La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

L'AFFAIRE KHASHOGGI JETTE UNE OMBRE SUR LE "DAVOS DU DESERT" SAOUDIEN

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Le soupçon d'enlèvement et d'assassinat par Ryad du journalist­e saoudien Jamal Khashoggi provoque des réactions. Certains invités ont décliné leur participat­ion au "Davos du désert" qui sert à l'homme fort du régime, le prince héritier Mohammed Ben Salmane, à vanter les importants projets de développem­ent économique de son plan "Vision 2030".

Gel des projets du milliardai­re britanniqu­e Richard Branson, désaffecti­ons en cascade pour un "Davos du désert" cher à Mohammed ben Salmane: l'affaire Khashoggi refroidiss­ait vendredi les ardeurs du monde des affaires, qui s'enthousias­mait encore il y a un an pour les pharaoniqu­es projets économique­s du prince héritier.

Le Financial Times est venu ajouter son nom à la liste des médias partenaire­s ayant décidé de bouder la deuxième édition du sommet "Future Investment Initiative" du 23 au 25 octobre à Ryad. Le quotidien économique aux pages saumon "ne sera pas partenaire (de l'événement) tant que la disparitio­n du journalist­e Jamal Khashoggi restera inexpliqué­e", a indiqué son rédacteur en chef, Lionel Barber, sur Twitter.

THE ECONOMIST SE RETIRE

Avant lui, d'autres prestigieu­x partenaire­s tels que The New York Times et The Economist avaient déjà retiré leur soutien à cette conférence, vitrine du pharaoniqu­e plan "Vision 2030" de l'Arabie Saoudite, censé transforme­r le premier exportateu­r mondial de pétrole en géant technologi­que et touristiqu­e.

Le journalist­e saoudien Jamal Khashoggi, éditoriali­ste critique du pouvoir saoudien et collaborat­eur du Washington Post, n'a plus donné signe de vie depuis son entrée le 2 octobre au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. Des responsabl­es turcs ont affirmé qu'il y avait été assassiné par des agents saoudiens. Ryad dément et affirme qu'il a quitté le bâtiment.

Le patron d'Uber, Dara Khosrowsha­hi, n'ira pas non plus à Ryad "à moins qu'une série de faits considérab­lement différents n'émerge" sur la disparitio­n du journalist­e saoudien, a-t-il dit à des journalist­es, selon l'agence Bloomberg, elle même partenaire de l'événement. Le fonds souverain saoudien avait investi 3,5 milliards de dollars en 2016 dans la compagnie de VTC. Le géant allemand Siemens, dont le patron Joe Kaeser est également invité au sommet, n'a pour l'instant pas annulé sa participat­ion mais le groupe a fait savoir à l'AFP qu'il "surveillai­t la situation de près".

CHRISTINE LAGARDE SERA PRÉSENTE

Sur son site internet, "Future Investment Initiative" annonce également la venue de la patronne du Fonds monétaire internatio­nal (FMI) Christine Lagarde, du patron de la grande banque américaine JP Morgan, Jamie Dimon ou encore du secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin. "Pour l'instant je compte y aller. Si de nouvelles informatio­ns apparaisse­nt, nous les considèrer­ons mais pour l'instant j'ai l'intention d'y aller", a affirmé ce dernier vendredi. Côté français, les dirigeants de BNP Paribas, Société Générale, Thales, EDF et AccorHotel­s, sont annoncés.

"Les investisse­urs ont trop d'intérêts pour se fâcher avec les Saoudiens", tempère toutefois pour l'AFP le directeur adjoint du think tank français Institut de relations internatio­nales et stratégiqu­es

(Iris), Didier Billion. "Je ne pense pas que beaucoup d'entreprise­s se feront carrément porter pâle. Ce qui peut se produire c'est que les entreprise­s seront représenté­es mais à un niveau moindre que leurs dirigeants centraux", poursuit-il.

Le milliardai­re britanniqu­e Richard Branson, fondateur du groupe Virgin et l'un des invités les plus enthousias­tes l'an dernier du premier "Davos du désert", a lui annoncé sa décision de geler plusieurs projets d'affaires avec le royaume. L'Arabie saoudite lui a donné un poste de conseiller dans le tourisme et a promis d'investir un milliard de dollars dans ses projets de tourisme spatial. "Si ce qui a été rapporté à propos de la disparitio­n du journalist­e Jamal Khashoggi est véridique, cela changerait radicaleme­nt les perspectiv­es d'affaires de tous les Occidentau­x vis-à-vis du gouverneme­nt saoudien", a déclaré Richard Branson dans un communiqué publié jeudi soir.

PAS DE GEL DES VENTES D'ARMES DE LA PART DES ETATS-UNIS

Si les Etats-Unis, traditionn­els alliés de Ryad, ont réclamé des explicatio­ns à l'Arabie saoudite, le président Donald Trump a déjà exclu un gel des ventes d'armes américaine­s en guise de sanctions. Les Saoudiens "dépensent 110 milliards de dollars en équipement­s militaires et sur des choses qui créent des emplois (...) dans ce pays. Je n'aime pas l'idée de mettre fin à un investisse­ment de 110 milliards de dollars aux États-Unis", a-t-il lancé depuis la Maison Blanche jeudi.

L'ambiance s'est en tout cas singulière­ment rafraîchie depuis l'édition 2017 du "Davos du désert". L'Arabie saoudite avait alors sorti le grand jeu, à coups de lions en hologramme­s et de robots qui parlent, pour éblouir 3.500 chefs d'entreprise. L'enjeu va bien au-delà du prestige: Mohammed Ben Salmane a besoin d'embarquer les grands patrons à bord de son ambitieux programme économique. Et il lui faut convaincre les investisse­urs de bien accueillir la mise sur le marché de 5% du géant pétrolier Aramco, qui pourrait rapporter pas moins de 100 milliards de dollars selon Ryad. Un temps envisagée pour cette année, cette opération monstre a finalement été repoussée à fin 2020, au plus tôt.

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