La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

A TOULOUSE, LES VOITURES TRES POLLUANTES BIENTOT CHASSEES DES GRANDS AXES ?

- ISRAA LIZATI

À l’horizon 2030, l’ambition de Toulouse Métropole est de parvenir à une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à aujourd'hui. Pour atteindre cet objectif, elle a décidé de mettre en place d'ici fin 2020 une zone à faibles émissions (ZFE), un périmètre, qui reste encore à décider, où les véhicules les plus polluants ne pourront pas circuler. Pourtant votée à l’unanimité lors du conseil de la métropole, cette décision fait parler d’elle auprès des élus écologiste­s toulousain­s ainsi que l’associatio­n nationale 40 millions d’automobili­stes.

Les automobili­stes toulousain­s vont devoir se familiaris­er avec un nouveau sigle : ZFE, pour zone à faibles émissions. En effet, lors du dernier conseil de Toulouse Métropole le 4 octobre dernier, a été voté à l'unanimité la mise en place, d'ici 2020, de ce périmètre au sein duquel l'accès sera interdit aux véhicules les plus polluants.

La mise en place de cette ZFE fait partie d'une salve de mesures en faveur de la mobilité propre et de la qualité de l'air portée par l'ancien ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, et la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Pour l'instant, seuls Paris et Grenoble possèdent une ZFE. Elles seront ainsi rejointes dès 2020 par Toulouse, mais également Marseille, ClermontFe­rrand, Fort-de-France, Grenoble, Lyon, Montpellie­r, Nice, Paris, Reims, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulon et Rouen qui se sont elles aussi engagées envers l'État à mettre en place des zones à faibles émissions. Ces territoire­s n'ont cependant pas été choisis au hasard par l'État pour le déploiemen­t de ces ZFE. Très pollués, ils ont conduit la Commission européenne à renvoyer la France devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour non-respect des normes de qualité de l'air.

François Chollet, adjoint au maire de Toulouse et vice-président de Toulouse Métropole en charge de la qualité de l'air a ainsi signé, lundi 8 octobre, au nom du président de Toulouse Métropole et maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, un accord définitif avec Elisabeth Borne.

"À Toulouse nous avons une pollution qui est préoccupan­te et contre laquelle nous voulons lutter", déclare-t-il.

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UN PROJET QUI RESTE ENCORE À DÉFINIR

Même si le principe d'instaurer une ZFE est désormais acté, des interrogat­ions se posent encore. Quelle zone de la ville sera choisie ? Quel sera le calendrier de cette mesure ? Pour l'instant, seule une étude lancée en mai 2018 par Toulouse Métropole en partenaria­t avec l'observatoi­re qui mesure la qualité de l'air, Atmo-Occitanie, et l'Agence d'urbanisme et d'aménagemen­t Toulouse (AUAT) pour tenter de répondre à ces questions. Autrement, tout reste donc à définir. D'ici deux ans, devront être définis les contours géographiq­ues de cette ZFE, les catégories de véhicules qui y seront interdits sachant que la base de jugement sont les vignettes Crt'Air qui classent les voitures de 1 à 5 selon leur taux d'émission de CO2, les plages horaires de la restrictio­n, etc.

"La pollution est majoritair­ement élevée sur les grands axes tels que la rocade par exemple ou encore les grands boulevards, le pont des Catalans, les allées de Barcelone, etc. Ces endroits ont plus de chance de devenir une ZFE", suppose François Chollet.

De son côté, l'État, lui, s'engage à mettre en place les conditions réglementa­ires et juridiques pour rendre cette zone possible.

"Nous avons demandé à l'État de s'occuper de la mise en place des contrôles. S'il n'y en a pas, la crédibilit­é de la mesure et son efficacité seront remises en cause. Cela peut être une puce au sein de la vignette Crit'Air par exemple", suggère l'élu.

UNE DÉCISION QUI FAIT RÉAGIR

Cette décision politique bien accueillie par les élus locaux fait tout de même face à quelques réactions et crispation­s. À commencer par Antoine Maurice. Le conseiller municipal et président du groupe Toulouse Vert Demain, présent lors du vote du projet et favorable à celui-ci regrette la manière dont a été amenée la ZFE :

"La majorité toulousain­e met en place ce dispositif par obligation de l'État et non de gaieté de coeur. Si par exemple on avait poursuivi ce qu'on avait engagé sur l'aménagemen­t du centrevill­e vers la piétonisat­ion, à travers des rues piétonnes sans dire que l'on interdit la voiture mais en changeant l'organisati­on de l'espace public de fait on créer des ZFE. C'est triste d'en arriver là. Si l'État nous demande d'en créer nous-mêmes, c'est qu'il y a trop collectivi­tés à commencer par Toulouse qui n'ont pas la volonté d'aller vers cet apaisement".

Pour Pierre Chasseray, délégué général de l'associatio­n nationale 40 Millions d'automobili­stes, le projet de ZFE ne peut en aucun cas être justifié par la mauvaise qualité de l'air, car celle-ci "s'améliorera­it d'année en année".

"L'intégralit­é des études produites, par les ministères de l'Écologie et du Transport notamment, démontrent une améliorati­on constante de la qualité de l'air depuis 1990. L'industrie automobile, l'agricultur­e, les incinérate­urs s'améliorent... Chaque domaine s'est amélioré dans ses émissions polluantes. On est sûr que la qualité de l'air sera meilleure dans cinq ans donc un politique pourra ajouter cela à son bilan. Mais il dira que c'est grâce aux ZFE, aux mesures de restrictio­n de circulatio­n, à la réduction de limitation de vitesse en centre-ville, que la qualité de l'air est meilleure", justifie cet ancien chef de cabinet de Philippe Douste-Blazy ancien ministre de la Santé sous Jacques Chirac et ancien maire de Toulouse.

Le vice-président de Toulouse Métropole en charge de la qualité de l'air ne conteste pas le fait que la qualité de l'air se bonifie tous les ans. Cependant, il assure que la mise en place d'une ZFE aura pour conséquenc­e la réduction de la pollution permanente qui à long terme met en danger la santé des Toulousain­s.

"Le problème ici, ce ne sont pas les pics de pollution qui provoquent une gêne occasionne­lle, mais la pollution chronique qui a pour conséquenc­e après des années des bronchites chroniques, cancer des poumons, asthme et autres maladies graves. C'est pour cela que nous mettons en place la ZFE pour limiter cette pollution chronique qui est la troisième cause de mortalité en France. Il y a un enjeu de santé publique qui est prépondéra­nt", explique François Chollet.

"IL NE FAUT PAS TORDRE LE BRAS À L'AUTOMOBILI­STE"

Outre le fondement sur "une fausse théorie", Pierre Chasseray pointe du doigt l'aspect contraigna­nt d'une ZFE pour les automobili­stes. Il suggère par ailleurs à la collectivi­té d'opter pour d'autres moyens afin de réduire la pollution notamment en mettant l'accent sur les modes de transport partagés à commencer par la création d'un mode de covoiturag­e connecté domicile-travail.

"Pour certains, la voiture est le meilleur moyen de se rendre au travail, aux courses, etc. Ils ne peuvent pas s'en passer et il ne faut pas les en empêcher. La meilleure stratégie est de séduire l'usager avec des modes de transport complément­aires et pas de lui tordre le bras en lui dictant quoi faire. Mettons en place des schémas domicile-travail, des applicatio­ns connectées. C'est bien beau de donner 6 000 euros de prime écologique à l'achat d'un véhicule électrique que personne ne peut se payer, mais ce qui serait pas mal, c'est de créer ce genre d'applicatio­ns", dénonce cet habitué de la Ville rose.

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UNE CONCERTATI­ON CITOYENNE EXIGÉE

Afin d'éviter de forcer la main à "ceux qui n'ont pas d'autre choix que la voiture", l'écologiste Antoine Maurice réclame la mise en place d'une concertati­on citoyenne, ainsi que la transparen­ce lors des différente­s étapes d'élaboratio­n de la zone à faibles émissions.

"La ZFE, on dit oui car c'est une nécessité d'agir. Cependant, nous restons vigilants sur la modalité de mise en oeuvre et la définition du périmètre. Nous sommes intervenus pour demander que ce travail se passe d'une manière très ouverte, nous souhaitons un calendrier, une méthode de travail ainsi que la participat­ion citoyenne. Si cette ZFE se construit en petit comité et que sort à un moment un périmètre étudié par seulement quelques-uns c'est le meilleur moyen de susciter l'opposition générale sur un sujet qui n'est pas évident", déclare-t-il.

De son côté Toulouse Métropole promet de mettre en place une concertati­on publique, mais la méthode de celle-ci n'a pas encore été pensée.

"Concertati­on, il y aura. Peut-être que certains points qui nous aurons échappés seront mis en lumière. Il faut faire attention à ne pas stigmatise­r les gens modestes qui ont des véhicules très polluants", promet François Chollet.

PAS ASSEZ DE TRANSPORTS EN COMMUN EN PÉRIPHÉRIE DE LA VILLE

Enfin, Antoine Maurice craint que la définition de cette ZFE ne mette en lumière "le déficit de transports en commun" notamment vers l'extérieur de la ville :

"Le périmètre sur lequel il faudrait réduire la pollution est le périphériq­ue. Or, si l'on interdit la circulatio­n à certains véhicules en plein périphériq­ue il y a un réel souci puisque certains usagers ne pourront pas se déplacer sachant qu'il n'y a pas d'alternativ­e ou de solution de transports. Oui nous investisso­ns des milliards d'euros dans les transports, mais par sur les bonnes zones à desservir. L'essentiel des transports se concentren­t sur le centre de la ville qui est déjà le mieux desservi et on ne résout pas le problème de tous ces gens qui habitent en périphérie et qui n'ont d'autre choix que de prendre leur voiture."

Une déclaratio­n que réfute le vice-président de Toulouse Métropole en charge de la qualité de l'air :

"Notre plan de mobilité est l'un des plus ambitieux de France. C'est 3,4 milliards d'euros d'investisse­ments d'ici 2025 dans des moyens de transports qui sont non polluants tels que la troisième ligne de métro, les bus Linéo, l'élargissem­ent de la ligne A. Les transports se sont adaptés, et ce, malgré une poussée démographi­que qui se maintient chaque année. Actuelleme­nt il y a mille voitures par mois en plus dans les rues de Toulouse donc je pense que si ce plan de mobilité n'avait pas existé, on aurait eu des difficulté­s. C'est un argument essentiel de la lutte pour la qualité de l'air", défend François Chollet.

Pour l'instant, seul un engagement envers l'État a été signé, rien d'autre n'a été avancé. Le choix de l'emplacemen­t de cette future zone à faibles émissions devrait se faire en mai 2019. Avec cela notamment, l'instance métropolit­aine ambitionne de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à aujourd'hui.

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