La Voix du Cantal

Vols et falsificat­ion : « une audience spéciale pour lui »

- N.G

Ethan*, actuelleme­nt sans emploi, était convoqué à la barre du tribunal de grande instance d’Aurillac lundi dernier car il était, notamment, accusé de nombreux vols. 5h30 ont été nécessaire­s pour cette seule affaire. Des faits qui remontent à la période allant de 2012 à 2014.

Une affaire qui doit être scindée en deux. Tout d’abord, une partie concerne des accusation­s de vols au sein de son ancien établissem­ent, l’IFPP d’Aurillac où il a exercé durant de nombreuses années et où il était formateur. En 2012, alors qu’il devait dispenser un cours au sein de l’établissem­ent scolaire Notre Dame à Saint-Flour, il est accusé d’avoir dérobé un tampon encreur. Toujours la même année, il est accusé d’avoir volé un tampon encreur dans les locaux de l’IFPP d’Aurillac ainsi que d’un bac en inox. Mais également d’avoir dérobé des documents administra­tifs de l’établissem­ent qui se seraient trouvés dans une armoire.

Sur le tampon encreur de Saint- Flour, il a été retrouvé chez lui. Mais Ethan indique le fait qu’il ne l’a pas volé : « j’étais ce jour- là en mission pour l’IFPP car Notre Dame avait besoin d’un formateur. Puis au cours de la journée, l’IFPP m’a demandé de rentrer tout de suite à Aurillac. J’ai alors demandé un tampon pur remplir des documents, puis dans la précipitat­ion, je suis parti à Aurillac où le tampon était dans mes affaires. Mais je comptais bien y revenir le lendemain. Sauf que le soir même, j’ai appris que j’étais mis à pied. »

En effet, un conflit existe entre lui et son employeur. Le procureur de la république lui demande alors : « qui vous a donné ce tampon au départ ? » Là, Ethan commence à s’emporter : « je ne sais plus, c’était il y a longtemps. C’est une situation difficile, vous savez, j’ai essayé de faire une tentative de suicide… » Une question qui reste donc sans réponses précises. Une situa- tion qui perdure tout au cours de l’audience, où à de nombreuses reprises, la présidente du tribunal et le procureur de la république vont demander à Ethan de répondre aux questions. Et à cette partie du dossier consacré à l’IFPP, il répond même à une question : « l’ancien directeur a laissé un trou dans les comptes. » C’est alors que la présidente l’interrompt pour lui indiquer : « nous ne sommes pas là pour parler des turpitudes de l’établissem­ent. »

Il est aussi accusé d’avoir volé un document administra­tif et un bac en inox. Le gardien de l’établissem­ent indique avoir vu Ethan un soir sortir avec un sac-poubelle rempli aux 2/3 et un bac en inox. Ce dernier prévient sa direction. « Pourquoi vous étiez ici, alors que vous avez été déclaré inapte au travail ? » Ce dernier rétorque : « j’avais l’autorisati­on de l’inspection du travail. Quant au document administra­tif, je m’en servais à titre collectif, étant délégué syndical. » À trois reprises, le procureur de la république lui demande alors : « il n’aurait pas été de bon ton de demander l’autorisati­on au responsabl­e pédagogiqu­e ? » Ethan finit par répondre : « il le savait que j’avais ce document » et de recommence­r à lancer des allégation­s contre la « gestion » de l’établissem­ent. La présidente lui demande, une nouvelle fois, de ne pas divaguer.

Une multitude d’objets qui auraient été dérobés

Puis, l’autre partie de l’affaire concerne ses voisins. En effet, Ethan habite Milly- Crespiat depuis des années. Il est « copain » avec un voisin à lui. Problème, il est accusé de lui avoir dérobé de nombreux objets ainsi qu’à sa mère. Et c’est un doux euphémisme que de mentionner que la liste est longue : motocyclet­te, fusils de collection­s, documents administra­tifs, pendule, des modèles réduits de tracteurs, des maquettes, un pistolet automatiqu­e, une chaise, des meubles de salle de bains, une centaine de bouteilles de vin, une lampe à pétrole, un parapluie, un coffre à bijoux, du fioul domestique, un couteau de 44 cm, un pistolet-mitrailleu­r qui est une arme de catégorie A, un colt 45, des revolvers. Il était également accusé d’avoir fabriqué un faux de contrat de prêt sur gage avec son « copain » , Ernest*.

Après cette longue énumératio­n, la présidente rappelle le contexte : « à cette époque, la maman était en maison de retraite alors que son fils s’est trouvé, durant une large partie de cette période, à l’hôpital d’Aurillac. Il a déposé une main courante car vous vous seriez introduit chez lui. La motocyclet­te a été retrouvée chez vous ainsi que d’autres objets. »

À la barre, Ethan nie les faits et indique au tribunal, en répondant à une question, que des objets en question étaient des cadeaux : « je ne me suis pas rendu compte de son état. Il buvait souvent. » Ce à quoi le procureur de la république lui répond : « c’est bizarre car vous avez déclaré lors de vos auditions qu’il était dans un état psychologi­que délicat. »

Puis, vient l’épisode des fusils où, un jour, Ethan raconte qu’il est menacé par son copain. « Je l’ai désarmé, il avait bu. Puis, je me suis rendu compte qu’il avait un arsenal chez lui. J’ai été choqué, je ne savais pas quoi faire. Suivant les conseils d’une connaissan­ce, j’ai décidé de les porter à la gendarmeri­e en tout bon citoyen. » Mais certaines armes sont retrouvées à son domicile et Ernest stipule qu’elles lui appartienn­ent.

Enfin, un contrat de prêt sur gage est établi entre les deux hommes. Ernest dit que c’est un faux. Ethan est soupçonné d’avoir fait un faux contrat en imitant la signature de son acolyte. Un contrat établi en août 2012 à….. 23 heures. Là encore, Ethan nie les faits. Un expert graphologi­que est alors mandaté mais ce dernier stipule le fait qu’il est impossible de savoir si la signature a été imitée. Ce contrat portait sur une somme de 3000 euros qu’Ethan prêterait à son copain avec en contrepart­ie, notamment, une parcelle de terrain.

Nouvelle tentative du procureur et de l’avocate de la mère d’Ernest : « à partir de quand vous vous êtes rendu compte qu’il avait des capacités altérées » . Sur conseil de son avocat, il ne répond pas à la question. Il interpelle le procureur par son nom de famille : « ici, c’est Monsieur le procureur de la république » lui rétorque-t-il. Une pièce est alors versée à la procédure : un certificat médical qui indique le fait qu’Ethan a des troubles de la concentrat­ion et des pertes de mémoire.

Une audience qui donne le vertige

Pour l’avocate de la mère âgée de 86 ans, cette audience : « donne le vertige face à cet homme qui répond toujours à côté des questions. Il s’est introduit chez elle. Et puis, sur ce fameux contrat, il apparaît la motocyclet­te en question. Contracté en 2012, il devenait caduc en janvier 2014, c’est pour cette raison qu’il l’a volée. »

Pour sa part, le procureur de la république explique : « aujourd’hui, il se pose en victime. Il est dans le déni le plus absolu. Mais il y a un contexte à mentionner. À la barre, il a fait le choix de répondre à côté ou de ne pas répondre du tout. Cela se passe mal avec un grand nombre de voisins. Puis, sur les faits : pour le faux et usage de faux, c’est lui qui a signé. Il a même rajouté la mention des 12 bouteilles de vin alors que son ami est alcoolique. Ce n’est pas la signature de son ami. Sur la motocyclet­te, il ose tout. Il prétend que c’est à la mère de prouver que c’est elle la propriétai­re de l’engin. Lors de la perquisiti­on, elle a été retrouvée dans son salon, c’est la première fois que je vois cela. Sur les armes, il frôle l’exploit. Il prétend qu’il a agi en bon citoyen et en défenseur de la république. Mais son ami a reconnu que deux armes lui appartenai­ent. Sur les objets dérobés, on en a retrouvé un certain nombre chez lui. Lors de son audition de 2014, il dit que son ami était vulnérable. Et à la barre, aujourd’hui, il nous dit qu’il aurait dû s’en rendre compte. Sur le vol de tampon encreur de l’IFPP, il parle que la secrétaire lui a remis dans les années 90, puis aujourd’hui, il raconte que c’est en 2009… Mais je n’ai pas de date précise, donc sur ce point, je demande une relaxe. Quant au document administra­tif, nul n’est censé ignorer la loi et comme ce document n’est pas à lui, il aurait dû le remettre à son destinatai­re. » Le procureur a demandé une peine de six mois de prison avec sursis, mise à l’épreuve durant

« Mais de qui se moque-t-on : il n’y a rien dans ce dossier »

Pour sa part, l’avocat d’Ethan a plaidé une relaxe. « Il est décrit comme une personne épouvantab­le, mais il n’y a rien dans son dossier et le réquisitoi­re du procureur est d’une extrême fadeur. Le frère d’Ernest évoque le fait que ce dernier aurait déjà simulé des cambriolag­es chez lui. On parle de vol avec effraction, mais il n’y a aucune trace. Les maquettes en question ont été retrouvées chez sa mère. Sur la pendule, dans un premier temps, il ne la reconnaît pas sur les photos, puis dit que c’est à lui. Mais de qui se moque-t-on ? »

Avant de poursuivre : « dans ce contrat, mon client qui est en instance de divorce au moment des faits, souhaite rester dans le coin. Il fait ce contrat avec son ami où il est mentionné que mon client lui prêtera 3000 euros, comme il n’a pas de sous, et de son côté, il lui cédera une parcelle de terrain à 40 euros le m2. Puis, à la main, il est rajouté certaines mentions : des bouteilles de vin et surtout le fait que la mère d’Ernest ne devait pas être au courant, sinon cela aurait chauffé. Cela montre qu’ils ont participé tous les deux à la rédaction de ce document. Et le rapport graphologi­que indique le fait qu’il est impossible de dire que la signature a été imitée. Sur les armes, il a fait le choix de les donner à la gendarmeri­e plutôt que de laisser ces armes dangereuse­s chez son ami. Sur le tampon de Saint-Flour, il a expliqué le contexte : il l’a pris dans la précipitat­ion, mais il n’avait pas l’intention de le voler. Sur celui de l’IFPP, l’établissem­ent est moderne, il n’a plus ce type de tampon, ce sont désormais des tampons auto encreur. Puis, on dit qu’un soir, mon client avait un sac-poubelle rempli aux 2/3. Mais de quoi était-il rempli, on ne le sait pas. Des lingots peut- être… Quant au document administra­tif, c’était une photocopie. S’il l’avait volé, on aurait alors retrouvé l’original. »

L’affaire a été mise en délibéré au 11 mai.

« On vous demande de répondre clairement aux questions »

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