DISSUASION NUCLEAIRE: LES CINQ CONTRADICTIONS FRANCAISES
Par Marc Finaud, ancien diplomate français, Professeur associé au Centre de Politique de Sécurité de Genève (GCSP)* Alors que le thème de la dissuasion nucléaire a brillé par son absence pendant la campagne électorale française, plus de 130 Etats s'apprêtent à interdire purement et simplement l'arme nucléaire. A l'instar des autres puissances nucléaires, la France a boycotté ces négociations après avoir traité par le mépris les initiatives visant à attirer l'attention sur les risques de catastrophe humanitaire que présentent les quelque 15 000 armes nucléaires dans le monde. Ce faisant, elle n'a fait que s'enferrer dans les cinq contradictions qui caractérisent son attitude. Première contradiction : la France a mis au point et développé sa capacité de dissuasion nucléaire dans les années 1950 après l'échec de la Communauté européenne de défense et l'humiliation de Suez puis dans les années 1960 sous l'impulsion du général de Gaulle parce qu'elle ne nourrissait aucune confiance dans le parapluie nucléaire américain : « L'intérêt des Américains à ne pas laisser détruire l'Europe est infime par rapport au nôtre » confiait le général. C'est l'argument de l'indépendance nationale et de la liberté de décision qui a été constamment mis en exergue par tous les présidents de la Vème République pour justifier la dissuasion nucléaire. Il n'en est que plus surprenant et choquant de voir le représentant de la France aux Nations unies s'afficher aux côtés de l'Ambassadrice de Donald Trump à New York dans une tentative d'action concertée destinée à faire pression sur les Etats soutenant un traité d'interdiction des armes nucléaires. De même, se joindre à des déclarations communes avec les Etats-Unis et la GrandeBretagne voire emboîter le pas aux autres puissances nucléaires boycottant ces négociations apparaît peu compatible avec l'affirmation d'une volonté d'autonomie nationale.