions, bon courage à Nicolas Hulot, qui avait évoqué (tout comme la Cour des Comptes avant lui) l'hypothèse de 17 à 20 réacteurs fermés pour atteindre les 50% du mix électrique fixés par la loi.
La lune de miel ne dure pas forcément très longtemps entre les startups et les entreprises qui les rachètent. Les deux entités doivent apprendre à s’apprivoiser pour coexister. Exemple avec Charp, racheté en octobre 2016 par son concurrent MixData.
« Au début, on se regarde avec des étoiles dans les yeux, c'est la lune de miel. On joue ensemble au baby-foot, on s'extasie devant le rooftop avec la super vue sur Paris, tout le monde est ravi de rencontrer d'autres personnes. C'est après que les choses se compliquent un peu... »
François Pinsac, 26 ans, est le directeur commercial de Charp, une pépite de la French Tech spécialisée dans les solutions de prospection pour les entreprises. Grâce au big data et à l'intelligence artificielle, la startup, qui a su séduire Google, identifie les bons interlocuteurs et les livre directement aux commerciaux, avec les informations de contact dont ils ont besoin. De quoi éviter de perdre des heures en prospection inutile, en frappant directement aux bonnes portes. La technologie de Charp, notamment son process de validation, a fortement intéressé son concurrent MixData, spécialisé lui aussi dans la « prospection ultra-ciblée d'entreprise » ou « smart data ». Les deux entreprises ont d'abord signé un partenariat. Puis MixData a racheté Charp en octobre 2016.
CHOC DES CULTURES
Que se passe-t-il après la signature, lorsque deux entités différentes joignent leurs forces ? Comment la startup s'adapte-t-elle à sa nouvelle situation, et comment l'entreprise maximise-t-elle son acquisition ?
Quelques mois après le rachat, MixData et Charp ont aménagé ensemble à Boulogne-Billancourt, tout près de Paris. Comme prévu dès les négociations, les trois co-fondateurs de Charp sont partis vers de nouveaux horizons, la vente étant d'ailleurs motivée par leur désir d'évasion. Un changement important pour les employés. « Dans une startup, les fondateurs apportent une énergie folle grâce à leur vision et leur passion. Aujourd'hui, les anciens déchantent un peu, car ils ont l'impression d'y avoir perdu au change : ils sont passés de cofondateurs hyper-charismatiques avec lesquels ils étaient partis de zéro à un repreneur avec lequel ils n'ont pas cette histoire et cet affect », raconte François Pinsac, qui a rejoint l'aventure quelques mois après le rachat, pour aider Charp à trouver de nouveaux clients.
A ce changement d'organisation interne s'ajoute un choc des cultures entre la jeune startup de sept personnes et MixData. Pourtant, cette dernière est loin d'incarner le grand groupe sclérosé et empêtré dans ses silos et sa hiérarchie. Au contraire. Crée en 2013, MixData, 12 employés, est elleaussi une entreprise innovante, agile, quoique beaucoup plus traditionnelle dans son fonctionnement.
« On s'apprivoise, ça se passe globalement très bien, mais ils ont une manière très différente de voir beaucoup de choses », explique Alain Corban, 50 ans, le président de MixData. Qui poursuit : « Pour nous, Charp est une bouffée d'air frais. Leur culture startup s'infuse dans toute la boîte, cela nous pousse à être plus innovants ».
Mais la porosité des cultures a ses limites. « Ce sont des jeunes entre 23 et 27 ans, on ne les manage pas pareil que les autres générations. On ne prendra jamais certains de leurs process, comme leur manie de communiquer uniquement par écrit, sur les messageries instantanées comme Slack », indique le dirigeant.
François Pinsac est plus direct. « Il y a un vrai décalage culturel. Chez Charp, ça bosse dans un silence de mort, on avance vite, on documente tout, et personne ne reste après 19h car cela voudrait dire qu'on n'est pas efficace. Les collègues de MixData, nourris aux codes de l'entreprise plus traditionnelle, se moquent gentiment de nous. Ils ont du mal à comprendre cet état d'esprit ».
INÉVITABLE PERTE D'INDÉPENDANCE
Pour une startup qui a toujours fonctionné en toute liberté, il peut être difficile d'accepter l'inévitable perte d'indépendance liée à un rachat. Sur le papier, MixData et Charp sont deux entités séparées, avec leurs propres process et clients. Mais dans les faits, les deux entreprises sont dirigées par le patron de MixData, Alain Corban. Son influence sur Charp est plus indirecte, puisqu'il s'appuie sur trois « directeurs », qui lui rendent des comptes : le directeur commercial François Pinsac, le directeur des opérations Ugo Basciano, et la directrice des ressources humaines Laure Daougabel.
Pourquoi ne pas avoir directement absorbé Charp plutôt que conserver la structure ? « On s'est posé la question, mais nous voulions garder cette complémentarité de services, qui nous permet d'adresser des clients différents. De plus, absorber Charp n'aurait pas eu de sens car on a besoin qu'ils nous challengent, précise Alain Corban, qui prône l'indépendance de sa startup... dans un cadre défini. « MixData donne les lignes directrices stratégiques, mais Charp est indépendant et je ne veux pas qu'ils soient dirigés par quelqu'un d'autre que par eux-mêmes », affirme-t-il.
Du côté de Charp, les choses sont vécues de manière un peu moins harmonieuse:
« Notre défi est de rester une startup, raconte François Pinsac. Il faut que nous gardions notre rapidité de décision, notre capacité à prendre des initiatives et à faire des erreurs, car c'est ce qui fait de nous une startup et non pas une TPE. C'est aussi très important pour eux s'ils veulent qu'on réussisse. Mais ce n'est pas gagné, car nous sommes clairement sous tutelle. »
Malgré cet inévitable jeu de pouvoir, les deux entreprises y trouvent leur compte. « MixData nous apporte une expérience du marché, une maturité dans l'exercice du métier et des conseils précieux, résume François Pinsac. Il est juste important qu'ils n'oublient pas la nécessité de nous laisser nos ailes pour qu'on puisse vraiment leur apporter de la valeur. »
Une problématique rencontrée, d'après les témoignages qu'a pu recueillir La Tribune, par la plupart des startups passées par l'étape du rachat.