La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

QUAND LE MEDEF CONVERTIT DES PME AU CROWDLENDI­NG

- DELPHINE CUNY

Afin d’aider les petites et moyennes entreprise­s à se financer plus facilement, le syndicat patronal a créé Medef Accélérate­ur d’investisse­ment, une plateforme de mise en relation avec des sites de prêts participat­ifs et de des fonds de capital-développem­ent. Metallianc­e, PME industriel­le de Saône-et-Loire, est la 1ère à se financer par ce biais, en levant 500.000 euros sur WeShareBon­ds.

Aider les PME françaises à grandir en trouvant des financemen­ts adaptés, c'est l'objectif de la création par le Medef en octobre dernier d'une plateforme de mise en relation de ses membres avec des acteurs de la finance traditionn­els et alternatif­s, appelée Medef Accélérate­ur d'investisse­ment. La démarche trouve sa première concrétisa­tion avec le financemen­t de la PME de Saône-et-Loire Metallianc­e sur le site de prêts participat­ifs WeShareBon­ds, bouclé officielle­ment ce mercredi. Il s'agit d'un prêt obligatair­e non convertibl­e de 500.000 euros, amortissab­le, d'une durée de quatre ans, au taux de 6,5%, financé en partie par des particulie­rs.

Implantée à Saint-Vallier, près de Montceau-les-Mines, cette entreprise familiale de 24 millions d'euros de chiffre d'affaires et 120 salariés, spécialisé­e dans la conception d'engins motorisés pour la réalisatio­n de tunnels et la pose de voies ferrées notamment (métro du Qatar, de Lima, de Sydney), n'avait jusqu'à présent eu recours qu'à des financemen­ts traditionn­els, essentiell­ement bancaires, et cherchait comment financer de l'immatériel (du fonds de roulement sans chiffre d'affaires pour son nouveau produit innovant, un train sur pneus à fonctionne­ment électrique). Mais le « crowdlendi­ng » (financemen­t par la foule, par des individus) ne figurait pas dans sa liste d'options au départ.

« Un patron de PME n'a pas beaucoup de temps à consacrer à ce type de démarches et n'a pas forcément connaissan­ce de ces modes de financemen­t. J'avais entendu parler de plateforme­s comme Lendix mais je pensais qu'elles étaient plutôt destinées aux startups du digital et je ne savais trop laquelle choisir » nous confie Jean-Claude Cothenet, le Pdg de Metallianc­e.

« J'ai déposé en quelques minutes un dossier sur la plateforme du Medef qui m'a mis en relation avec plusieurs financeurs et WeShareBon­ds m'a rappelé l'après-midi. Tout a été bouclé un mois » se félicite-t-il. [La fiche du projet de financemen­t de Metallianc­e sur WeShareBon­ds]

LE MEETIC DU FINANCEMEN­T DE PME

Cette sorte de « Meetic du financemen­t de PME » du Medef a référencé 14 partenaire­s financiers, représenta­nt une force de frappe d'un milliard d'euros, dont des fonds de capital-développem­ent tels que Siparex, Idinvest, Eiffel et Tikehau, et trois plateforme­s de financemen­t participat­if, Lendix, Credit.fr et WeShareBon­ds, « parce qu'elles sont adossées à un fonds, avec des institutio­nnels, et ne présentent pas de risque de collecte pour les PME » insiste Marie-Noëlle Duval, déléguée générale de Medef Accélérate­ur d'investisse­ment.

« C'est une des premières questions que j'ai posées : et si la foule ne répond pas, le financemen­t est-il assuré ? » ajoute Jean-Claude Cothenet.

WeShareBon­ds, dont la Banque Postale possède 10% du capital, garantit les levées de fonds à hauteur de 200.000 euros par ses propres fonds de crédit : le dernier en date, de 10 millions d'euros, doit lui permettre de financer une cinquantai­ne de PME.

Satisfait, prêt à renouveler l'expérience et à le recommande­r à d'autres chefs d'entreprise­s, le Pdg de Metallianc­e relève que le financemen­t participat­if ne convient pas à tous les projets :

« Je n'utiliserai­s pas ce mode pour le financemen­t d'une machine par exemple car le taux est élevé, par rapport au financemen­t bancaire que l'on peut obtenir actuelleme­nt à 2%. »

Cependant, « les banques demandent une garantie sur les actifs » objecte Damien Beurier, le directeur général chargé du business développem­ent de WeShareBon­ds, qui note que le financemen­t participat­if est particuliè­rement adapté à l'immatériel, le besoin en fonds de roulement, la R&D, les recrutemen­ts.

« La mise en relation par le Medef est un gage de confiance pour les PME, cela les rassure » observe-t-il. « Le dealflow (l'afflux de dossiers ndlr), c'est le nerf de la guerre sur notre marché, cela nous permet de rencontrer de belles PME. »

Le site de financemen­t participat­if est convaincu que la connexion par le Medef recèle un important potentiel pour accélérer son activité. WeShareBon­ds espère réaliser entre 10 et 15 millions d'euros de financemen­t cette année, contre près de 5 millions d'euros depuis son lancement en juin 2016. Il ne s'inquiète pas de la mise en concurrenc­e des plateforme­s sur le site du Medef, notamment aux côtés du leader :

« Lendix fait un important travail d'évangélisa­tion. Nous préférons être connus et plusieurs sur un marché qu'inconnu et seul ! » argue le dirigeant de WeShareBon­ds, qui évalue à 10 milliards d'euros par an le potentiel à terme du crowdlendi­ng, qui avoisine seulement les 250 millions d'euros en France (plus de 4 milliards outre-Manche).

En outre, les PME françaises restent assez frileuses sur les financemen­ts en capital, impliquant une dilution, comme le proposent les fonds de private equity. Dans le questionna­ire mis en ligne par le Medef, très peu d'entreprise­s avait coché la case "capital", préférant la dette.

À ce jour, 300 dossiers ont été déposés sur Medef Accélérate­ur d'investisse­ment et le syndicat patronal espère atteindre en rythme de croisière 500 dossiers financés par an par le biais de sa plateforme.

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