La publicité décryptée
Nous la jugeons parfois mensongère, capable de rouler dans la farine par de secrètes manipulations une clientèle ignorante de ses manières et de son pouvoir, même lorsque de grosses icelles attachent ses accroches. Afficher un prix de 19,99 euros pour souligner qu’il est en dessous de 20 euros ne relève pas d’une extrême inesse! Des sociétés payent toutefois fort cher pour que les présentations de leurs produits incitent à l’achat. Quelle est donc l’onéreuse alchimie qui conduit à ce résultat ? Les étapes de la procédure de base sont connues. Déterminer d’abord une cible publicitaire, c’est-à-dire un ensemble de personnes habitées de désirs sinon de besoins spéciiques. De considération et de pouvoir par exemple chez des employés ou des cadres réduits dans leur entreprise au rang d’exécutants passifs, parfois même humiliés, par des supérieurs… peut-être victimes à leur propre niveau de la même disgrâce ? L’identiication de tels échantillons résulte de recherches et d’interprétations sérieuses, conduites par des professionnels. Il s’agit ensuite de mettre en relation le produit à vendre et le besoin éprouvé. À l’homme de l’art d’articuler alors textes, images, vidéos pour présenter ce rapport, fut-ce de façon subliminale pour répondre à l’attente de la clientèle visée. Et ça marche ! Par exemple, la vue à la télé d’une voiture traversant des paysages des plus hostiles, soumise sans le moindre dommage à des orages, des incendies, des séismes... Identiication du pilote (le futur acheteur ?) à la puissance tranquille de la berline qu’il conduit. Pourquoi ne pas inverser la démarche ? En essayant de décoder nous-mêmes les publicités qui lattent nos désirs, font écho à nos besoins (ou au contraire nous révulsent), ain de prendre un peu plus conscience de ce que nous sommes ou désirons être, fut-ce à notre insu ? Se découvrir par exemple sensibles à la présentation de serrures de sécurité, d’alarmes sophistiquées… ou à des invitations à souscrire des extensions de garantie (couvrant en fait une durée de vie prévue sans pro- blème par le fabricant !), proviendrait de besoins de sécurité. Ou bien rêver devant des tables familiales ou amicales présentant des mets ou des ustensiles, évidemment proposés à l’achat, serait le signe de besoins de convivialité. Publicité par contre ineficace pour celles et ceux qui cherchent le calme et la paix loin de relations par trop envahissantes. Et nous pourrions continuer ainsi, au proit d’un connais-toi toi-même favorisé par des spots parfois effacés par des zappings spontanés. Reste un besoin ignoré des propositions publicitaires courantes, celui du sens de la vie. Il y a quelques années nous le trouvions discrètement évoqué sur des afiches électorales (tiens, là encore un produit à vendre?) où, derrière le portrait d’un présidentiable, un clocher émergeait sur fond de paysage doucement vallonné… Rien à voir avec la foi et le programme du candidat mais certainement avec celle d’électeurs sensibles à l’évocation si discrète fut-elle, d’une église dans l’environnement du personnage. La lacune actuelle de propositions sur le sens profond du vivre ensemble et du vivre tout court ne devrait-elle pas interroger ? En sachant que les attentes dans ce domaine ne trouvent pas réponse sur des placards publicitaires !
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