La Voix du Cantal

Un rêve passe

- Michel Dagras

Les voyez-vous les dragons, les hussards, la garde… La musique du chant martial intitulé Le rêve passe (1), conviendra­it bien en fond sonore pour le défilé du 14 juillet. Il y aurait simplement à remplacer les soldats de l’An II et de l’Empire par les paras, la Légion, les chars et autres unités armées pour des guerres modernes.

Les plus cocardiers s’enthousias­ment à la vue de ces soldats aux uniformes impeccable­s, rassemblés au cordeau, drapeaux portés haut, descendant au pas cadencé les Champs Élysées. Ils symbolisen­t la discipline collective, l’esprit de corps, les traditions militaires… avec tout de même un cruel envers du décor, celui des engagement­s sur le terrain où la boue et la poussière, la peur et le courage, les blessés et les morts, les destructio­ns sans nombre présentent un tout autre spectacle. Des Anciens combattant­s interprète­nt alors à bon droit les vivats populaires au passage des troupes comme une reconnaiss­ance des sacrifices des frères d’arme, tombés au combat.

Mais la gloire célébrée le 14 juillet n’est pas seulement celle des armes. D’autres unités, d’autres courages, pacifiques par nature, reçoivent aussi l’hommage de la foule. Les Pompiers, la Sécurité routière, les services de Santé et autres organismes dévolus eux aussi au service de la Nation, défilent sous les applaudiss­ements. Extension bienvenue dans la mesure où elle présente une sorte de contrepoid­s moral à l’impression­nant déploiemen­t de forces armées, mais aussi parce qu’elle manifeste au grand jour l’objectif profond de cet ensemble d’hommes et de femmes unis dans une même marche, celle du service du pays. Et sans angélisme ! Le recours aux armes, réfléchi, proportion- né, s’impose en effet quand tous les autres moyens de lutte contre les injustices et les violences ont été épuisés. Et la présence dans le défilé de Services non armés manifeste que construire un vivre ensemble pacifique exige l’ouverture des chantiers spécifique­s et des formations appropriée­s pour les conduire. Le Rêve passe aurait alors à changer désormais de musique et de paroles. On y chanterait un défilé où une École d’Artisans de Paix accompagne­rait celles de Saint-Cyr, de Navale ou de l’Air. Une École aux formations nourries d’imaginatio­n créatrice, de sens de la justice, de respect des personnes fussent-elles ennemies avec des stratégies où la fermeté n’exclue pas l’écoute et de dialogue, la médiation et le compromis… autant de composante­s que ne récusent d’ailleurs pas des programmes d’écoles militaires.

Au début du 19° siècle, Le Rêve passe chantait celui d’un enfant humilié par la perte de l’Alsace-Lorraine. Les rêves de victoire sont aujourd’hui de toute autre nature. Ils lancent des défis considérab­les, nationaux, internatio­naux, et environnem­entaux. Pas la peine d’aller bien loin pour découvrir chez nous ces champs de bataille humanitair­es traversés d’immigrés, de chômeurs et autres laissés pour compte soumis aux cauchemars de la précarité et de l’insécurité. Sans compter le combat grandiose à mener contre le réchauffem­ent climatique et les dégradatio­ns qu’il provoque sur la Nature et sur les hommes. Le rêve devient intense avec, ce 14 juillet la présence dans la tribune officielle de notre Président de la République et de celui des États-Unis, un climatosce­ptique, déserteur du G 20 et capable d’entraîner d’autre pays dans son aberrance.

Ils saluent tous l’Empereur qui les regarde… concluait le rêve revanchard en évoquant la diversité des armes réunies sous l’autorité conquérant­e de Napoléon. Aujourd’hui têtes hautes, mentons levés, les saluts militaires auraient à rappeler aux Présidents, avec une foi comparable, les défis actuels sur l’avenir de la planète et des équilibres politiques et commerciau­x attendus par leurs peuples respectifs ?

En 1917 le débarqueme­nt des sammies à Boulogne-sur-Mer a pu raviver le souvenir de Lafayette et de son action courageuse pour l’indépendan­ce et la liberté. Des valeurs sans frontières capables de mobiliser des hommes par-delà de leurs différence­s parfois très accusées. Ne serait-ce qu’un rêve ? Il appartient à certains des rêves les plus fous de devenir un jour réalité !

(1) Début du 19° siècle dans un contexte de revanche après la défaite de 1870

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Michel Dagras.

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