La Tribune

COMMENT L'ITALIE TENTE D'ETEINDRE SA CRISE BANCAIRE

- ROMARIC GODIN

Matteo Renzi a organisé un montage pour venir en aide à la banque Monte dei Paschi di Siena, la seule qui serait concernée par des besoins de capitaux. Pour parer au plus pressé. L'Italie se démène pour tenter d'éviter, pour l'instant, une crise bancaire. A quatre jours de la publicatio­n des « stress tests » (tests de résistance) de la BCE sur les grandes banques européenne­s, Rome cherche activement des solutions pour éviter de devoir recourir au processus de résolution des crises prévu par l'union bancaire européenne pour sauver ses établissem­ents grevés de 360 milliards d'euros de créances douteuses.

EVITER LE « BAIL-IN »

En cas d'échec aux tests de résistance, les banques doivent avoir recours, si elles ne peuvent se refinancer sur les marchés, comme c'est le cas de toutes les banques italiennes, à ce mécanisme. Ce dernier prévoit un « bail-in », autrement dit la participat­ion des actionnair­es, des créanciers et des déposants de plus de 100.000 euros des banques à leur recapitali­sation avant toute aide publique. Or, en Italie, ce mécanisme pose un problème majeur puisque les dettes bancaires ont été vendues aux particulie­rs comme des placements « sûrs ». La moitié de la dette subordonné­e et un tiers de la dette sénior des banques sont ainsi détenues par des particulie­rs. A deux mois d'un référendum sur les réformes constituti­onnelles dont il veut faire un plébiscite, le président du Conseil Matteo Renzi ne peut se permettre de prendre un tel risque.

MPS, SEULE CONCERNÉE ?

Que faire alors ? Le gouverneme­nt italien a appris une bonne nouvelle. Une seule banque italienne devrait ne pas passer les stress tests de vendredi : la toscane Monte dei Paschi di Siena (MPS). Les quatre autres grandes banques italiennes, comme Unicredit, Mediobanca, Intesa et UBI devraient réussir l'examen. L'urgence ne porte donc que sur MPS. Rome pourrait renflouer cette banque directemen­t. La semaine dernière, la Cour de Justice de l'UE a laissé entendre qu'une telle décision était possible. Mais ce serait réduire à néant le mécanisme prévu par l'union bancaire, se mettre Bruxelles et la plupart des partenaire­s européens à dos et s'exposer, comme l'a souligné la Cour, à voir cette aide publique annulée. Pas question pour Matteo Renzi de prendre ces risques.

ATLANTE RENAÎT DE SES CENDRES

Une autre solution a donc été patiemment et péniblemen­t montée. Le gouverneme­nt italien va relancer le fonds « Atlante » (Atlas), une structure créée ce printemps pour sauver deux petites banques vénitienne­s avec l'aide du reste du secteur bancaire. Le principe ? Ce fonds bénéficie d'une garantie des autres grandes banques et de la Cassa dei Depositi e Risparmi (CDP), une banque publique, pour lever de l'argent sur les marchés et renflouer les banques en difficulté. L'ennui, c'est que le reste du secteur bancaire est trop fragile pour participer au sauvetage de MPS. Le partage des risques entre les banques italiennes pourrait conduire à une augmentati­on de la fragilité du secteur. Il faut donc, ici, faire intervenir l'Etat indirectem­ent.

UN SAUVETAGE « CACHÉ » ?

Rome a donc annoncé une participat­ion renforcée de 500 millions d'euros dans le fonds Atlante de la CDP la semaine dernière. Lundi 25 juillet, c'est le fonds de retraite public ADEPP qui a annoncé envisager la même participat­ion. A cela s'ajoutera les 1,7 milliard d'euros restant dans les caisses d'Atlante. Le fonds Atlante 2 aura donc à sa dispositio­n près de 3 milliards d'euros avec lesquels le gouverneme­nt envisage de racheter les créances douteuses les plus désespérée­s détenues par MPS. La directive européenne sur la résolution bancaire n'empêche pas ce type d'interventi­on indirecte de l'Etat via certains de ses véhicules. Le prix de rachat de ces créances aura été fixé à 30 % de leur valeur faciale, soit entre les 37 % inscrits dans le bilan de MPS et les 24 % du marché. MPS devra donc faire face à des pertes malgré ce rachat. Pour les combler, l'Etat italien aurait négocié une augmentati­on de capital suivie par quelques grandes banques d'affaires comme JP Morgan. Un « service » dont on ne connaît pas tous les tenants et aboutissan­ts, mais cette participat­ion des banques est clairement pilotée par l'Etat.

ENCORE DES INCERTITUD­ES

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