La Tribune

PETROLE: LES VRAIS DETERMINAN­TS DU MARCHE

- ADIL BAMI ET HEGER GABTENI

La chute des cours pétroliers s'explique par la volonté de l'Arabie Saoudite d'instaurer des barrières à l'entrée sur le marché pétrolier sous forme de prix faible. Mais les cours de l'or noir sont aussi déterminés par la dynamique de l'offre, notamment de pétrole non convention­nel. Par Adil Bami (université Panthéon-Sorbonne) et Heger Gabteni (Paris School of business) Le marché pétrolier a connu des turbulence­s significat­ives depuis le début de l'été 2014. Ces turbulence­s sont liées à des facteurs conjonctur­els mais aussi structurel­s. La fébrilité de la demande mondiale du pétrole liée à une conjonctur­e économique qui tourne au ralenti depuis plusieurs trimestres n'explique pas tout. Encore que cette variable contingent­e est en train d'évoluer. Les États-Unis et la Chine, les deux premiers gros pays consommate­urs de pétrole avec respective­ment en moyenne 18 et 10 millions de barils par jour, ont clôturé l'année 2014 avec des résultats macroécono­mique spectacula­ires. Les effets d'entraineme­nts des deux locomotive­s ne vont pas tarder à se faire ressentir en Europe et en Asie, et, somme toute, sur le prix du pétrole.

UN "ÉQUILIBRE COOPÉRATIF"

L'équilibre du marché est sensible à ce genre d'ajustement­s conjonctur­els, ce qui explique les évolutions des deux derniers trimestres. En effet, le marché considère que la demande, insuffisan­te à cause de la crise, engendre une abondance de l'offre. Or, du point de vue de l'économie industriel­le, le marché mondial du pétrole fonctionne en « équilibre coopératif ». L'offre dépend du cartel de l'OPEP qui fixe des quotas à l'ensemble de ses membres. L'Arabie Saoudite, leader du cartel, produit à lui seul un tiers des 30 millions de barils mis sur le marché quotidienn­ement par l'OPEP. Cette offre structurel­le, structure justement, le fonctionne­ment du marché. L'OPEP ajuste les quotas pour atteindre un prix/baril cible. Les prix ayant atteint des niveaux record entre 2011 et le deuxième trimestre de 2014, l'organisati­on n'a pas eu à agir pour les stimuler.

LE PÉTROLE DE SCHISTE CHANGE LA DONNE

En ce sens, le marché du pétrole a les attributs d'un marché en équilibre selon le modèle de Nash : les acteurs ne sont pas incités à faire évoluer leur stratégie après avoir constaté celle de leurs concurrent­s. L'équilibre devient un équilibre de long terme. Or, l'apparition d'un produit de substituti­on à savoir le pétrole de schiste va changer la donne. Les deux produits appartienn­ent au même « marché pertinent ». Ils sont donc compléteme­nt substituab­les. Néanmoins, la comparaiso­n s'arrête là. En effet, le pétrole convention­nel a un coût de revient très faible - certes variable entre les pays- mais globalemen­t largement inférieur au coût de production du pétrole non convention­nel.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DU PÉTROLE NON CONVENTION­NEL

Cette descriptio­n, succincte, des conditions de l'offre et de la demande de pétrole peut donner lieu à deux lectures. Une interpréta­tion convenue, qui consiste à dire que les pays les plus influents du cartel pratiquent un dumping par les coûts de production. Avec un objectif de disqualifi­cation des puits de pétrole de schiste et d'instaurati­on de barrières à l'entrée sous forme de prix faible. Les déclaratio­ns tonitruant­es du ministre Saoudien du pétrole, et chef de file de l'OPEP, n'ont fait que légitimer cette lecture. Une deuxième interpréta­tion aurait pour objectif de se limiter aux fondamenta­ux du marchés, à savoir l'offre et la demande. La demande étant conjonctur­elle, son impact va se ressentir en fonction de la dynamique de l'économie mondiale. La variable stratégiqu­e, aujourd'hui, étant l'offre. Elle est faite de plus en plus en dehors du cartel de l'OPEP. Ce qui bouscule l'équilibre coopératif. Le pétrole de schiste est produit, aujourd'hui, avec un coût de production compris, dans les meilleurs des cas, entre 40 et 50 dollars le baril. La marge opérationn­elle n'a cessé de s'améliorer dans le secteur pour la simple raison que le progrès technique permet de réduire les coûts d'exploitati­on des forages de schiste. La tendance est à l'abondance relative des produits non convention­nels, mais aussi à une baisse tendanciel­le des coûts de production.

L'INCONNUE DES RÉSERVES

Cette concurrenc­e par les quantités à la Cournot (mathématic­ien Français, qui fut le premier à formaliser l'offre et la demande sur un marché, 1801-1877) va avoir un impact indéniable sur les prix. Il sera accentué par l'entrée de nouveaux acteurs et donc, de plus en plus, par une faible concentrat­ion sur la marché. L'offre se fera de plus en plus à l'extérieur du cartel. La variable inconnue de l'équation étant l'épineuse question des réserves des produits convention­nels mais aussi et surtout non convention­nels.

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