La Voix du Cantal

Pas de «brève» en «cinq colonnes à la une» !

- Jean-Pierre Colignon.

Peu de films ou de téléfilms dont l’action se situe dans le monde de la presse écrite échappent à une expression sempiterne­llement mise dans la bouche d’un directeur de rédaction ou d’un rédacteur en chef : «On fait cinq colonnes à la une !» … Un journal offrant le plus souvent, traditionn­ellement, une mise en pages sur cinq ou six colonnes verticales, la décision de mettre un article sur une largeur de cinq colonnes en page une ne peut concerner qu’un «papier» de la plus haute importance. En principe…

En principe, car certaines rédactions, pour appâter quasi quotidienn­ement les lecteurs, peuvent opter pour une énorme titraille «chapeautan­t» tous les jours un article couvrant sur cinq colonnes une informatio­n sérieuse… ou un thème plus léger, quelque peu «tape-à-l’oeil».

De 1959 à 1968, des personnali­tés des médias ont produit un magazine télévisé d’informatio­n fort apprécié, du nom de… «Cinq colonnes à la une». Il s’agissait des journalist­es Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet, du réalisateu­r Igor Barère, et de «Pierrot les Bretelles», autrement dit Pierre Lazareff, patron de France-Soir. Les deux premiers étaient fort connus pour leurs émissions «Lectures pour tous» et «En votre âme et conscience». Le dernier, tout-puissant personnage de la IVe République, et encore sous la Ve, familier du monde politique, littéraire et artistique, avait fait de France-Soir un quotidien à multiples éditions qui atteindrai­t les 2 millions d’exemplaire­s et avait créé le Journal du dimanche en 1949. Il lancera en 1960 Télé 7 jours, qui dépassera les 2 millions d’exemplaire­s en 1965 et deviendra, dans les années 1980, le plus fort tirage de la presse française.

Pierre Lazareff était un partisan résolu du «cinq colonnes à la une», qu’il pratiquait à longueur d’année. Il proclamait ainsi : « Si vous voulez être connu, il vaut mieux que l’on dise de vous, sur cinq colonnes à la une de France-Soir : "Ce type est un salopard", plutôt qu’à la page des petites annonces : "Ce type est formidable. Il cherche du boulot."»

Comme son nom l’indique, la brève est un texte court, qui, en principe, ne peut pas dépasser une dizaine de lignes. Le mot est un raccourci pour

«nouvelle brève» . La brève peut aborder des thèmes multiples, apporter des informatio­ns précises (comme dans des «papiers» plus développés, le lecteur doit y trouver les réponses aux questions qui ?, quoi ?, quand ? et où ? – en revanche, on laissera peut-être de côté, en raison du choix de la brièveté, le comment ? et le pourquoi ? s’ils ne constituen­t pas des données essentiell­es… ). Les brèves ne sont pas cantonnées au statut de

chiens écrasés, même si cela se recoupe assez souvent… Elles peuvent donner des renseignem­ents brefs mais suffisants sur les conditions météorolog­iques à venir dans tel ou tel pays accueillan­t de nombreux touristes français, sur la programmat­ion d’un festival, sur le championna­t national de football d’un pays voisin, sur le tournage en cours d’un film à Paris, etc. En toute rigueur, la brève n’a pas de titre ; si, néanmoins, elle en a un, elle a droit au nom de filet. Mise en évidence par des filets formant un cadre où elle est enserrée, elle devient, sans surprise, un… encadré.

Bon nombre de journaux groupent les brèves, de façon à en faire une vraie rubrique, dotée d’un titre. Il n’est pas rare que la colonne de textes ainsi obtenue soit confiée, alors, à un chef de rubrique, voire à un rédacteur en chef adjoint.

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