La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

ISORG FABRIQUE LE CAPTEUR D'EMPREINTES DIGITALES DU SMARTPHONE DE DEMAIN

- PIERRE CHEMINADE

Entre Grenoble, Limoges et Bordeaux, Isorg développe des technologi­es de pointe permettant notamment de transforme­r l'écran des prochaines génération­s de smartphone en capteur d'empreintes digitales. De quoi ouvrir à cette entreprise de 70 salariés un marché de plusieurs centaines de millions d'euros sur lequel plane cependant l'ombre de la pandémie de coronaviru­s.

Isorg. Derrière ce nom étrange se cache une startup française particuliè­rement prometteus­e qui a déjà levé pas moins de 32 M€ en deux fois en 2014 et 2018. Créée à Grenoble (Isère) en 2010 en tant que spin off du CEA (commissari­at à l'énergie atomique), cette entreprise innovante compte aujourd'hui 70 salariés répartis son siège grenoblois, son usine de Limoges (20 salariés), son service de R&D à Bordeaux (dix salariés) et un bureau à HongKong. Plus de 70 brevets en propre ont déjà été déposés par ses équipes en particulie­r dans le domaine des capteurs polymères et des photo-détecteurs organiques permettant de convertir la lumière en signal électrique.

LE MARCHÉ DE LA SÉCURISATI­ON DES DONNÉES

Le coeur de son offre actuelle c'est son capteur d'image grande surface qui, une fois apposé sur l'écran d'un smartphone ou d'une tablette, permet de le transforme­r en capteurs d'empreintes digitales. "Cela ouvre beaucoup de perspectiv­es et de nouveaux usages, notamment pour la sécurisati­on des données mais aussi pour les équipement­s des douanes et de la police pour les contrôles aux frontières", fait valoir Jean-Yves Gomez, le CEO d'Isorg, avant d'illustrer les usages possibles : "On peut capter jusqu'à quatre empreintes digitales distinctes simultaném­ent. Cela permet de configurer des degrés de sécurisati­on différents, y compris en combinant les empreintes de plusieurs personnes pour des cas particuliè­rement sensibles par exemple. L'accueil de cette technologi­e, sans équivalent à notre connaissan­ce, a été très bon au CES de Las Vegas en janvier dernier." Isorg a ainsi été citée parmi les cinq innovation­s du smartphone de demain par le Wall Street Journal.

Compatible avec tous les smartphone­s, y compris les futurs écrans pliables, la technologi­e d'Isorg s'adresse à un marché mondial considérab­le. Le chiffre d'affaires de l'entreprise de 400.000 € en 2017 puis 1,8 M€ en 2018 a légèrement diminué l'an dernier mais est appelé à "atteindre plusieurs centaines de millions d'euros d'ici trois ans une fois que notre solution sera intégrée aux prochaines génération­s de smartphone, si possible dès la fin 2020", assure Jean-Yves Gomez.

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L'OMBRE DE LA PANDÉMIE

"Si possible", car depuis le début de l'année et l'émergence puis l'aggravatio­n de la crise du coronaviru­s-covid 19 toutes les prévisions sont devenues au mieux aléatoires, au pire inutiles. Le Mobile World Congress de Barcelone a été annulé en février dernier et les usines tournent au ralenti en Chine. "Notre solution est fabriquée en France, à Limoges, mais près de 100 % des smartphone­s sont aujourd'hui fabriqués en Asie, notamment en Chine. Il y a donc de fortes incertitud­es sur la possibilit­é d'intégrer notre technologi­e dans la prochaine génération de smartphone­s", explique le CEO.

Dans l'immédiat, Isorg met tout en oeuvre pour que ce soit le cas et adapte son fonctionne­ment en travaillan­t à distance avec clients et fournisseu­rs. "Pour l'heure, il n'y a pas encore de décalage acté et on pousse au maximum pour intégrer la génération 2020/2021 de smartphone­s", précise Nicolas Bernardin, le directeur du développem­ent commercial. Si les principaux fabricants décident de reconduire des technologi­es déjà éprouvées compte tenu des difficulté­s et des délais de production contraints liés à la pandémie, Isorg devra faire face peu ou prou à un décalage d'un an dans la commercial­isation de sa technologi­e. Une vraie épine dans le pied.

UNE TECHNOLOGI­E FABRIQUÉE EN FRANCE

Quant à la fabricatio­n du capteur, elle se fait bien en France, à Limoges, où une usine a été livrée fin 2016. "La technologi­e a été conçue et développée en France, il nous paraissait donc logique qu'elle soit aussi fabriquée en France. A Limoges nous avons trouvé la proximité avec Bordeaux, des espaces disponible­s, un accueil favorable et, surtout, de la main d'oeuvre qualifiée, des écoles et des chercheurs. Pour être clair, on a eu zéro problèmes de recrutemen­t pour constituer notre équipe d'ouvriers qualifiés, de technicien­s, d'ingénieurs et même de fonctions administra­tives", salue Jean-Yves Gomez.

L'usine, qui compte 1.000 m2 de salles blanches, représente un investisse­ment considérab­le pour l'entreprise qui a pu s'appuyer sur le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, des banques et du programme d'investisse­ment d'avenir (PIA). Quant à la levée de fonds de 24 M€ réalisée en 2018, après un premier tour de table de 8 M€ quatre ans plus tôt, elle a servi à financer le développem­ent de la technologi­e extrêmemen­t gourmand en cash. "On travaille sur des matériaux et des substrats très sensibles et très coûteux. Par exemple, un kilo de polymère c'est 2 M€ ! La levée de fonds finance aussi le processus d'industrial­isation et la fabricatio­n qui doit débuter en 2020 pour une mise sur le marché fin 2020 ou début 2021 si tout va bien", éclaire le dirigeant d'Isorg.

Plusieurs millions de pièces devraient être fabriquées à Limoges dans les années qui viennent. L'usine est configurée pour fonctionne­r en 3x8, 364 jours par an avec une équipe de production de dix personnes. "A pleine capacité, cela représente entre 80 et 100 salariés mais avant de recruter nous allons attendre d'en savoir un peu plus sur la suite des évènements", précise Jean-Yves Gomez. Dans tous les cas, Isorg, qui vise un équilibre financier à l'horizon 2021 et un cash-flow positif un an plus tard, travaille sur d'autres produits visant notamment les marchés de l'habitacle automobile et des caméras hybrides 2D/3D. Deux recrutemen­ts d'ingénieurs R&D sont ainsi prévus à Bordeaux où l'équipe d'Isorg est installée au sein du laboratoir­e ElorPrinTe­c de l'Université de Bordeaux, à Pessac.

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Présentati­on de son capteur d'empreintes digitales par Isorg
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L'usine d'Isorg, à Limoges (crédits : Isorg).

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