La Vie Querçynoise

Saint Louis, pélerin de Rocamadour

Il y a 720 ans, le 11 août 1297, Saint-Louis devenait le premier laïc canonisé. L’occasion de se pencher sur l’histoire de son pèlerinage à Rocamadour.

- ANDRÉ DÉCUP

Louis IX est né en 1214, l’année de la bataille de Bouvines, près de Lille, où son grand-père, Philippe Auguste écrase la coalition montée contre lui par Jean sans Terre, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine. Lequel impose ainsi sa stature de roi de France. La victoire de Bouvines permettra à Saint-Louis d’élargir son domaine à l’Anjou, au Maine, à la Touraine, au Poitou. Tandis qu’au sud, l’écrasement des Albigeois lui ouvre les possession­s du comte de Toulouse s’étendant dans tout le Languedoc. La France s’agrandit. Couronné à l’âge de 12 ans, après la mort de son père, Louis est un enfant nourri de la foi chrétienne, élevé dans la piété, hanté par le péché. Blanche de Castille, sa mère, y veille en Espagnole intransige­ante. Elle sera régente du royaume jusqu’en 1235.

Un roi qui mène une vie de moine

Elle fera de lui un homme si pieux qu’on se moque de ce « roi papelard, misérable dévot avec un capuchon sur l’épaule ». Il n’aime pas la chasse, l’un des plaisirs les plus prisés des princes. Pourtant d’un caractère joyeux, recevant l’affection de sa jeune épouse Marguerite de Provence, il se destine au martyr par l’intensité d’une préparatio­n matérielle et morale de la mort.

Détestant la pauvreté, laïc obsédé par l’idéal évangéliqu­e de justice, il se mettra toute sa vie au service des plus humbles. Au quotidien, il invite les pauvres à sa table, leur fait distribuer des dons. Toute sa vie, il restera humble comme un franciscai­n. Le jeudi saint, il lave les pieds noircis de terre et crevés de plaies des serfs. Il soigne dans la discrétion les aveugles, afin qu’ils ignorent son identité. À l’abbaye de Royaumont, il nourrit les frères lépreux dont personne n’ose s’approcher. Il prie sans relâche dans sa chambre, multiplie les retraites. Il suit tous les offices et mortifie son corps, par esprit de pénitence. « Pourquoi chercher le plaisir en ce monde puisque le Seigneur est mort sur la croix ? »

Il va s’atteler à gérer ces nouveaux territoire­s gagnés par son grand-père. C’est par écrit que Louis IX ordonne et promulgue, opérant ainsi la transition avec le système féodal. En cela, il témoigne par son règne de 1226 à 1270 d’une conception moderne du pouvoir monarchiqu­e ou en dessine les prémices. Louis est homme de son siècle. Il est homme de croisade. Gravement malade, il fait le voeu de se croiser s’il échappe à la mort. Et il est d’autant plus fidèle à ce serment qu’en 1244, Jérusalem tombe aux mains des infidèles. Libérer le Saint Sépulcre est désormais le but de sa vie.

Pèlerinage à Rocamadour en mai 1244

Pétri de charité, Louis IX se présente en roi très chrétien. Raisons politiques et volonté de dévotions mêlées, il emprunte de manière incessante le chemin des sanctuaire­s et pèlerinage­s : Vézelay, Chartres, Arras, le Puy en Velay, le Mont Saint-Michel. Le culte marial y est largement représenté.

Depuis le XIIe siècle, l’un des pèlerinage­s en plein essor, après Jérusalem, Rome et SaintJacqu­es-de-Compostell­e, est celui de Rocamadour. Le sanctuaire est un lieu de pèlerinage marial après la découverte en 1166 du corps de l’ermite Amadour, sous la chapelle de la Vierge. Le roi d’Angleterre y est venu en 1170, ainsi que le roi de Castille. Et de toute l’Europe, les pèlerins vers Saint-Jacques-de-Compostell­e font une halte rédemptric­e devant la Vierge Noire.

Dans le même but de pénitence et d’actions de grâces, Saint-Louis va se rendre à Rocamadour au printemps de l’année 1244. Un pèlerinage de huit semaines environ, aller-retour. Louis est un jeune père de famille de 30 ans. Son fils, Philippe, a deux mois. Voilà certaineme­nt la raison des absences de l’épouse Marguerite et de Philippe en terre quercynois­e. Par contre Blanche de Castille et ses trois fils accompagne­nt le souverain.

Trois haltes sont connues sur le trajet, l’une à Limoges, le 27 avril où sont honorées les reliques de saint Martial, l’autre à PierreBuff­ière, à une quarantain­e de kilomètres au sud de Limoges, et la troisième à Brive.

Puis la route royale mène à Martel, Creysse et Montvalent. Quel est le déroulemen­t du séjour du roi en Quercy ? Hormis l’existence d’un acte signé à Rocamadour le 2 mai 1244, aucune trace ne donne plus de précisions. Le 11 mai, le roi est signalé à Argenton-sur-Creuse ; il arrivera à Paris en juin.

Ce voyage entrepris dans le Sud-Ouest sera le seul de son règne. Jamais le roi ne reviendra sur les terres du comte de Toulouse ou de ses vassaux du Languedoc.

Si le séjour de Louis IX en Quercy fut bref, il n’en fut pas moins important : la tradition veut que la relique de la Sainte Épine longtemps conservée dans la petite église de Creysse, dans la vallée de la Dordogne, ait été offerte par le roi à Géraud de Barase, évêque de Cahors (de 1236 à 1250), l’un de ses hôtes sur le trajet en vicomté de Turenne.

Combattant des ennemis de la foi

Si sa crainte permanente de déplaire à Dieu a nourri, toute sa vie, sa charité, elle est aussi l’origine de l’engagement du roi contre ceux qui sont considérés comme les opposants à la foi chrétienne : les hérétiques qu’il oblige à convertir ou à mourir, les Cathares de la région de Toulouse, qu’il persécute aux bûchers de l’Inquisitio­n, les musulmans qu’il combat lors des trois croisades qu’il organisera, les juifs. En 1244, l’armée royale prend Montségur, dernier haut- lieu cathare : 200 d’entre eux sont brûlés vifs. Mais à l’époque, religion et pouvoir sont liés. En tant que roi chrétien, Louis IX veut attirer la bénédictio­n divine sur son royaume en luttant contre les infidèles. Et il est du devoir du roi d’assurer l’unité de son royaume. D’où une fermeté sans concession­s contre ceux qu’il considère « comme les ennemis du Christ ». La piété populaire gommera cet aspect pour ne retenir que l’image d’un roi pieux et proche de son peuple.

Ce qui rend sa figure sans pareille, ce qui lui donne son plus haut prix dans notre histoire, c’est d’avoir su concilier son aspiration à la sainteté avec les froides nécessités de la souveraine­té. De n’avoir jamais perdu de vue le bien commun auquel son devoir d’État l’avait voué, quand son âme était comme aspiré par d’autres réalités.

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Le roi Louis IX sur les routes de France (Chroniques de Saint-

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