Candidats funambules ?
Les funambules médusent le public médusé par leurs prestations risquées au-dessus du vide. Ils jouent finement du balancier pour tenir l’équilibre. Les pieds ajustés avec précaution sur le câble tendu au plus court entre point de départ et point d’arrivée, ils progressent lentement, s’arrêtant parfois pour reprendre une stabilité un moment hésitante. L’ayant retrouvée, ils poursuivent leur prudente avancée vers la délivrance d’une arrivée sur la terre ferme. La sagesse leur impose l’assurance d’un baudrier relié à un anneau glissant sur le filin qui les supporte. S’ils tombaient, ils pendouilleraient au bout d’une corde, marris par l’échec, mais vivants et capables, forts de l’expérience, de retenter plus tard l’exploit !
Serait- ce une allégorie du spectacle présenté sous nos yeux et qui nous implique par nos votes ? Des hommes sur le fil d’une aventure politique, perturbés par des vents favorables ou contraires venus de droite, de gauche, soufflant en continu ou en bourrasques, au gré de météos facétieuses. Des balanciers aux mains lestées de contrepoids instables… Voilà nos candidats-funambules ! Avec de fermes convictions proclamées sans ambages d’arriver en tête des scrutins populaires, ils se sont évertués à répondre aux espoirs contrastés d’électeurs attentifs et critiques, soucieux et si souvent perplexes…
Ils étaient donc plusieurs. Ils passèrent d’abord des concours préalables pour limiter le nombre des prétendants au poste. Malgré les résultats, il fallut déchanter car les hérauts élus parurent sous un jour qu’on ne soupçonnait pas, nantis de casseroles qui les rendaient d’un coup assez peu fréquentable, ou lâchés par des potes qui prévus en soutiens leur tournaient tout à coup sans complexe le dos. Pas facile dès lors de partir sur le fil avec du coeur au ventre. Dédaignant les castings prévus par les primaires, d’autres se sont lancés tout seuls dans l’aventure. D’aucuns partaient perdants. Le balancier trop lourd, le câble effiloché par trop d’irréalisme ou par un composant des problèmes du jour érigé en principe, leur laissaient peu de chance. Pourtant ils y croyaient, expliquaient avec foi pourquoi voter pour eux et les accompagner jusqu’au terme, où brillaient des promesses illusoires ou même pour certains jugées très dangereuses. Courageux ? Téméraires ? Au final ils manquaient de supports, d’appuis… et de voix pour parvenir au but. Dimanche dernier, le verdict est tombé. Deux d’entre eux restent en piste jusqu’au dernier acte où le référendum les départagera.
Mais sous les apparences de programmes affichés, de partis qui s’effritent, de joutes oratoires, ces hommes en équilibre tenaient des balanciers lestés de poids contraires mais de grande importance, celui du bien commun et celui des personnes. Les prétendants à la fonction suprême trouvent ici fort à faire car l’équilibre entre ces masses, à première vue antagonistes, s’avère depuis des lunes toujours des plus précaires. Pour le réaliser, il faut associer l’économie avec l’écologique, le souci effectif des plus démunis et le soutien des plus travailleurs, des plus innovateurs, la gestion des flux migratoires et un accueil humain des étrangers, la liberté de conscience et le plus que jamais sérieux problème de la sécurité… La stabilité, provisoire, entre ces questions majeures fait du câble porteur le symbole d’un sens qui montre dans l’espace la direction d’un but. La perte de ce sens condamne au surplace de la trop courte vue de gestions immédiates. Le mouvement s’arrête. Par manque de visée profondément humaine, la confiance se perd, la déception grandit, suit la dégringolade et la relégation aux placards politiques.
Les citoyens se doivent aujourd’hui de choisir… Ils portent le regard sur les deux funambules qui jouent du balancier avec dextérité. Ils lancent aux spectateurs séduits ou attentistes des propos d’espérance : Regardez je tiens bon ! Mon autre concurrent va se casser la gueule ! D’ailleurs je suis devant… Nous arrivons enfin ! Et le peuple prudent, conscient que son destin s’engage dans l’affaire, veut bien faire confiance mais avec des questions : Où donc mène le fil qui sous-tend votre marche ? Quel est le sens de l’homme qui noue votre programme ?