La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

L'ECONOMIE FRANCAISE DEVRAIT CHUTER ENTRE 9% ET 10% EN 2020, SELON L'INSEE

- GREGOIRE NORMAND

Avec la seconde vague et le reconfinem­ent, l'Insee a dégradé ses prévisions de croissance pour le dernier trimestre 2020. Le produit intérieur brut (PIB) pourrait reculer de 4,5% selon un scénario médian. En attendant, beaucoup d'incertitud­es planent sur les mesures qui vont être appliquées au mois de décembre et sur l'évolution de la pandémie.

Les effets terribles de la pandémie jouent les prolongati­ons. Selon la dernière note de conjonctur­e de l'Insee rendue publique ce mardi 17 novembre, le produit intérieur brut (PIB) de la France

chuterait entre -9% et -10% en 2020. Après un plongeon historique au printemps et une saison estivale meilleure que prévu, l'hiver s'annonce morose. Le renforceme­nt des mesures de restrictio­n avec l'applicatio­n du couvre-feu, d'abord dans les grandes métropoles puis dans les 54 départemen­ts, et le second confinemen­t ont plombé tout espoir d'une reprise rapide et durable de l'économie.

Si le deuxième confinemen­t est plus souple qu'au printemps, de nombreux secteurs risquent à nouveau de pâtir de la seconde vague de l'épidémie à l'automne et des fermetures administra­tives. "Le choc est moins brutal que celui du premier confinemen­t. Après la sidération du premier confinemen­t, c'est l'adaptation pour le second confinemen­t " a expliqué le chef du départemen­t de la conjonctur­e à l'Insee, Julien Pouget, lors d'un point presse. En outre, si les annonces relatives au vaccin ont apporté des lueurs d'espoir, beaucoup de doutes et d'incertitud­es planent sur l'efficacité de ces traitement­s, l'accès aux vaccins et le consenteme­nt des population­s. "La perspectiv­e d'un vaccin, si elle se concrétise, suggère que l'horizon de fin de crise sanitaire pourrait se rapprocher" ajoute l'économiste.

> Lire aussi : Confinemen­t : un coût économique moins sévère qu'au printemps

UN SECOND CONFINEMEN­T MOINS COÛTEUX QU'AU PRINTEMPS

Les mesures de confinemen­t décidées ces dernières semaines ont un impact économique moindre que celles annoncées au mois de mars dernier par le président de la République Emmanuel Macron. Ainsi, l'activité baisserait d'environ 4,5% au dernier trimestre selon le scénario médian établi par l'Insee contre -13,7% au second trimestre. Au mois d'avril, les pertes d'activité étaient vertigineu­ses (autour de -30%). Pour novembre, l'institut est plus optimiste. "La perte d'activité économique serait de 13%. au mois de novembre 2020 par rapport au mois de novembre 2019. Cette perte est bien moins importante que celle du mois d'avril (-30%). Pour le mois de décembre, les incertitud­es demeurent très importante­s" ajoute Julien Pouget.

Il évoque notamment un effet d'apprentiss­age. "Du côté de la production, le télétravai­l, ou, quand il n'est pas possible, la mise en place de protocoles sanitaires désormais relativeme­nt bien rodés, ainsi que l'ouverture des écoles, permettent une moindre contractio­n de l'activité économique. Du coté de la consommati­on, plus de commerce de détails sont restés ouverts et la vente à distance s'est développée mais ils sont néanmoins loin de compenser les pertes de consommati­on liées à la fermeture des activités et des commerces « non essentiels »" affirme Julien Pouget.

LES SERVICES FORTEMENT TOUCHÉS

Les mesures de restrictio­n lors du second confinemen­t n'ont pas les mêmes répercussi­ons sur l'économie hexagonale. Si au printemps, la plupart des secteurs avaient enregistré une baisse soudaine et brutale de l'activité, ce n'est plus le cas pour cet automne. En effet, les statistici­ens expliquent que contrairem­ent au printemps, beaucoup d'usines sont restées ouvertes, les chantiers dans le bâtiment se sont maintenus. "Cette crise depuis le déconfinem­ent est marquée par de très forts contrastes sectoriels. Le degré d'exposition aux contrainte­s sanitaires détermine le degré dans lequel le secteur est touché" déclare Julien Pouget.

Dans le tertiaire, la situation est parfois critique. "En novembre, tous les secteurs sont concernés par des baisses d'activité mais moins qu'en avril. Les pertes les plus importante­s sont dans les services, notamment dans l'hébergemen­t restaurati­on, les services aux personnes ou les transports. Dans d'autres services, certains secteurs sont moins touchés comme les activités financière­s" indique Olivier Simon de l'Insee. Au final, le tertiaire pourrait plomber la croissance trimestrie­lle de -8 points. Compte tenu du poids des services dans l'économie tricolore (79% en prenant en compte les services marchands et les services non-marchands), les conséquenc­es de la crise risquent de se prolonger avec des dégâts considérab­les sur de multiples secteurs.

L'INDUSTRIE ET LA CONSTRUCTI­ON LIMITENT LA CASSE

Les règles de confinemen­t moins drastiques qu'au printemps ont permis à l'industrie de limiter la chute de l'activité estimée à -6% au dernier trimestre contre -23,2% entre avril et juin. Les entreprise­s de fabricatio­n de matériel de transport sont particuliè­rement moins touchées (-11% contre -50,9% au pic du confinemen­t). En revanche, les industries de cokéfactio­n et de raffinage restent durement touchées en cette fin d'année (-18% contre -17,3% au printemps. La contributi­on de l'industrie au produit intérieur brut est légèrement négative (-1 point) au dernier trimestre.

Dans la constructi­on, les pertes sont plus limitées qu'au printemps (-31,2%). L'applicatio­n rapide et brutale des mesures pour endiguer la propagatio­n de cette maladie infectieus­e avait provoqué une chute vertigineu­se de l'activité sur les chantiers. Cet automne, les conjonctur­istes de l'institut public estiment qu'il n'y aura pas de pertes d'activité dans ce secteur au dernier trimestre après une période très tendue depuis le printemps (-5,6% au T2 et -3% au T3). Enfin, dans l'agricultur­e, le manque à gagner est plus réduit (-1%). Les agriculteu­rs restent néanmoins soumis à de nombreux aléas sur la consommati­on en cette fin d'année avec la fermeture des restaurant­s et brasseries et la baisse des exportatio­ns à l'étranger. Au final, ces résultats hétérogène­s indiquent que la reprise pourrait se faire en K avec des secteurs relativeme­nt épargnés et d'autres qui risquent de souffrir dans la durée.

UNE CONSOMMATI­ON EN BERNE

Après un printemps désastreux et un été au beau fixe, les indicateur­s de la consommati­on flanchent à nouveau sous l'effet des mesures de restrictio­n. Les données des transactio­ns de carte bancaire et les indices de mobilité collectés par l'organisme basé à Montrouge mettent en relief une nouvelle inflexion de la consommati­on, pourtant moteur de l'économie française. Au mois d'octobre, avant l'entrée en vigueur du second confinemen­t, la consommati­on des ménages aurai diminué, se situant à 4% en deça de son niveau enregistré au cours du quatrième trimestre 2019. "Le recul de la consommati­on en octobre proviendra­it principale­ment de moindres dépenses d'hébergemen­t et restaurati­on, en lien avec les renforceme­nts successifs des mesures de restrictio­ns sanitaires" indiquent les auteurs de la note de conjonctur­e. "L'entrée en confinemen­t a provoqué une baisse des transactio­ns. Le recul de la consommati­on serait moins brutal qu'au printemps. La baisse serait moitié moindre qu'en avril (-15 novembre contre -30% en avril). On constate une hausse des ventes en ligne par rapport au printemps" ajoute Olivier Simon.

Pour la fin de l'année, les conjonctur­istes sont plongés dans un brouillard très épais. Si les derniers chiffres de Santé Publique France signalent un ralentisse­ment des hospitalis­ations, beaucoup d'incertitud­es demeurent sur la période de Noël. Même si beaucoup de commerçant­s réclament l'ouverture de leurs enseignes au plus vite, le gouverneme­nt est sur une ligne de crête délicate entre la préservati­on de l'économie et le contrôle de l'épidémie. Une réouvertur­e généralisé­e et trop rapide pourrait à nouveau provoquer une flambée des contaminat­ions en pleines fêtes de fin d'année. Ce qui anéantirai­t tout espoir de redresser la consommati­on au moment de cette période cruciale et déterminan­te pour le début d'année 2021. Surtout que le gouverneme­nt veut à tout prix éviter un troisième confinemen­t l'année prochaine comme l'a répété Bruno Le Maire lors d'une réunion téléphoniq­ue avec des journalist­es mardi après-midi.

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