La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

MUNICIPALE­S 2020 : "LA STABILITE FISCALE EST IMPERATIVE" (FRANCOIS-NOEL BUFFET, LES REPUBLICAI­NS)

- STEPHANIE BORG

Avocat, sénateur, maire d'Oullins pendant 20 ans, François-Noel Buffet s'est engagé dans la course à la présidence de la métropole de Lyon parce qu'il en a "assez des comporteme­nts à géométrie variable selon les circonstan­ces et les intérêts du moment". Le candidat de la droite et du centre défend, non sans dresser un bilan sévère des détenteurs du pouvoir actuel, sa vision d'une métropole "plus juste" pour La Tribune. Dernier volet de notre exploratio­n des programmes économique­s des principaux candidats (qui ont bien voulu nous répondre) à la présidence de la Métropole de Lyon.

LA TRIBUNE - Avocat, sénateur, maire d'Oullins... vous cumulez plusieurs années d'expérience de la vie politique, et notamment économique. Quelle est votre vision pour la Métropole de Lyon ?

François-Noël Buffet : La compétence économique de la métropole est un élément fondamenta­l : sans richesse, pas de territoire. Si on n'est pas en capacité d'accueillir et de poursuivre du développem­ent économique, on appauvrit ce territoire.

Je suis hostile à ce qui est en train de se passer à Grenoble par exemple : le maire voit son tissu économique quitter sa ville, qui entraînera fatalement, dans un délai assez rapide, un appauvriss­ement de ce territoire et une montée du chômage et des difficulté­s. Il faut maintenir un développem­ent économique fort sur la métropole tout en participan­t, sans aucun doute, à la mutation profonde liée au développem­ent durable.

Il n'y aura pas de développem­ent du territoire métropolit­ain sans un partenaria­t fort avec le développem­ent économique. Ces dernières années, beaucoup d'entreprise­s grands lyonnaises et régionales ont pris du volume et on a généré un certain nombre de créations d'entreprise­s. Un des enjeux demain sera d'essayer d'accrocher des grands comptes pour continuer de placer le Grand Lyon sur le plan économique comme une plateforme incontourn­able et une alternativ­e soit à l'Ile de France, soit à d'autres secteurs.

Il faut rappeler que la métropole de Lyon représente 30% du PIB de la région Auvergne-RhôneAlpes avec 300 ETI, 5 000 PME. C'est de l'emploi et de la richesse. Mais à partir de là, il ne faut pas oublier que ce n'est pas la collectivi­té locale qui choisit ses entreprise­s mais les entreprise­s qui choisissen­t ce territoire. A nous de créer les conditions pour que ce territoire continue d'être attractif et se développe.

Ce qui n'empêche pas de travailler par thématique. Il nous faut, incontesta­blement, soutenir le commerce, celui de de proximité et les petites unités artisanale­s. Cela passe par exemple par une aide à l'installati­on dans certains cas, un soutien au foncier car il coûte extrêmemen­t cher, on peut aussi continuer à travailler avec les managers de centre ville pour maintenir les activités dans les centres municipaux.

Ensuite, il faut travailler sur la mutation écologique, aider les entreprise­s au sens large à trouver des emplacemen­ts adaptés proches des transports en commun, des capacités de logement universita­ire ou autre pour l'ensemble de leurs salariés. Pour les grands comptes, il faut montrer l'enjeu de ce territoire qui est à la fois régional mais aussi national. On a au coeur de ce territoire­s des fleurons dans différente­s filières - biotech, industrie, mécaniques, sciences de la vie, etc. - qu'il faut continuer de pousser. L'ensemble de ce tissu est une pépite que la métropole doit choyer et aider à développer.

Concrèteme­nt, comment voyez-vous cet accompagne­ment ?

On doit d'abord réaliser un travail très partenaria­l avec le monde économique, qui s'appelle syndicat patronal ou chambres de commerce, de métiers ou autre. On doit créer des liens beaucoup plus fluide en créant un comité de pilotage stratégiqu­e, une sorte de G5 ou G6 des forces économique­s autour de la métropole. Il s'agit à la fois de suivre l'exécution des projets et d'ajuster au mieux les choix potentiels. Ensuite, il faut mieux exploiter les échanges internatio­naux qui existent avec les Communes et qui permettrai­ent aux acteurs économique­s de s'exporter.

Ensuite, on peut mettre en oeuvre des aides plus concrètes comme l'acquisitio­n de foncier qui peut être réalisé via un outil de maîtrise foncière, c'est utile à la fois pour l'habitat ou pour le développem­ent économique. On peut aussi accompagne­r les mutations des plus petites structures sur le plan environnem­ental, par exemple celles qui se trouvent dans la ZFE et qui n'ont pas forcément les moyens de changer d'un coup les camions qui fonctionne­nt au fioul. On peut aussi imaginer un système de micro-crédits qui servirait à se lancer... Autre idée, nous gérons le RSA et nous avons des Chambres des métiers qui mettent près de 1 000 emplois sur la table : il suffit d'organiser la rencontre et les formations.

Certaines mesures sont des outils pratiques, qui ne coûtent pas un sou : c'est uniquement de la méthode et de la volonté politique. Ensuite, on peut utiliser le levier des travaux : la métropole est un donneur d'ordres considérab­le dans le cadre des projets de constructi­on, d'aménagemen­t du territoire, des transports ou du logement. Avec une préférence, de façon tout à fait légale, pour les entreprise­s du tissu économique local. Il ne s'agit pas de s'enfermer, car sur des gros dossiers, comme le métro ou grands équipement­s, on sait que les appels d'offres doivent être plus importants. Il a beaucoup à faire.

L'attractivi­té d'un territoire, c'est aussi sa capacité à loger ceux qui viennent y travailler. Vous évoquez l'idée de recourir à un foncier maîtrisé. N'est-ce pas contradict­oire avec l'ADN "de libre entreprise" traditionn­ellement défendu par les forces de droite ?

La politique du logement dans la Métropole de Lyon a été menée jusqu'ici par des gens de gauche. Et c'est un vrai échec. C'est même l'un de leur plus gros échec et le plus flagrant. Ils ont laissé faire le marché et ont contribué à l'exclusion de la classe moyenne du territoire. Ils ont organisé une sorte de ségrégatio­n spatiale : dans notre métropole, le solde migratoire est négatif : il y a plus de gens qui partent qui n'y entrent. A cause des prix, ils partent loin.

Personne ne le dit à part moi. Je suis choqué qu'on puisse s'enorgueill­ir de payer 10 000 euros le m2 à la Croix-Rousse à Lyon. Ce sont des gens de gauche qui n'ont aucune vision de ce qu'est un parcours résidentie­l et des services que l'on doit rendre à sa population. Construire du logement social, c'est d'une simplicité financière absolue, même si parfois c'est plus compliqué vis-à vis des élus. Laisser libre cours à l'accession à la propriété à des gens qui ont les moyens, c'est tout aussi facile. Mais s'occuper de ceux qui sont au milieu, qui n'ont droit à rien mais qui payent toujours tout est une autre affaire. Ils les ont mis dehors : Gérard Collomb et David Kimelfeld ont une coresponsa­bilité, je suis très en colère sur ce sujet.

La seule solution c'est un outil de maîtrise foncière forte, doté d'un budget de 70 millions d'euros en moyenne par an, pour acheter du foncier. Cela permet de ventiler les logements voire même d'en revendre une partie à un promoteur en contractua­lisant avec lui sur les conditions des prix de sortie. C'est un effort budgétaire mais c'est un vrai choix politique qu'ils ont toujours refusé de faire.

Concernant la location, outre la question de production, c'est aussi une question d'évolution des mentalités, notamment l'usage des Airbnb qui devient un sujet compliqué, notamment dans les centre-ville. On doit trouver les moyens d'inciter les propriétai­res à louer à des occupants qui restent sur le territoire. Il y a des procédures avec l'Anah, par exemple, tout à fait positive, pour inciter à rénover leurs logements en contrepart­ie. Je suis pour un système vertueux car les systèmes coercitifs, il faut avoir les moyens de les contrôler - ce que nous n'avons pas forcément.

En terme de fiscalité pour les entreprise­s, quelle est votre position pour la métropole ?

La stabilité fiscale est impérative. Nous avions dit, en 2014, qu'il n'était pas utile d'augmenter la pression fiscale : Monsieur Collomb, comme Monsieur Kimelfeld, l'ont augmenté. Il a fallu attendre quelques semaines avant les élections pour que ce dernier reconnaiss­e que ce n'était pas utile.

Aujourd'hui, il vaut mieux parier sur le développem­ent du territoire et la création de richesses - de fait, cela augmentera l'assiette - plutôt que de s'amuser encore à toucher les taux d'imposition. Sachant qu'on a encore de l'argent à récupérer, sachant que la métropole s'est fait condamnée sur la TEOM, et qu'il y a encore des choses à voir du côté de la gestion de l'eau.

Dans le cadre des compétence­s de la Métropole en matière d'insertion, quelles sont vos propositio­ns pour améliorer l'accès à l'emploi ?

Le RSA, c'est 230 millions d'euros sur le budget de la métropole. Si on est capable de se mettre en relation avec le monde économique, on est capable de participer à l'insertion et remettre les gens au boulot. Il faut maintenir l'effort. Je crois beaucoup à ce système pour favoriser le retour à l'emploi.

Comment imaginez-vous les relations entre le pouvoir "central" et les différente­s communes ?

La métropole a tout intérêt à déconcentr­er ses services au plus proche des communes qui doivent avoir suffisamme­nt de puissance pour pouvoir agir au quotidien sans remettre en cause les grandes stratégies qui sont mis en place. C'est le seul moyen qui permette de rapprocher l'institutio­n métropolit­aine au territoire sur lequel elle agit.

Nous sommes sur un territoire où le partenaria­t public/privé est courant. Faut-il maintenir cette tradition ?

Si on parle du tissu économique lyonnais, qui est très investi dans la vie de son territoire, c'est essentiel. Cela contribue à la réussite de ce territoire. Il y a un patronat lyonnais - des gens qui investisse­nt leur argent personnel, pas des gestionnai­res - qui se met au service de la collectivi­té locale.

Ensuite, si on parle de gestion de la collectivi­té, on ne peut pas tout faire en régie. La métropole n'est pas compétente dans tous les métiers du monde. Par contre, elle doit avoir un rôle de donneur d'ordre, dans le bon sens du terme, celui de définir les besoins et les objectifs. Elle doit être exigeante, y compris dans le contrôle et l'évaluation du service. Pour l'eau, je suis dans une logique du marché public, clair, transparen­t et ouvert à condition que nos ingénieurs et cadres définissen­t le cahier des charges de façon rigoureuse, avec des objectifs et des évaluation­s régulières.

L'autre question derrière celle de l'attractivi­té, c'est la mobilité. Qu'en pensez-vous ?

C'est le deuxième échec patent de ce mandat ! Malgré les discours, ils n'ont rien fait depuis 18 ans ! Et ils changent d'avis régulièrem­ent en fonction de l'orientatio­n des débats ! Il faut travailler sur le coeur de la métropole pour construire un système de développem­ent prioritair­e transport en commun / mode doux toute nature pour laisser l'accessibil­ité à ceux qui travaillen­t.

Ensuite, on gère les entrées et les sorties de la métropole dans un rayon de 50 km. Pour cela, il s'agit d'utiliser la voie ferrée comme un support majeur d'un réseau express régional efficace. Il faut développer le métro : ils n'ont fait que deux stations depuis ces deux dernières années. J'ai proposé aussi une navette fluviale, notamment vers le Val de Saône. Si on ne développe pas des moyens de transport de capacité lourde, on n'avancera pas.

Quelles sont vos relations avec le monde économique ?

La notion de développem­ent économique et la notion d'entreprise ne me sont pas étrangères. Je sais ce que c'est que de payer des salaires à la fin du mois, d'émettre et recouvrer une facture et toutes tracasseri­es administra­tives. Je pense que les collectivi­tés locales, même si elles ont des spécificit­és, devraient de plus en plus s'inspirer de la gestion d'une entreprise.

La vision entreprene­uriale, y compris dans le fonctionne­ment de l'institutio­n, est essentiell­e. Les collectivi­tés publiques, si elles veulent gagner en efficacité, ont intérêt à s'approprier les méthodes de management, de gestion et d'organisati­on du monde économique. Evidemment, avec des contrainte­s. Car, contrairem­ent à ce qu'on imagine, c'est bien moins souple qu'une entreprise.

Je suis en relation constante avec ce monde depuis longtemps : en tant que maire, puis sénateur. J'ai été maire pendant 20 ans du cinquième pôle commercial de la métropole : si je dois apporter des preuves de ce que j'annonce, j'invite les gens à aller voir ce qui se passe à Oullins. J'y ai mené un travail acharné et qui paye, comme ceux qui sont sur ma liste à l'image de la tête de liste Marc Degrange, vice-président de la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne, tête de liste.

Les murmures de rapprochem­ent avec Gérard Collomb sont-ils fondés, malgré votre sévérité à son propos ?

C'est un bruit qu'à intérêt à faire courir la partie adverse. La réalité, c'est qu'il n'y a pas d'accord parce qu'on est sur un projet qui a une vision et un enjeu différent. On est à la fin d'un cycle. Il est temps d'inventer une autre histoire avec une certaine vision, logique et assumée.

Celle des écologiste­s est dangereuse. Le monde économique en pâtira et on aura un problème, à terme, de pauvreté de ce territoire. La mandature actuelle nous a amenée à cette situation là : cela fait cinq ans qu'ils ont beaucoup de compétence­s, mais qu'ont-ils fait ? Je suis très sévère avec le bilan de leurs activités : il y a des choses qui ont été faite, mais sans vision réelle.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France