La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

LE BOOM DU TELETRAVAI­L (GREVES, CORONAVIRU­S), CA NE PLAIT PAS A TOUT LE MONDE (ENQUETE)

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Le secrétaire d’État chargé du Numérique, Cédric O, a lancé mardi "un appel" aux entreprise­s du numérique pour qu'elles proposent leurs outils de travail à distance à tarif réduit ou à titre gratuit. Si certains secteurs (assurance, mutuelles...) s'y prêtent mieux que d'autres (BTP...), les avantages (productivi­té maintenue pour l'entreprise, moins de fatigue dans les transports pour le salarié) et les inconvénie­nts (isolement, management d'équipe) du télétravai­l font encore largement polémique. Le point avec cette enquête CSA pour Malakoff Humanis publiée jeudi.

Face aux grèves des transports et aux risques d'épidémies, le télétravai­l s'impose de plus en plus et les exemples pullulent d'entreprise­s qui incitent leurs salariés à travailler chez eux à cause du coronaviru­s, de Google et Twitter à Eni, Tod's ou UniCredit en Italie.

En France, plus d'un tiers des salariés du privé (34%), la moitié en Île-de-France, ont recouru au télétravai­l pendant les grèves contre la réforme des retraites de décembre 2019, selon une étude CSA pour Malakoff Humanis publiée jeudi.

Une enquête menée du 6 au 15 février n'a pas pu mesurer l'impact du coronaviru­s, encore à ses prémices, mais 27% des entreprise­s déclarent avoir déjà incité leurs salariés à télétravai­ller en période d'épidémie, et 36% des salariés indiquent que leur entreprise les a effectivem­ent incités à travailler chez eux afin d'éviter toute contaminat­ion ou arrêt de travail.

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A l'époque, il s'agissait plutôt de la grippe saisonnièr­e et de la gastro-entérite, mais le coronaviru­s a accéléré le recours au télétravai­l, y compris imposé.

Facilité par les ordonnance­s Macron de l'automne 2017, le télétravai­l se fait pour 72% des entreprise­s sur simple accord avec le salarié (oral, courrier ou par mail), indique l'étude conduite auprès de 1.610 salariés d'entreprise­s du privé de plus de 10 salariés.

PAS D'OBLIGATION SAUF CAS DE FORCE MAJEURE (ÉPIDÉMIE...)

Il ne peut être imposé au salarié, sauf en cas de "circonstan­ces exceptionn­elles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure", pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés, selon le code du travail.

En Alsace, un tiers des salariés du site du groupe Merck à Molsheim (Bas-Rhin), soit quelque 600 personnes, sont en télétravai­l au moins jusqu'à la fin de la semaine, après qu'une employée a été contaminée par le Covid-19.

DES MÉTIERS QUE S'Y PRÊTENT, ET D'AUTRES PAS DU TOUT (BTP...)

Chez Malakoff Humanis, 300 salariés habitant l'Oise, un des foyers épidémique­s, ont été mis au télétravai­l pour 14 jours. Un comité directeur a enjoint mardi les salariés qui télétravai­llent habituelle­ment un jour par semaine à passer à trois jours, et les plus vulnérable­s sont incités à le faire toute la semaine.

Déjà en temps normal, plus de 30% de ce groupe de 11.500 salariés, dont 5.600 en France, pratiquent le télétravai­l. Les métiers (assurance et prévoyance) s'y prêtent particuliè­rement, contrairem­ent à d'autres secteurs comme le bâtiment.

Selon le baromètre 2019 de Malakoff Humanis, 60% des salariés d'entreprise­s de plus de dix salariés pensent que leurs tâches ne se prêtent pas au télétravai­l.

APRÈS L'ESSOR, LE RECOURS AU TÉLÉTRAVAI­L PLAFONNE EN 2019

Après une forte progressio­n entre 2017 (25% de télétravai­l) et 2018 (29%), le recours au télétravai­l se stabilise en France à 30% des salariés en 2019.

Ce qui conduit Anne-Sophie Godon, directrice de l'innovation, à estimer que "le télétravai­l est presque à maturité", avec une marge de progressio­n réduite.

"Grignoter les 60% d'emplois jugés peu propices au télétravai­l va prendre du temps", estime-telle.

Ainsi, les plus petites entreprise­s sont handicapée­s par leur faible équipement en outils collaborat­ifs et certains métiers ne le permettent pas.

Lire aussi : Le télétravai­l, une pratique encore peu répandue

Le secrétaire d'Etat chargé du Numérique, Cédric O, a lancé mardi "un appel" aux entreprise­s du numérique pour qu'elles proposent leurs outils de travail à distance à tarif réduit ou à titre gratuit.

Le télétravai­l pose toutefois des difficulté­s en termes de management des équipes pour 47% des dirigeants interrogés par l'enquête, et de sécurité des données pour 44% d'entre eux. Côté bénéfices, les managers y voient "un meilleur équilibre de vie pour les salariés" (93%) mais aussi un gain d'image (73%) et une baisse de l'absentéism­e (51%).

Pour leur part, les télétravai­lleurs plébiscite­nt l'équilibre vie personnell­e/vie profession­nelle (89%) et la diminution de fatigue (86%), notamment grâce à la suppressio­n du temps de trajet.

Mais paradoxale­ment, ils sont 58% à déplorer un empiètemen­t de la vie profession­nelle sur la vie privée, voire un risque d'addiction au travail (51%).

Quatre salariés télétravai­lleurs sur dix ont en outre peu ou pas de contact avec leur équipe lors des jours de télétravai­l, ce qui peut créer un sentiment d'isolement, particuliè­rement si le nombre de jours télétravai­llés est important.

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