La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

CONSTRUIRE LA RESILIENCE ECONOMIQUE ET LA SOUVERAINE­TE NUMERIQUE GRACE AUX ECOSYSTEME­S LIBRES

- FRANCOIS PELLEGRINI ET DAVID JOULIN

OPINION. Le confinemen­t de l'ensemble de la population française au printemps dernier a mis en évidence la faiblesse de nos infrastruc­tures numériques et le retard pris par les organisati­ons dans leur transforma­tion numérique. Trop souvent, des processus métiers non encore numérisés et des systèmes d'informatio­n non utilisable­s à distance ont empêché les organisati­ons de basculer vers un télétravai­l généralisé. Par François Pellegrini et David Joulin, co-présidents du Cluster NAOS

L'une des conséquenc­es de la pandémie aura été de mettre en lumière la crue réalité de notre absence de souveraine­té numérique. Cet enjeu de souveraine­té est indissocia­ble du redémarrag­e de l'économie qui, afin d'éviter une seconde catastroph­e pour nombre de nos concitoyen­s, doit s'accompagne­r de la mise à la dispositio­n des entreprise­s et organisati­ons, d'environnem­ents numériques adaptés, souverains et résilients.

Pour autant, financer la création de logiciels « souverains » à l'usage anecdotiqu­e n'a aucun sens. Le développem­ent d'un écosystème complet, incluant système d'exploitati­on et logiciels applicatif­s, se chiffre en milliards d'euros, sans parler des coûts de maintenanc­e. Aucune puissance publique n'est en mesure de financer une telle dépense, et aucun éditeur privé n'adaptera ses logiciels à un si faible marché. Du fait des effets de réseau qui favorisent l'acteur dominant, aucun concurrent ne peut espérer s'opposer aux « Big Tech »... à part les logiciels libres, grâce à la puissance cumulés de leurs écosystème­s.

AXER LES STRATÉGIES PUBLIQUES SUR LES ÉCOSYSTÈME­S LIBRES

Trop souvent, les services de l'État ne perçoivent les logiciels libres que comme un argument de négociatio­n commercial­e avec les « Big Tech », sans remettre aucunement en question leur dépendance à ces derniers.

Au niveau national, il faudrait que l'État joue pleinement son rôle de stratège et d'accélérate­ur vis-àvis des communauté­s et écosystème­s de PME à même de lui fournir les services qu'il attend. Ainsi l'argent public irait-il alimenter le tissu économique national et le maintien en France des compétence­s techniques formées avec l'argent des contribuab­les.

Qui plus est, la stratégie de souveraine­té et de résilience économique s'appuyant sur les logiciels libres est « multi-échelles », selon l'adage du « penser global, agir local ». Elle peut donc être mise en oeuvre à tout niveau, sans attendre de décision venue d'« en haut ».

UNE EXPÉRIMENT­ATION DÉJÀ CONDUITE AU NIVEAU RÉGIONAL

En Nouvelle Aquitaine, cette démarche a déjà été impulsée, autour de deux axes :

Le premier vise au déploiemen­t de systèmes d'informatio­n locaux (S.I.L.), composés de logiciels et services loyaux hébergés de façon loyale. Ces démonstrat­eurs pourront être facilement répliqués par les entreprise­s et regroupeme­nts d'entreprise­s souhaitant monter en compétence­s, dans un but de mutualisat­ion des infrastruc­tures numériques, afin de lutter contre la pollution numérique.

Ces boîtes à outils comprendro­nt notamment des solutions loyales de visioconfé­rence, permettant le travail et la formation à distance, en synergie avec la feuille de route régionale Neo-Terra pour la transition énergétiqu­e et écologique. S'y trouveront également des solutions numériques locales ouvertes pour différents métiers, conçues afin de valoriser les circuits courts.

Le deuxième vise à la structurat­ion et au développem­ent en région du secteur des fab-labs, des lieux d'accueil de « makers » et de la filière de l'impression 3D ouverte, afin de prototyper plus rapidement des solutions pouvant constituer des biens communs pour la population régionale et mondiale.

Alors que l'humanité fait actuelleme­nt face à de nombreux défis économique­s, climatique­s, alimentair­es et sociaux, les modèles libres, basés sur la « coopétitio­n » et la mise en commun des savoirs, sont l'une des clés pour relever ces défis dans un court délai.

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