Le salers tradition des Salat : un véritable joyau
Le Gaec Salat, à Cussac, est l’un des six fabricants du salers tradition, un fromage issu du lait des vaches salers, fabriqué à la ferme entre avril et novembre. Les Salat ont acquis une véritable renommée et exportent leurs tommes à l’international.
« Vous auriez dû aller Guy Chambon, il trait ses vaches au buron ! » Charlotte Salat, 30 ans, est l’une des quatre membres du Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) Salat, à Cussac. La jeune femme commence à être habituée des médias (voir ci-contre) mais elle n’oublie jamais de mettre en valeur ses pairs. « Vous devriez aussi parler du Gaec Cambon, qui fabrique le fromage l’Acajou ! Le fils
a une vingtaine d’années » . Entrée dans le métier il y a dix ans, Charlotte travaille avec son père Michel, son oncle Jean et un quatrième employé, PierreEmile Gardille. Leur ferme fait partie des six qui fabriquent l’AOP Salers tradition. Si certains d’entre eux sont peu enclins à recevoir des visiteurs, ce n’est pas le cas de Charlotte Salat :
« Je ne sais pas dire non ! » , soupire-t-elle.
L’instinct maternel
Réalisé exclusivement entre le 15 avril et le 15 novembre, le Salers tradition nécessite des conditions de fabrication particulière. Pour les quatre associés, une journée type de travail débute généralement à 5 h,
avec la traite des vaches. « Le week-end et les jours fériés, on fait la grasse matinée : on
ne commence qu’à 6 h » , sourit Charlotte Salat. Une centaine des 180 vaches du troupeau, exclusivement nourries au pré, ont vêlé depuis le mois de janvier. Ce sont elles qui donnent le lait du futur fromage. À une seule condition : que leur veau soit attaché près d’elle. « La vache ne donnera pas une goutte si son
veau n’est pas à côté » , précise Charlotte. Le jeune animal, qui connaît exactement l’endroit où sa mère est attachée pendant la traite, rapplique dès que l’éleveur crie le nom de sa génitrice.
« C’est lui qui amorce la traite, ajoute Charlotte. On branche ensuite la machine. À la fin de la traite, la vache a gardé environ 30 % de son lait pour le veau, qui peut donc reprendre sa tétée » .
L’importance de la gerle en bois
Les machines à traire sont reliées à un système de tuyaux, qui envoie directement le lait dans une gerle en bois. Cette dernière est une des caractéristiques de l’AOP Salers tradition. « Certains technocrates ont bien essayé d’imposer une réglementation avec une cuve en inox, se souvient Michel, le père. Mais ils se sont ensuite aperçus que le goût n’était
pas le même. » Après deux heures de travail à l’étable, la gerle est transportée vers l’atelier de fromagerie, à quelques centaines de mètres de là. Michel Salat introduit quelques millilitres de présure dans le lait. Une heure sera nécessaire pour qu’il caille.
Mais l’éleveur n’a pas de temps à perdre : il faut s’occuper du fromage de la veille. La tomme fraîche est découpée et pesée. L’agriculteur en broie 46 kg, avant d’ajouter du sel pour conserver le fromage et lui assurer une bonne tenue. La pâte est alors enveloppée dans de la toile puis pressée dans des moules. Chaque jour, la toile est changée, le fromage retourné. « Si on ne le fait pas, le sel ne se répartira pas comme il faut » , indique Michel Salat. Au bout de quelques jours, la tomme est envoyée à la cave, où elle s’affinera pendant au moins trois mois.
L’évolution des traditions
Lorsque le lait est caillé, Michel Salat brise le caillé. « Dans le temps, on faisait le signe de
la croix avant cette étape » , raconte-t-il. Pas avare d’anecdotes et accoutumé à recevoir des visiteurs, l’homme apprécie
toutefois la tranquillité. « Quand on travaille ici, il faut jeter la
montre » , confie-t-il, tout en agglutinant les petits morceaux de caillé à l’aide d’une planche en plastique. Une fois l’opération terminée, le petit-lait est aspiré et envoyé à la fosse. Il ne reste qu’une quarantaine de kilos de caillé, sur presque 400 litres de lait au départ. « Avant, ma mère le récupérait et l’écrémait pour en faire du beurre. Elle allait ensuite le vendre à Saint-Flour. Cela lui payait les courses de la semaine. Le reste du petit-lait était donné aux cochons, mais nous n’en avons plus » , regrette Michel Salat.
Le caillé agglutiné est à son tour enveloppé dans de la toile, puis pressé pour extraire les derniers litres de petit-lait. La tomme fraîche séchera jusqu’au lendemain. Puis le cycle continue : broyage, salage, moulage, pressage. La vaillance à toute épreuve du Gaec est récompensée, chaque année, par la vente d’environ 300 pièces d’une quarantaine de kilos. En attendant, il est presque midi : l’heure pour les Salat de se restaurer… avant la prochaine traite de 15 h.
« Quand on travaille ici, il faut jeter la montre »