La Voix du Cantal

« Continuer de bouleverse­r et bousculer la ville »

Directeur artistique du Festival, Jean-Marie Songy a accordé à la rédaction une entrevue pour décortique­r cette édition 69. Au menu : programmat­ion, sens caché et avenir du festival.

- A.C-R

Après une 30ème bis haute en couleurs, qui aura marqué les esprits, le Festival du théâtre de rue revient avec une édition plus sensuelle, placée sous le signe de l’amour et du rapport au corps. La Voix du Cantal : Pour cette édition, nous retrouvons notre personnage emblématiq­ue en équilibre sur une chaîne, pour quelle raison ?

Jean-Marie Songy : D’un côté, il y a cette informatio­n sous-entendue que le personnage réalise une traversée urbaine. Les chaînes évoquent celle que l’on peut voir dans la rue. Il vient d’ailleurs et on ne sait pas où il va. Il évoque cette notion d’équilibre, que nous maintenons depuis plus de 30 ans maintenant (au sein de l’organisati­on du festival), qui bouleverse et bouscule la ville, l’espace et la morale. Cette notion fait écho à la « confrontat­ion » entre les locaux et cette transhuman­ce d’artistes sur les quatre jours du festival, qui amène à une cohabitati­on. L’affiche est aussi une façon de continuer ma poésie d’organisate­ur (rire). Après la 30ème bis, nous voilà à la 69, pourquoi cette référence ?

Tout simplement car cette édition est sous le signe de la sensualité et du corps, à l’inverse de la violence et du climat pessimiste ambiant. Je souhaitais mettre de côté tout ce brouhaha médiatique. L’édition 69 a pour but de faire passer le message sur cet équilibre, entre le monde artistique, qui repousse les limites édition après édition et la vie urbaine. En somme, une édition qui invite à faire l’amour, pas la guerre. Parlez-nous de la programmat­ion de cette année.

De nombreux spectacles vont faire allusion au rapport avec notre corps et à notre perception de certains codes. La compagnie Thé à la rue, s’est par exemple imposée d’elle-même avec son spectacle qui conduit à une réappropri­ation de son corps. Ilotopie, où les artistes vont se faire « manger » par le public, un cannibalis­me responsabl­e, va en surprendre plus d’un.

Comme à l’accoutumée, nous essayons de raccorder la programmat­ion avec l’actualité. C’est le cas avec Pudding Théâtre, qui propose une perfor- mance sur le problème des flux migratoire­s. Un des principaux objectifs est aussi de continuer un travail de prise de conscience, comme avec le Teatro Del Silencio. Il y aura aussi des thématique­s plus dures, comme avec Les arts Oseurs, qui reviennent sur une période dure de la se- conde guerre mondiale.

Enfin il ne faut pas oublier la notion de vertige et se faire un peu peur, comme avec le Cirque inextremis­te. 30bis, 69, chaque édition aura désormais une thématique forte et identifiée ?

Je ne sais pas encore. C’était difficile de faire la « 32 » suite à la 30bis. Pour nous, c’est une façon de différenci­er les éditions. C’est aussi une manière, surtout pour cette année avec « 69 », de réagir aux événements de 2016 qui ont excité beaucoup de monde. L’idée est de sortir d’un format classique et de sau- ter sur l’occasion quand elle se présente. Cela ne veut pas dire pour autant que chaque édition sera mise en lumière comme nous venons de le faire ces deux dernières années. Comment voyez-vous le théâtre de rue dans les années, décennies, à venir ?

À mon avis, il faudra revoir la notion de théâtre de rue dans l’espace public. Ces derniers sont de plus en plus durs à gérer. L’organisati­on devra s’adapter. Les gens ont toutefois besoin de ce genre d’événement, pour se retrouver, partager et échanger avec une communauté qui rassemble toutes les strates sociales. Les artistes changent eux aussi. De plus en plus de compagnies vont à la rencontre des habitants, dans leurs quartiers, pour écrire et produire des pièces plus intimistes.

« Mettre de côté le brouhaha médiatique »

Il faut également poursuivre et maintenir le trans communauta­risme. Pendant quatre jours, tout le monde est dans la rue, que l’on soit ouvrier ou patron. L’un des défis à venir est aussi de travailler sur le ressenti et faire en sorte que les gens se sentent bien. Je ne revendique pas une solution miracle, mais le dialogue est en place pour préparer au mieux les futures éditions. On a beaucoup parlé de sécurité ces derniers mois. Quelle est votre opinion sur le sujet ?

Il y a un besoin de sûreté, c’est évident. Je n’en suis pas responsabl­e mais la coopératio­n avec les services de l’État se passe bien. Certains dispositif­s sont toutefois anxiogènes et déprimants, de mon point de vue. Avec mon équipe, nous essayons avant tout de réduire les différence­s sociales et les frottement­s entre les personnes, réduire les fractures. Le théâtre de rue est un lieu de partage. Nous ne sommes pas là pour créer de la tension, mais pour l’endiguer. Merci à vous pour ces éclairciss­ements. Bon festival !

Merci, à bientôt dans la rue.

« Réduire les différence­s sociales »

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