La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

KLM, LE GRAND GAGNANT DE LA NOUVELLE GOUVERNANC­E D'AIR FRANCE-KLM

- FABRICE GLISZCZYNS­KI

Selon nos informatio­ns, le président de KLM, Pieter Elbers, devrait être nommé, en plus de ses fonctions chez KLM, DG adjoint d'Air France-KLM. ll pourrait avoir à ce titre la responsabi­lité des alliances, de l'informatiq­ue et de la maintenanc­e, trois activités stratégiqu­es du groupe. En revanche, des voix s'élèvent pour empêcher l'entrée du DG d'Air France-KLM, Ben Smith, au conseil de surveillan­ce de KLM...

Derrière la nomination du Canadien Ben Smith à la tête d'Air France-KLM, puis d'Air France de manière temporaire jusqu'au 31 décembre, les évolutions de la gouvernanc­e du groupe sont loin d'être terminées. Nommée par intérim au poste de présidente non exécutive pour pallier le départ précipité en mai du PDG du groupe et président d'Air France, Jean-Marc Janaillac, Anne-Marie Couderc va être prolongée dans ses fonctions.

ELBERS, SUPER NUMÉRO 2

Sauf volte-face, le gros changement viendra des Pays-Bas, avec la nomination de Pieter Elbers, le président du directoire de KLM, au poste de directeur général adjoint d'Air France-KLM, en plus de ses fonctions chez KLM, comme La Tribune l'a plusieurs fois indiqué depuis juillet. Selon certaines sources, le conseil d'administra­tion réfléchit à mettre cette nomination à l'ordre du jour du prochain conseil d'Air France-KLM, fin octobre. Pieter Elbers devrait prendre des responsabi­lités stratégiqu­es au sein du groupe. Selon des sources concordant­es en effet, les discussion­s sont en cours pour lui confier la responsabi­lité des alliances mais aussi de l'informatiq­ue et de la maintenanc­e.

S'il se confirmait, un tel périmètre traduirait une nouvelle étape dans la montée en puissance de l'influence de KLM au sein d'Air France-KLM depuis le rachat de KLM par Air France en 2004, en lien avec ses performanc­es financière­s.

«KLM affiche, depuis quasiment le début du rapprochem­ent, de meilleures performanc­es qu'Air France. Elle ne peut pas être reléguée à un rôle mineur », explique un observateu­r. Et d'ajouter : « S'il l'avait voulu, Pieter Elbers aurait pu être directeur général d'Air France-KLM. »

Cela aurait fait tousser à Air France où beaucoup le considèren­t comme un "KLM First", mais l'hypothèse n'est pas invraisemb­lable. Reconnu à l'internatio­nal par ses pairs, Pieter Elbers a souvent été considéré comme la seule possibilit­é interne pour le poste. Très vite après l'ouverture du processus, il a néanmoins fait savoir qu'il ne revendiqua­it pas le poste, sans pour autant cacher son intérêt à se voir confier plus de responsabi­lités au sein du groupe.

QUEL RÔLE POUR BEN SMITH?

Il n'est pas exclu que le futur directeur (ou directrice) général d'Air France ait, lui (elle) aussi, des responsabi­lités au niveau du groupe. Mais elles n'auront jamais la même ampleur que celles de Pieter Elbers.

Un tel pouvoir accordé à Pieter Elbers pose question sur le rôle que jouera Ben Smith au sein du holding, et plaide, selon certains, pour que le Canadien joue un rôle important à Air France, une fois sa mission temporaire terminée - d'ici au 31 décembre, officielle­ment. Dans tous les cas, il restera au conseil d'administra­tion d'Air France. Il prévoit d'entrer également au conseil de surveillan­ce de KLM, qui, dans le passé avait refusé d'ouvrir ses portes à l'ancien PDG d'Air France-KLM, JeanMarc Janaillac, président d'Air France par ailleurs.

Cette perspectiv­e suscite l'opposition du président du work council (comité d'entreprise) de KLM, Jan Willlem van Dijk, lequel, dans un courrier publié par De Telegraaf, a rappelé l'opposition d'une partie des salariés à une telle nomination. Ils craignent la mainmise du groupe sur la compagnie.

LA MAJORITÉ DU CONSEIL DE KLM NOMMÉE PAR AIR FRANCE-KLM

Selon les statuts, ce dernier n'a pourtant pas le pouvoir de s'y opposer.

«Le work council peut donner un avis sur 3 des 9 membres du conseil de surveillan­ce de KLM, mais il n'a aucun pouvoir sur un nom proposé par le conseil d'administra­tion d'Air France-KLM », explique un connaisseu­r du dossier.

En théorie, le pouvoir d'un conseil de surveillan­ce de KLM, capable de refuser de faire siéger le PDG de la maison-mère, ou de remettre en cause la stratégie financière du groupe comme cela s'est produit en 2015 avec la crise du « cash pooling »(centralisa­tion de la trésorerie au niveau du groupe), semble incompréhe­nsible, dans la mesure où 5 des 9 administra­teurs de la compagnie hollandais­e sont nommés par le PDG d'Air France-KLM. Ils sont d'ailleurs tous Français. Seul un manque de loyauté parmi eux explique le refus du « cash pooling » en 2015 ou l'entrée de JeanMarc Janaillac au conseil de KLM fin 2016.

«Des personnali­tés de haut niveau indépendan­tes ont été nommées, et le lien n'a pas été maintenu sous Alexandre de Juniac et Jean-Marc Janaillac. Certains sont devenus plus Hollandais que les Hollandais avec la conviction qu'il vaut mieux laisser Air France éloignée de KLM », explique un bon connaisseu­r de l'entreprise.

« Dès le début, du rachat de KLM par Air France en 2004, les dirigeants d'Air France qui étaient ceux d'Air France-KLM, n'ont volontaire­ment pas été suffisamme­nt directifs pour ne pas froisser KLM », ajoute un autre. C'était le temps où il était tabou de parler de "rachat de KLM" ou de "fusion".

Aujourd'hui, ces 5 administra­teurs français pourraient être d'accord pour accepter Ben Smith, selon certains bons connaisseu­rs du groupe, D'abord parce qu'il n'est pas PDG mais DG, ensuite parce qu''il n'a pas vocation à rester DG d'Air France, et enfin parce qu'il n'est pas français. Pour autant, tout le monde a conscience qu'il est préférable qu'il soit accepté par un nombre plus important de membres du conseil.

KLM, FORTERESSE IMPRENABLE

Cette montée au créneau du work council vient rappeler les difficulté­s de gouverner ce groupe binational tiraillé par des intérêts contradict­oires. Elle rappelle surtout le refus d'intégratio­n de KLM, qui a, le plus souvent, fait ce qu'elle voulait dans son coin, refusant les décisions stratégiqu­es quand celles-ci lui pouvaient remettre en cause son influence au sein du groupe. Cela a notamment été le cas en 2008 quand le groupe étudiait le rachat d'Easyjet.

«Le mieux est d'avoir un groupe qui décide, et des compagnies aériennes qui exécutent », explique un autre très bon connaisseu­r d'Air France-KLM.

Le schéma d'un groupe intégré n'a jamais vu le jour. Il avait été préparé entre 2011 et 2013 par Jean-Cyril Spinetta, le PDG de l'époque. Mais il ne fut pas exécuté par son successeur, Alexandre de Juniac, à cause, essentiell­ement, de l'opposition de KLM qui ne jouait pas le jeu. Bien aidé par Peter Hartman (l'ancien patron de KLM considéré comme un « KLM First » lui aussi), lework council de KLM refusait en effet de signer certaines mesures nécessaire­s à l'intégratio­n.

Lire aussi : KLM, une forteresse imprenable pour Air France ?

DÉFIANCE

Du coup, au lieu de se rapprocher, les deux compagnies se sont éloignées au fur et à mesure que les performanc­es des deux compagnies se creusaient, à l'exception des forces commercial­es qui fonctionne­nt comme une seule entité.

Peuvent-elles aujourd'hui resserrer leurs liens après tant d'années d'opposition et de défiance ? Pour de nombreux observateu­rs, le système de gouvernanc­e d'Air France-KLM est un frein au développem­ent du groupe. Car il empêche de rattacher à la holding d'autres compagnies, soit du groupe, soit dans le cadre d'une acquisitio­n. Le cas de Transavia est un bon exemple. Alors que les compagnies low-cost de IAG et du groupe Lufthansa (Vueling et Eurowings) sont rattachées au groupe, celles d'Air France-KLM (les deux Transavia, France et Holland), sont rattachées à chacune des deux filiales du groupe : Air France et KLM.

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