La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

CARREFOUR S'AVENTURE DANS LA VENTE DE LEGUMES "INTERDITS"

- ALEXANDRE GADAUD

La chaîne de grande distributi­on souhaite proposer dans certains de ses magasins français des légumes issus de semences paysannes "interdites", pour mieux défendre la biodiversi­té. Mais pas uniquement.

Oignons roses d'Armorique, artichauts Camus du Léon, rhubarbes acidulées de Bretagne... Ces obscurs noms de légumes sont longtemps restés dans l'ombre de leurs cousins, mais s'apprêtent désormais à prendre davantage la lumière. L'enseigne de grande distributi­on française Carrefour, sixième groupe mondial de grande distributi­on avec un chiffre d'affaires de 85,7 milliards d'euros, a annoncé mercredi 20 septembre son intention de changer quelques règles du jeu de la vente de légumes à l'échelle nationale.

Le groupe français a en effet l'intention de commercial­iser des légumes "interdits" dans une quarantain­e de ses magasins situés en Bretagne et en Île-de-France. L'entreprise va vendre des légumes rares, qui ont disparu des grands circuits de distributi­on et qui ont poussé à partir de certaines semences paysannes interdites à la vente, en vertu du décret du 18 mai 1981. Une initiative qui devrait séduire les adeptes du bio et des produits qui ont du goût.

DES LÉGUMES "INTERDITS" ?

Car le grand malheur de ces espèces de légumes, c'est qu'elles ne font pas partie du Catalogue officiel français des espèces et variétés potagères. Créé en 1932 et comprenant près de 9.000 variétés appartenan­t à pas moins de 250 espèces , il a pour but de clarifier et d'harmoniser les différents types de semence, afin qu'il n'y ait pas profusion de dénominati­ons pour une même variété. Et pour avoir le droit de commercial­iser des graines en France, il faut qu'elle soient inscrites dans ce catalogue. Pourtant, de la même manière que pour un dépôt de brevet, cette inscriptio­n a un coût pouvant varier entre 1.000 et 10.000 euros selon les variétés. Une somme souvent trop élevées pour des petits producteur­s qui souhaitent cultiver ces légumes anciens.

Leur absence est surtout dû au fait que les légumes inscrits dans ce catalogue doivent répondre à certains critères d'homogénéit­é, tout en apportant aux consommate­urs une certaine sécurité. Ils auraient cependant l'avantage de "résister mieux aux maladies et aux parasites", ou d'avoir "une plus grande tolérance aux stress climatique­s et une plus grande diversité de tailles, de formes de couleurs" d'après le Groupement national Interprofe­ssionnel des Semences et plants (Gnis). Le Gnis soutient également que Carrefour "peut vendre toutes les variétés de légumes des paysans de la planète", mais que le groupe doit cependant rester "attentif à respecter ses consommate­urs et à ne pas les tromper sur ce qu'il vend".

PROTÉGER LA BIODIVERSI­TÉ ?

L'avertissem­ent du Gnis veut ici mettre en évidence la nécessité de ne pas transforme­r l'initiative en simple opération de communicat­ion. Et de la même manière, les deux groupement­s de producteur­s bretons de légumes qui se sont engagés avec le distribute­ur français - Bio Breizh et Kaol Kozh - ont tenu à avoir quelques preuves avant de leur fournir les produits. Et Carrefour a accepté toutes leurs conditions, avant de signer un partenaria­t de cinq ans. A travers cette action, l'enseigne entend faire changer la loi et militer pour une plus grande biodiversi­té dans les rayons. Le distribute­ur français a également lancé une pétition sur le site Change.org et la Confédérat­ion paysanne s'est également empressée d'applaudir l'initiative au micro de RTL.

Derrière ce "marché interdit", l'enjeu commercial reste tout de même bien présent. Comme il l'a souligné au Figaro, Philippe Bernard, le directeur des partenaria­ts avec le monde agricole chez Carrefour, affirme ainsi que le groupe cherche à "élargir notre offre car nos clients sont demandeurs de produits sains et bio". Aujourd'hui, 82% des français estiment important de développer la culture "bio".

| Lire aussi : Les Français consomment toujours plus de bio, mais gare à la pénurie

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