Nice : attentat prémédité et polémique sécuritaire
Les investigations menées suite à l’attentat de Nice montrent qu’il s’agissait d’un acte prémédité depuis plusieurs mois. Alors que l’enquête avance, la polémique enle sur le dispositif de sécurité mis en place sur la promenade des Anglais, le 14 juillet.
400 enquêteurs ont été mobilisés suite à l’attentat qui a fait 84 morts et 300 blessés lors des festivités du 14 juillet à Nice. Le proil du tueur s’est rapidement précisé. Il est décrit comme violent, dragueur et instable, « très éloigné des considérations religieuses, ne pratiquant pas la religion musulmane, mangeant du porc, buvant de l’alcool, consommant de la drogue et ayant une vie sexuelle débri
dée » , précise François Molins, le procureur de la République de Paris, en charge des dossiers terroristes à l’échelle nationale.
Bien qu’au surlendemain du drame, l’attentat ait été revendiqué par l’État islamique, aucun lien direct n’a été mis en évidence entre Mohamed Lahouaiej Bouhlel et Daech mais, selon François Molins, il n’y a aucun doute de son « intérêt
certain et prouvé » pour le groupe terroriste. Les investigations montrent également que l’auteur du carnage sur la promenade des Anglais « semble avoir envisagé et mûri son projet criminel plusieurs mois avant son passage à l’acte » . Dans son téléphone portable ont été re-
trouvées des photos de la foule niçoise présente pour la fête nationale en 2015 ainsi qu’une image d’un article de Nice-Matin titré « Il fonce volontairement sur la terrasse d’un restaurant » , le 1er janvier dernier. Sur Internet, il a fait des recherches à propos des festivités du 14 juillet, l’islam radical, les couvertures de Charlie Hebdo et des vidéos d’accident mortel impliquant des véhicules.
« Il s’agit d’un acte terroriste
pensé et préparé » , indique François Molins. Il est en effet établi que l’homme a fait des repérages sur place et a bénéicié de complicités dans son entourage. Cinq personnes ont été placées en détention dont deux Franco-Tunisiens déjà condamnés pour des délits de droit commun, les trois autres, un Tunisien et un couple franco-albanais, ayant un casier judiciaire vierge. C’est pourtant l’homme albanais qui aurait procuré son pistolet au chauffeur du camion.
« Mensonge d’État »
Tandis que l’enquête se poursuit, les querelles politiques
aussi. « Tout ce qui aurait dû être fait depuis dix-huit mois ne l’a pas été » , a ainsi déclaré Nicolas Sarkozy, pas encore candidat à la primaire de droite pour l’élection présidentielle mais déjà dans la course, ses concurrents alimentant aussi la surenchère. Des « gesticulations » mal perçues à l’heure du deuil national. « L’hystérisation du débat politique angoisse nos concitoyens et sème les germes
de la guerre civile » , a vivement critiqué le député centriste, Jean-Christophe Lagarde, dans les colonnes de Ouest-France.
La polémique sur la sécurité du 14 juillet à Nice a également pris de l’ampleur. Des questions se posent : comment, malgré les interdictions de circulation prononcées, le camion a pu rouler sans être repéré avant, alors que Nice est la ville la plus vidéo-surveillée de France avec 1 400 caméras ? La protection policière était-elle suffisante sur la promenade des Anglais ?
Très critique envers le gouvernement, le président de la région PACA et ex-maire de Nice, Christian Estrosi, dénonce « un
mensonge d’Etat » concernant le dispositif de sécurité. Mis en dificulté sur l’absence de policiers nationaux au point de déviation de la circulation au moment de l’attaque, contrairement aux premières afirmations des autorités, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve a annoncé l’ouverture d’une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Ce qui n’a pas empêché la ville de Nice de refuser une réquisition judiciaire de la sousdivision antiterroriste de Paris, lui demandant d’effacer les images de certaines caméras de surveillance sur la scène de crime, au motif d’empêcher une « utilisation malveillante par souci de dignité des victimes et toute reprise des images par les sites internet djidahiste à des fins de propagande. » Selon l’avocat de la ville de Nice « l’argument avancé de risque de fuite ne tient pas » . Il y voit « une réquisition aux fins d’effacement de preuves eu égard à la polémique sur la nature du dispositif policier. »
« Toute la transparence sera établie sur le déroulement des faits et la préparation du dispo
sitif » , a réafirmé François Hollande, en renouvelant sa confiance à Bernard Cazeneuve, à l’issue du conseil restreint de sécurité et de défense du 22 juillet. Le président de la République a fait le point sur les moyens humains mis en place ain de protéger les rassemblements festifs estivaux et la prolongation de l’État d’urgence jusqu’en janvier 2017. Celui-ci durcit les mesures pour la lutte antiterroriste, assouplit les écoutes administratives et prévoit aussi d’interdire les manifestations sur la voie publique, si la sécurité ne peut en être assurée. Dans cette période de tensions extrêmes, le chef de l’État a également appelé les Français « à faire
bloc » .