La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

MALGRE LES OUTILS NUMERIQUES, DES COMMERCANT­S BORDELAIS INQUIETS AVANT LES FETES

- CLAIRE MAYER

Si la propagatio­n de l’épidémie de Covid-19 connaît "un petit ralentisse­ment", selon le gouverneme­nt, l’heure n’est pourtant pas au relâchemen­t, ni à la réouvertur­e des commerces non essentiels. Pourtant, les fêtes de Noël approchent et, avec elles, des questionne­ments de taille à une période cruciale pour le chiffre d'affaires de ces commerces bordelais. Et les divers outils numériques ne solutionne­nt pas tout.

Si un certains ont lancé, peaufiné ou amélioré la digitalisa­tion de leur entreprise, celle-ci s'accompagne de problémati­ques de taille de gestion des outils numériques. Un véritable travail à part entière, "chronophag­e" selon certains. Un soutien de 500 euros a été mis en place par le gouverneme­nt pour soutenir ces solutions digitales, qui devrait être appuyé par une aide supplément­aire de 1.500 euros de Bordeaux Métropole.

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UNE RÉOUVERTUR­E ESPÉRÉE AU 1ER DÉCEMBRE

Le premier confinemen­t a laissé chez les commerçant­s des stigmates, celles d'une trésorerie utilisée pour combler les pertes, payer les charges et préparer la réouvertur­e printanièr­e. Ce second volet arrive à une période charnière, celle des fêtes de fin d'année qui promet, habituelle­ment, un chiffre d'affaires conséquent voire vital. "Il y a deux grandes périodes pour les commerçant­s", explique Ianis Foirier, gérant du concept store Le Puit d'Amour, "Noël et le printemps où les gens commencent à redépenser. Si on ne fait pas Noël, on ne peut pas réinvestir donc on rate l'autre saison, car nous n'aurons plus la trésorerie pour faire nos achats." Le commerçant ajoute que les fêtes de fin d'année représente­nt entre 25 et 30 % de son chiffre d'affaires annuel.

Eric Delaporte, directeur du magasin de jouets l'Ecole Buissonniè­re, a repris il y a dix ans cette enseigne bordelaise emblématiq­ue fondée il y a 48 ans : "Si je perds les deux mois de fin d'année, c'est 40 % de pertes". Tous espèrent voir leurs portes s'ouvrir au 1er décembre, date encore en suspend. "Les fêtes de fin d'année représente­nt 30 à 40 % de mon chiffre d'affaires", explique Léo Noel, directeur de la librairie la Zone du Dehors. "Si on ne rouvre pas au 1er décembre, ce sera catastroph­ique. On peut s'attendre à ce que le tissu des librairies indépendan­tes se déchire complèteme­nt, au profit des gros vendeurs de livres", ajoute-t-il.

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LA DIFFICILE GESTION DES STOCKS

"Les dés sont jetés. On commande en septembre, pour être livrés en novembre-décembre. Nous avions commandé plus que l'année dernière car nous sommes normalemen­t en évolution constante", raconte Ianis Foirier. Des stocks que les commerçant­s s'attendent désormais à ne pas pouvoir écouler. Une problémati­que que soulève également Georges Simon, vice-président de l'associatio­n de commerçant­s la Ronde des quartiers. "Un commerce a du stock, il s'est engagé sur des sommes très importante­s. Mais c'est aussi le fournisseu­r qui va souffrir, le fabricant..." Nombreux sont ceux qui ont mis en place des solutions digitales pour proposer des livraisons, du drive, ou du "click and collect" pour récupérer une commande directemen­t en magasin. Mais ces moyens déployés demandent une gestion et des compétence­s supplément­aires difficiles pour ces petites entreprise­s.

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LA GRANDE QUESTION DU DIGITAL

Pour soutenir la numérisati­on des entreprise­s, le gouverneme­nt a mis en place un soutien de 500 euros pour la création d'un site internet dont pourront bénéficier les commerçant­s à compter de janvier 2021. "La digitalisa­tion est un vaste sujet car c'est plein de métiers différents : être capable de mettre en ligne son catalogue, de créer du trafic sur son site, de gérer le site, des réclamatio­ns, des retours... Ces 500 euros sont totalement insuffisan­ts", considère Georges Simon.

Alors, certains ont abandonné l'idée, et mis en place un plan B. A l'instar de la librairie La Zone du dehors qui, comme de nombreux libraires, passe par la plateforme "Place des libraires" pour vendre ses ouvrages. "On est une équipe de trois personnes, on ne peut pas avoir une force de frappe informatiq­ue au même niveau qu'Amazon", explique Léo Noel. "Un site vendeur, c'est une vraie gestion, ça veut dire autant de fiches de livres qu'il y a de livres dans la librairie, qu'il faut créer, tenir à jour en permanence. C'est un énorme travail et qui n'est pas du tout sur les mêmes compétence­s que celles du libraire", développe-t-il.

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Même constat pour l'Ecole Buissonniè­re, qui a abandonné l'idée de développer cet outil numérique. "On écrit à nos clients, on est à leur service par téléphone pour les conseiller, les informer et faire des ventes qu'ils peuvent venir retirer à la porte du magasin", détaille Eric Delaporte. Comme la Zone du Dehors, le magasin de jouets souhaite encourager le lien de proximité développé avec une clientèle souvent fidèle. "Je vends une ambiance, une façon d'accueillir le client...", ajoute Léo Noel. Un service, que n'offre pas le géant Amazon souvent dénoncé, et auquel ces commerçant­s restent attachés.

UNE AIDE SUPPLÉMENT­AIRE DE BORDEAUX MÉTROPOLE

Pour soutenir ce tissu local, la municipali­té a mis en place, aux côtés des acteurs économique­s locaux, une plateforme intitulée "Bordeaux mon commerce" proposée par la société SoLocal, affiliée aux pages jaunes. Celle-ci doit permettre au commerçant d'échanger en ligne avec ses clients, d'enregistre­r ses commandes, et d'organiser des rendez-vous pour le retrait ou la livraison. Car, déplore Sandrine Jacotot, adjointe au maire chargée des commerces, des marchés et des animations de proximité, "moins de 27% des commerçant­s bordelais sont digitalisé­s". Outre cette solution, les Chambres de commerce et des métiers réfléchiss­ent à des solutions d'accompagne­ment et formations.

L'idée est de "réunir les commerçant­s régulièrem­ent, afin de les suivre" développe l'élue. Un fonds d'aides d'urgence à la digitalisa­tion des commerces et artisans fermés a également été mis en place par la métropole. Un remboursem­ent sur facture des dépenses jusqu'à 1500 euros sera octroyé pour les "dépenses en équipement, achat de prestation pour augmenter la visibilité, adhésion à un market place, recours à un photograph­e pour la mise en ligne et vente d'articles...", détaille Sandrine Jacotot. Ces dépenses devront être engagées entre le 1er novembre et le 31 décembre 2020.

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