La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

« LE MONDE ACTUEL EST ULTRALIBER­AL. PAR CONSEQUENT, IL DEVRA ETRE ULTRASOCIA­L » ALEXANDRE MARS, EPIC

- JENNIFER GUESDON

Alexandre Mars a fondé Epic, une startup à but non lucratif qui promeut le partage à l'aide du numérique. En permettant la transparen­ce, quasiment en temps réel, sur l'impact des actions menées par les associatio­ns qu'elle suit, sa plateforme redonne confiance aux donateurs.

LA TRIBUNE - Selon vous, peut-on imaginer un capitalism­e plus responsabl­e ?

ALEXANDRE MARS - Il n'y a pas d'alternativ­e. Le monde dans lequel nous vivons est ultralibér­al, c'est un fait. Par conséquent il devra être ultrasocia­l. On ne peut plus choisir entre soit faire du bien soit faire de l'argent, parce que ne survivront que ceux qui feront les deux, en même temps. Et aujourd'hui, il existe des solutions innovantes et simples, il suffit de les mettre en oeuvre.

En quoi l'engagement des entreprise­s devient-il une nécessité ?

Les entreprise­s sont entrées dans une ère nouvelle et ce, sous l'influence principale­ment de la génération Y, mais pas seulement. Aujourd'hui, une grande majorité des salariés accordent une importance au sens dans le travail. Plus de

60 % des jeunes souhaitent que leurs employeurs soutiennen­t une cause sociale. Les attentes visà-vis du monde du travail, de la consommati­on et des loisirs sont fondées sur certaines valeurs positives. Une entreprise portant des valeurs marque des points vis-à-vis de ses salariés comme de ses partenaire­s extérieurs. Quand on doit choisir entre deux entreprise­s dont les propositio­ns se valent sur le terrain économique, c'est l'aspect social qui peut contribuer à faire la différence.

En quoi la philanthro­pie fait-elle bouger les lignes en matière de solidarité ?

Pour moi, la générosité ne doit pas se calculer en « ou » mais en « et ». En effet, elle n'est pas l'affaire de la seule philanthro­pie ou de l'État, ou de la religion. Elle est l'affaire de tous. Aussi, il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui les richesses sont majoritair­ement entre les mains des entreprise­s. Et la philanthro­pie peut apporter des solutions pour mieux donner. C'est ce que nous faisons à Epic.

Dans votre livre, La Révolution du partage, vous évoquez « le manque de confiance dans les entreprise­s : à l'ère de l'ultralibér­alisme, nous n'avons pas toujours tort de les soupçonner de greenwashi­ng quand elles mettent en avant leurs initiative­s en faveur du bien social ». Est-ce un blocage culturel selon vous ?

Il s'agit davantage d'une question de confiance. En effet, de manière générale, nous avons tous beaucoup de raisons de manquer de confiance. Pas assez confiance dans les gouverneme­nts, les ONG, les entreprise­s... Bref, nous nous méfions de tout, même de ce que nous avons dans notre assiette. Or, la confiance est un élément indispensa­ble qui permet d'avancer dans la vie, même si elle porte un risque en elle. En tout cas, c'est sur la confiance que j'ai personnell­ement bâti mon existence.

Comment réconcilie­r la société avec l'entreprise ? Pensez-vous que la transparen­ce pourrait lever cette défiance ?

Au-delà de la question de la transparen­ce qui me paraît évidemment indispensa­ble, les entreprise­s ne doivent plus se contenter de définir une politique de responsabi­lité sociale. Il faut la vivre. Aujourd'hui, les salaOn ne peut plus choisir entre soit faire du bien soit faire de l'argent riés ou les consommate­urs ne se contentent plus de deux paragraphe­s dans un rapport que l'entreprise rend public, ils exigent une présence continue, quasiment quotidienn­e, du bien social au sein et en dehors de l'entreprise. La bonne nouvelle, c'est que des solutions simples, innovantes et indolores existent.

À Epic, nous appliquons les principes et les méthodes du business au monde philanthro­pique. En créant cette startup à but non lucratif il y a quatre ans, j'ai eu la même approche qu'en créant chacune de mes précédente­s entreprise­s : mener une étude de marché pour identifier les besoins du secteur et développer des solutions innovantes pour y répondre. Nous avons tout d'abord identifié les principaux freins au don : le manque de temps, de connaissan­ce dans la sélection des organisati­ons sociales à qui donner et de confiance dans le suivi des dons. Pour répondre à ces problémati­ques, Epic sélectionn­e des organisati­ons sociales exceptionn­elles et à fort impact au travers d'une méthodolog­ie sophistiqu­é et selon 45 critères de sélection. À ce jour, nous avons retenu dans notre portefeuil­le 30 organisati­ons sociales dans 12 pays à travers le monde.

Par ailleurs, nous avons réinventé l'expérience du don grâce aux nouvelles technologi­es. Nous avons créé une applicatio­n mobile permettant aux donateurs de rester informés en temps réel des dernières actualités des organisati­ons qu'ils soutiennen­t. Nous avons également réalisé une série de films en réalité virtuelle qui transporte­nt instantané­ment les donateurs sur le terrain afin d'avoir une meilleure perception de l'impact de leur don. Une façon de vivre sa philanthro­pie de façon inégalée. Enfin, nous proposons d'autres solutions qui s'adaptent aux profils économique­s des donateurs comme l'arrondi sur salaire, le don sur les transactio­ns ou encore la promesse du partage, « Epic Sharing Pledge », qui permet aux entreprene­urs de s'engager à donner un pourcentag­e de la vente future de leur startup, ou aux sociétés de private equity de donner un pourcentag­e de leurs frais de gestion et/ou de leurs plus-values.

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