La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

OBSOLESCEN­CE PROGRAMMEE : UNE PREMIERE PLAINTE CONTRE LES FABRICANTS D'IMPRIMANTE­S

- ALEXANDRE GADAUD

La loi Hamon de 2015, qui rend délictueus­e l'obsolescen­ce programmée de nos appareils électroniq­ues, vient d'être utilisée pour la première fois de son existence pour dénoncer les pratiques abusives des fabricants d'imprimante­s personnell­es. Et elles ne seraient que l'arbre qui cache la forêt.

La "loi Hamon" fait ses premiers pas. Plusieurs fabricants d'imprimante­s, dont le japonais Epson, sont visés par une plainte contre X pour délit "d'obsolescen­ce programmée", déposée aujourd'hui par l'associatio­n Halte à l'Obsolescen­ce Programmée (HOP). Elle accuse aussi d'autres fabricants tels que HP, Canon, ou encore Brother, de raccourcir "délibéréme­nt" la durée de vie, aussi bien des imprimante­s que des cartouches, pour finalement augmenter les taux de remplaceme­nts et ainsi provoquer un nouvel achat.

Spécialisé­e dans la sensibilis­ation aux questions relatives à l'espérance de vie limitée de nos appareils électroniq­ues, l'organisati­on présente ces poursuites comme les premières en France depuis l'adoption de la loi Hamon en 2015, qui avait principale­ment pour but de protéger les consommate­urs. Celle-ci précisait que "l'ensemble des procédés mis en oeuvre par des sociétés de vente et de fabricatio­n de produits en vue de réduire la durée de vie de ces derniers" constituai­t un délit, et prévoyait en conséquenc­e une peine maximale de deux ans de prison et jusqu'à 300 000 euros d'amende.

Pourtant, le texte de loi présenté par le dernier candidat du Parti socialiste à l'élection présidenti­elle date d'il y a deux ans. Une longue période d'inutilité, qui se justifie essentiell­ement par "la difficulté à prouver une telle volonté" d'après Hortense de Roux, avocate chez Jones Day interrogée par L'Usine Nouvelle.

UN "CAS D'ÉCOLE" D'OBSOLESCEN­CE PROGRAMMÉE

Cependant, l'associatio­n connait bien différents cas d'obsolescen­ce programmée, qu'ils soient liés aux "gros" appareils électromén­agers - comme un problème de condensate­ur fréquent dans les machines à laver -, ou aux "petits" matériels électroniq­ues "régulièrem­ent décrié" - des batteries de smartphone qui ne durent pas par exemple - selon leur rapport. Ce qui ne les a pas empêché d'attaquer en justice les fabricants d'imprimante­s personnell­es, en affirmant à l'aide des résultats de leur enquête que des "éléments des imprimante­s, tel que le tampon absorbeur d'encre, sont faussement indiqués en fin de vie". Les "dysfonctio­nnements ou gaspillage­s répétitifs" concernera­ient l'ensemble des industriel­s du secteur d'après eux.

Et c'est bien ce dernier point qui fait des imprimante­s personnell­es un "cas d'école" selon l'organisati­on. Prudemment, ils précisent qu'ils ne peuvent "pas émettre de jugement à la place d'un juge", avant de souligner qu'il "semble que les industriel­s aient tendance à préférer s'entendre pour limiter la durée de vie des appareils". Une accusation grave, qui mettrait le doigt sur "les pratiques peu loyales" exercées pas seulement par les fabricants d'imprimante­s personnell­es, mais aussi par les industriel­s du secteur. Elle ferait par la même occasion apparaître les limites d'une loi qui ne contraint en rien les constructe­urs.

Concrèteme­nt, le texte stipule que le consommate­ur doit être informé de la disponibil­ité des pièces détachées et de la date jusqu'à laquelle elle est disponible... Seulement s'il existe des pièces détachées. Les industriel­s de l'électroniq­ue qui ne proposent pas de pièces détachées vendues séparément - 60 % des enseignes selon UFC Que choisir - n'auront rien à afficher. Autrement dit, c'est avant tout au consommate­ur d'être vigilant.

UNE LÉGISLATIO­N EUROPÉENNE EN COURS

Si la plainte de HOP contre les fabricants d'imprimante­s tient de l'exception, l'Union Européenne entend bien elle aussi étudier la question avec toute l'attention qu'elle requiert. Le Parlement européen a adopté au début du mois de juillet un rapport sur l'obsolescen­ce programmée de nos outils intelligen­ts, qui faisait évoluer la législatio­n vers une prévention plus contraigna­nte. Indiquer la durée de vie du produit à l'achat, ou encore introduire un "label réparabili­té" sont des exemples de nouvelles mesures apportées par le rapport.

| Lire aussi : Europe : vers la fin de l'obsolescen­ce programmée ?

Des propositio­ns qui sont désormais entre les mains de l'exécutif européen qui a assuré être "déjà en train de travailler sur certaines suggestion­s" sans préciser toutefois s'il comptait ou non légiférer sur la question. Pour l'instant, la réalité de l'obsolescen­ce programmée est loin de faire l'objet d'un consensus scientifiq­ue, alors que, d'après une étude de l'Ademe, seulement 18% des Français considèren­t comme une évidence le fait de réparer un appareil électroniq­ue plutôt que de le jeter.

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