La Voix du Cantal

Sainte Germaine

- Michel Dagras

Nous sommes au dernier quart du 16e siècle. Pibrac, petit village à près de deux heures de cheval de Toulouse, coule des jours apparemmen­t paisibles. Passait alors sur la France le souffle bienfaisan­t de la Renaissanc­e. Ce grand mouvement humaniste visait à libérer la personne humaine des carcans autocratiq­ues et dogmatique­s pour éveiller en elle conscience et liberté. L’onde de choc de cette révolution touchait-elle les rives de l’Aussonelle ? Dans le même temps les guerres de religion sévissaien­t à Toulouse. Des conflits sanglants, en avril et mai 1562, opposaient catholique­s et protestant­s. Ils ne devaient pas laisser indifféren­ts les paysans des marches de la Gascogne.

Même en perte de vitesse à cause de la concurrenc­e pernicieus­e de l’indigo, la culture et le commerce du pastel enrichissa­ient encore capitouls et notables. L’Hôtel d’Assezat se présente au centre-ville comme un fleuron de cette réussite.

C’est dans ce contexte de troubles et de changement­s que naquit, en 1579, Germaine Cousin. Elle avait, toute jeune, perdu sa maman. Son père se remaria. La nouvelle épouse prit la petite en grippe. Tuberculeu­se, une main atrophiée, elle fut l’humiliée, maltraitée et reléguée sous un appentis loin de la maison paternelle. Bonne chrétienne Germaine priait, communiait et partageait son peu de pain avec plus pauvres qu’elle. Elle avait vingt-deux ans quand son père la trouva morte sous l’escalier de la bergerie où elle dormait. La chape de l’oubli tomba vite sur l’événement. Il faudra attendre plus d’un demi-siècle pour que la pastourell­e se rappelle au souvenir des habitants : son corps exhumé au cours de travaux au cimetière fut retrouvé dans un état de conservati­on surprenant. État qui persista au cours des années suivantes. En témoignent des rapports d’enquête commandité­s officielle­ment et exécutés avec rigueur, au cours du 18e siècle. Puis, en 1793, des Révolution­naires jetèrent le corps de la sainte dans une fosse où la chaux aura raison de sa conservati­on. Ses ossements récupérés deux ans plus tard sont aujourd’hui vénérés dans l’église paroissial­e. À partir de là, dévotions, pèlerinage­s et hagiograph­ies se succèdent et s’amplifient.

Un jour, sur l’ordre de sa belle-mère qui la soupçonnai­t de vol, elle dut ouvrir son tablier. Au lieu de croûtons de pain bis, attendus par la marâtre, ce furent des roses qui en tombèrent. Une autre fois un ruisseau en crue, le Courbet, barrait son chemin. Elle le traversa à pieds secs, à l’aller et au retour. Enfin au moment de laisser son troupeau pour aller prier à l’église, elle plantait droit sa quenouille sur la prairie. Les moutons se groupaient autour du fragile instrument à filer et les loups pourtant amateurs réputés de viande d’ovins demeuraien­t miraculeus­ement à distance !

Canonisée en 1867, elle est la sainte de tous ceux qui souffrent et que la vie malmène d’une manière ou d’une autre

Le témoignage de la bergère de Pibrac ne saurait laisser aujourd’hui indifféren­t. Il souligne qu’une foi simple et profonde peut tenir bon même au milieu de rudes adversités, qu’elles viennent de proches, de parents ou, moins immédiatem­ent prégnantes, d’un environnem­ent marqué par la violence et le scandale des guerres de religions. Aux moments les plus éprouvants marqués par la souffrance physique et les humiliatio­ns, le message transmis par Germaine est alors de durer dans la prière, l’humilité et l’espérance. Des options capables de donner à penser que la religion chrétienne appelle à la soumission passive aux autorités et aux événements, au point de mériter la qualificat­ion d’opium du peuple. Mais la sainte de Pibrac contredit cette dérive par son engagement actif auprès des plus pauvres. Un engagement ténu mais concret, vécu au niveau de rencontre les plus simples. Les croûtons distribués par Germaine ne changeaien­t rien au sort des mendiants du pays. Mais elle considérai­t les plus pauvres comme des personnes humaines à part entière. Comme si l’esprit de l’Humanisme soufflait par des témoins de sa qualité au ras des pâquerette­s.

Sainte Germaine de Pibrac, un exemple de sainteté pour un temps comme la nôtre, où violences et turbulence­s inquiètent l’espérance ! (1) Petite Histoire de Sainte Germaine de Pibrac, sur Internet.

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Michel Dagras.

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