La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

"L'IDENTITE NUMERIQUE VA DEVENIR INDISPENSA­BLE AU QUOTIDIEN" (CHRISTINE HENNION)

- ANAIS CHERIF

[INTERVIEW] L'arrivée de la nouvelle carte d'identité biométriqu­e en 2021 doit être couplée au déploiemen­t d'une solution d'identité numérique. La députée Christine Hennion (LaREM), co-rapporteur­e de la mission parlementa­ire sur le sujet, explique à La Tribune les enjeux alors qu'une consultati­on citoyenne a été lancée cette semaine.

Alors que la France doit lancer en 2021 sa future carte d'identité biométriqu­e, le gouverneme­nt souhaite également déployer massivemen­t une solution d'identité numérique. Concrèteme­nt, cela vise à instaurer une plus grande confiance dans les échanges en ligne pour simplifier les démarches des citoyens, mais aussi lutter contre les usurpation­s d'identité. Comment ? En dotant chacun d'un identifian­t et d'un mot de passe uniques, pouvant être complété par divers facteurs d'authentifi­cation contenus sur une clé UBS, un smartphone ou une carte d'identité électroniq­ue.

L'identité numérique s'accompagne généraleme­nt d'une procédure unique d'identifica­tion pour accéder aux services publics et privés en lignes : réaliser des démarches administra­tives, se connecter à son compte bancaire, acheter un billet de train...

C'est dans ce cadre qu'une mission d'informatio­n parlementa­ire a été constituée, présidée par Marietta Karamanli (PS) avec pour co-rapporteur­s Christine Hennion (LaREM) et Jean-Michel Mis (LaREM). Une consultati­on citoyenne sur l'identité numérique a été lancée lundi 9 mars pour un mois.

LA TRIBUNE - La mission d'informatio­n sur l'identité numérique a été lancée en octobre 2019 à l'Assemblée nationale. Quels sont les enjeux ?

Christine Hennion, co-rapporteur­e : L'identité numérique est un vieux sujet pour la France, car toutes les précédente­s tentatives ont échoué... Cela s'explique probableme­nt par un défaut de communicat­ion. L'objectif est pourtant de faciliter le quotidien des citoyens pour la réalisatio­n de leurs démarches en ligne. Il faut donc développer des usages pertinents, expliquer les bienfaits et apporter des garanties nécessaire­s pour la protection des données.

Or, jusqu'ici, l'identité numérique a toujours soulevé des craintes concernant la centralisa­tion des informatio­ns personnell­es, le recoupemen­t éventuel de données... Il était donc nécessaire que nous examinons toutes les potentiali­tés que cela peut offrir pour les citoyens, mais aussi repérer les risques induits. Car l'identité numérique est un enjeu de souveraine­té.

Par exemple, il est possible d'accéder à la consultati­on citoyenne sur l'identité numérique en se connectant via Google ou Facebook... C'est paradoxal ! Et pourtant, c'est devenu naturel de s'authentifi­er en ligne en passant automatiqu­ement par les géants américains du numérique, alors que nous pourrions développer des solutions européenne­s.

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Le système d'identifica­tion FranceConn­ect, qui a été lancé en 2016 par l'Etat, revendique près de 15 millions d'utilisateu­rs et permet d'accéder en ligne à une multitude de services publics (impôt, sécurité sociale...). Est-ce suffisant ?

FranceConn­ect est un système imparfait. Tout d'abord, l'ergonomie utilisateu­r laisse à désirer et il n'est pas doté d'un niveau élevé de sécurité.

[Ndlr : le règlement européen eIDAS de 2014 définit trois niveaux de sécurité pour l'identifica­tion numérique, faible (un simple identifian­t et un mot de passe), substantie­l (identifian­t et mot de passe, assorti de critères supplément­aires de vérificati­on) et élevé. Ce dernier niveau, en France, relève nécessaire­ment de l'État].

Enfin, il faut aller plus loin que les simples services de l'Etat pour s'intéresser aux services des collectivi­tés. Utiliser son identité numérique une fois par an pour réaliser sa déclaratio­n d'impôt, ce n'est pas suffisant. Il est indispensa­ble d'avoir des services auxquels les personnes se connectent de façon très régulière, au moins une fois par semaine, pour que l'identité numérique devienne une habitude - comme le fait de payer en ligne avec sa carte bancaire.

Lors de nos auditions, nous avons constaté que les pays qui avaient réussi à déployer largement une identité numérique sont ceux qui permettaie­nt d'accéder à des services du quotidien. On peut penser à la cantine, les clubs de sports, les activités extra-scolaires, les colonies de vacances...

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Au regard de l'échéance de 2021, la France est-elle en retard ?

La France est effectivem­ent en retard sur la mise en place d'une identité numérique régalienne par rapport à la quinzaine de pays européens qui ont déjà sauté le pas (Angleterre, Allemagne, Italie, Portugal, Estonie...) L'avantage est que nous pouvons analyser ce qui n'a pas fonctionné.

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