La Vie Querçynoise

Ça va péter !

- PAUL BRUNET ET CHRISTIAN HOLIÉ

Cette histoire vit le jour dans les années 50.

Le Miquélou était un bon bricoleur, un peu poète et « touche à tout » . Son voisin Peyrounel, entreprene­ur de travaux publics, lui demandait souvent des conseils pour réparer une machine, un outil, ou souder une pièce qu’il n’avait pas le temps de porter à un profession­nel. Peyrounel, dont les affaires tournaient bien, décida un jour d’agrandir sa maison afin qu’elle fût à la hauteur de sa nouvelle situation financière et familiale. En effet, la douce Caroline lui avait donné trois enfants.

Les plans établis, le permis de construire autorisait la réalisatio­n du projet. Pour ne pas perdre de temps, les travaux eurent lieu les week-ends et les jours fériés. Le terrasseme­nt s’achevait lorsqu’un vilain rocher opposa une résistance farouche à tout engin mécanique. Peyrounel mascagnait, et il se disait que le Miquélou aurait sûrement une idée. Justement celui-ci observait le chantier à ce moment-là.

« Dia Miquélou, j’ai un problème avec un énorme rocher ! Il me faudrait faire venir un dynamiteur. Mais je n’ai pas le temps de m’en occuper ! Tu n’aurais pas une idée par hasard » tonna- t- il d’un ton moqueur. Miquélou répondit : « Je connais bien un truc, mais c’est dangereux et interdit » .

Son interlocut­eur alors piqué au vif lui répondit : « Dis toujours on verra bien » .

D’un ton professora­l Miquélou expliqua : « Il suffit de percer le rocher et de remplir le trou en partie avec un produit et le reste avec de la terre et une mèche de fulminate. C’est simple il suffit de mélanger un peu de poudre de Perlinpin et de Vasyvasy avec beaucoup de prudence car le mélange devient très instable et très dangereux » .

Peyrounel minimisa la recette de son ami : « Ce n’est pas avec ta salade que je ferai péter ce rocher, mais je vais toujours essayer » .

La main lourde…

Miquélou donna la formule, et bien entendu il participa à la préparatio­n. Il dut modérer comme il put son voisin Peyrounel. Ce dernier avait la main très lourde avec les ingrédient­s dans les dosages. « Tu vois, je vais couvrir le dynamitage avec une bonne couche de fagots de bois, et par dessus mon gros chargeur de chantier tout neuf, un Michigan dernier cri. Ainsi il n’y aura pas de projection­s de matériaux » . « Tu ne vas pas me faire croire que ta cuisine est si efficace que ça ! » s’exclama Peyrounel.

Puis il s’assura tout de même que personne ne fut aux alentours. Il alluma la mèche et les « dynamitéro­s » se carapatère­nt aux abris.

Le résultat ne se fit point attendre. Un tremblemen­t de terre secouait le lieu, tandis qu’un panache de fumée s’éleva dans le ciel. Une ombre inquiétant­e sembla faire une pirouette dans les airs. Lorsque les derniers bouts de bois des fagots désintégré­s gisaient au sol, les deux compères sortirent de leur abri pour découvrir un cratère énorme encore fumant. À côté, il y avait ce qui était encore quelques minutes plus tôt un magnifique Michigan. L’engin avait été projeté en l’air, et retombait lourdement sur le toit avec les quatre roues regardant les nuages. Le remettre dans sa position initiale et changer quelques tuiles ne fut rien. Mais alors, la grande et terrible difficulté ce fut à faire croire aux voisins et curieux alertés par l’énorme explosion, que le Pépé avait enterré dans le jardin des munitions de la dernière guerre ! Pépé plié de rire dit simplement : « aquo a péter al tioul del Michigan avé une forche miladiou, je te dis pas con ! » .

La morale de cette histoire : toujours se méfier de ces recettes interdites. Si elles le sont ce n’est pas sans raison.

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