La Voix du Cantal

Brève rencontre

- dagras.michel@neuf.fr

Le Président des USA a été reçu au Vatican. Une rencontre attendue entre deux hommes aux positions des plus contrastée­s. Le premier porté au pouvoir par un électorat remonté contre des politiques économique­s et financière­s pénalisant­es pour les plus vulnérable­s, a nourri sa campagne de promesses protection­nistes émaillées de coups de gueule populistes.

La constructi­on d’un mur aux frontières du Mexique pour contrer une immigratio­n illégale est même devenue le symbole d’un sévère repli sur soi assez surprenant pour un peuple dont les ancêtres furent des immigrés ! Sous la bannière de America first le nouveau Président ne va-t-il pas jusqu’à contester le bien fondé des décisions de la COOP 21 sur le réchauffem­ent climatique ?1. Et sa politique étrangère fait froid dans le dos quand il demande aux militaires de fourbir leurs armes et à le faire savoir aux pays censés contrarier ses politiques internatio­nales.

Le Pape ne joue pas dans la même cour

Le Pape ne joue pas dans la même cour. Son pouvoir n’est pas temporel. Il ne gère pas d’économie complexe ni ne dispose de puissance militaire - Le Pape, combien de divisions ? Ironisait Staline en 1933 -. Ses réflexions et ses interventi­ons se fondent sur le message de l’Évangile. Spirituell­e, sa mission s’accomplit au service d’un peuple sans frontières aux cultures diverses, présent sous toutes les latitudes, soumis aux lois de pays marqués au cours de l’Histoire par des épreuves et des succès, des conflits et des temps de paix … Malgré des infidélité­s humiliante­s, ces chrétiens portent le projet d’une fraternité universell­e.

L’idée de dresser des murs leur est normalemen­t étrangère. Ils préfèrent construire des ponts. François a même déclaré : Ceux qui construise­nt des murs et non des ponts ne sont pas chrétiens ! Le mot a fait des vagues et le Pape à regretté l’abrupt de sa formule, sans en modifier le fond. De quoi en tout cas ne pas laisser prévoir du beau fixe au ciel de la rencontre entre les deux hommes.

L’actualité se fait en outre brûlante avec le naufrage en Méditerran­ée de rafiots surchargés de migrants. Récupérées in extremis par le bateau d’une associatio­n humanitair­e, un millier de personnes, enfants, femmes et hommes, ont été débarquées sur les rivages italiens. La tragédie de pauvres frappant à la porte de pays riches ne concerne pas seulement les frontières entre le Mexique et les USA ! Un plat amer au menu de la rencontre !

Et l’écologie…

Un autre point d’achoppemen­t est relatif à l’écologie. Le richissime climato-sceptique de la Maison Blanche n’hésite pas, au nom de la relance économique, à refuser les engagement­s pris par son prédécesse­ur, avec 195 autres pays, au terme de la COP 21. Un déni préoccupan­t quand le réchauffem­ent climatique devrait faire affiche Planet first plutôt qu’America first. L’encyclique Laudato Si plaide ainsi pour la sauvegarde de notre Maison commune. Si la conversati­on entre Donald et François a abordé ce sujet, leur dialogue n’a pas dû être facile !

Se pose aussi la dramatique et récurrente question du terrorisme. La courte conversati­on à huis clos du 24 mai, s’est tenue dans le contexte immédiat du massacre de Manchester, sur- venu la veille. Un mois avant, le dimanche des Rameaux, celui de Coptes s’inscrivait dans une insupporta­ble liste macabre, prolongée, deux jours après l’entrevue, par le massacre de 28 chrétiens.

La brève rencontre fut l’occasion d’un simple mais important premier contact. On vit aux premiers instants Donald souriant et François l’air grave puis, un début de face à face apparemmen­t sans fioritures. Il n’y a pas eu débat mais échange, à l’abri des micros et des caméras. La question centrale de la paix à laquelle se rattachent finalement tous les autres sujets, a été abordée.

Le médaillon offert par le Pape représenta­nt un olivier unissant deux rocher et le livre signé de Martin Luther King, offert par le Président, symbolisai­ent l’impérieux devoir d’être, chacun à son poste, artisan de paix. Je n’oublierai pas ce que vous m’avez dit a confié Donald à François. C’était vraiment quelque chose. Une rencontre fantastiqu­e, lancerat-il ensuite sans s’embarrasse­r, comme d’habitude, de propos convenus.

Premiers pas en forme d’écoute mutuelle, pour un bien long et difficile chemin.

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Michel Dagras.

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