Un avenir incertain pour les barrages
Autrefois propriété de l’État, les ouvrages du Cantal risquent de se privatiser dans les années à venir. Des salariés s’inquiètent.
Aujourd’hui très en vogue pour son aspect écologique, l’énergie hydroélectrique est l’une des plus importantes du Cantal. Prisée pour l’utilisation des ressources en eau de surface, le tourisme ou sa réactivité (le courant produit par les barrages est mis sur le réseau en moins de 4 minutes), le secteur emploi 76 personnes à travers le département.
Historiquement propriété de l’État depuis leurs créations, les barrages du Cantal sont aujourd’hui vulnérables à une privatisation. Un processus permit par l’adoption successive des lois Nome et de transition énergétique.
Controversée, la loi énergétique est l’une des plus grandes interrogations pour les salariés du réseau hydroélectrique du Cantal. Pour Armelle Thomas, salarié de EDF et secrétaire général CGT Corrèze Cantal, ce projet « vise à mettre en pièce un modèle public qui existe depuis un demi-siècle. Nous sommes encore dans le flou avec cette loi et ne savons pas les dommages qu’elle risque d’occasionner dans notre département » . Concrètement, la loi de transition énergétique permet l’ouverture des concessions hydrauliques sans pour autant préciser le sort des concessions. « Et c’est là que résident les plus gros soucis » souligne Patrick Mignonet, animateur hydraulique pour le Cantal, tout en poursuivant « On ne sait pas si la loi va occasionner un regroupement des vallées ou si chaque ouvrage peut être acheté séparément. Chaque concession a également une durée. Certains ouvrages sont d’ores et déjà disponibles, mais pour d’autres, la concession court encore jusqu’en 2030 » . L’inquiétude réside alors sur la détention par différentes sociétés de chaque ouvrage et leurs gestions séparées : « Les barrages d’une même vallée sont interdépendants. Lors d’une crue, la communication est primordiale pour éviter une catastrophe. De même, l’entreprise qui détiendra le barrage en amont de tous les autres « contrôlera » toute la vallée » précise Armelle Thomas.
Autres interrogations, la ques- tion de la sécurité et de l’entretien. Aujourd’hui, les ouvrages du Cantal sont « sains et révisés ». Plusieurs millions d’euros ont été investis ces dernières années « Si demain une entreprise reprend un barrage, décide de l’exploiter puis le revend avant de payer la « douloureuse », qui paiera ? Les Français ont payé pour ces barrages et leur entretien, ils le devront encore après qu’un privé ait exploité le site ? » s’interroge Armelle Thomas.
Au- delà des interrogations structurelles, la privatisation pourrait également entraîner une augmentation du tarif, qui varierait selon les secteurs. « Cette disparité tarifaire rendrait cette mesure encore plus indigeste pour les consommateurs » suggère Serge Borderi, animateur hydraulique Cantal.
En attendant les éclaircissements, les salaries et les représentants syndicaux, restent inquiets pour les mois à venir, car pour eux « l’État ne devrait pas se désengager de l’énergie, c’est un besoin primaire ».