L’illusion du vide
Les vacances donnent l’occasion, si on le souhaite, de faire le vide. Un délestage bénéfique des préoccupations et des soucis qui finissent par fatiguer les corps, encombrer les esprits, perturber les relations. Judicieux mais le vide existe- t- il vraiment ? La nature est réputée en avoir horreur. Même le vide sidéral fourmille d’ondes et de particules. A la prétention d’un vide absolu correspond l’illusion du néant !
Faire le vide dans sa tête lui laisse un plein de matière grise, support de souvenirs et de pensées provisoirement tenus en veilleuse. Comme le sont les préoccupations et les soucis laissés à la porte des vacances. Vouloir par ailleurs alléger son coeur de ce qui l’encombre ou le meurtrit ferait-il oublier les relations qui l’ont fait battre ? Quand même y parviendrait-on d’autres projets, questions, attentes occupent vite la place.
Vider son sac le remplit du contentement d’avoir pu le faire, vider les lieux leur conserve ceux qui l’occupent, des meubles une atmosphère … Certes des philosophies, en particulier orientales, considèrent que la vacuité définit la nature profonde de toute réalité. Le vide est alors considéré comme une perfection à atteindre à force de méditation et de travail sur soi. Avancer sur ce chemin proposé comme libérateur, permet parfois de parvenir à une impassibilité étonnante. Témoin celle de ce bonze vietnamien qui s’immolant par le feu demeura immobile, mains jointes, pendant toute sa crémation. Quand on sait la douleur que provoque la moindre brûlure, cet être-zen exceptionnel laisse pantois !
Dans les conditions habituelles de nos existences communes évoquer le vide est au fond disproportionné. Comme dans le cas de la bouteille de vin à moitié vide ou à moitié pleine, classique pour distinguer optimistes et pessimistes. Dans la moitié vide flottent quelques vapeurs et effluves alcoolisées émises par la partie pleine.
Alors, si le vide absolu est un leurre, dans la nature et dans les expériences humaines, par quel contenu de remplacement l’occuper quand nous désirons le faire ?
La comparaison de l’estomac vide est ici intéressante. Elle présente en effet le refus de calmer la faim en ingérant n’importe quoi mais aussi l’impérieux besoin de manger une nourriture saine. De quelles nourritures bénéfiques avons- nous donc besoin pendant les vacances pour remplacer celles qui sont vécues comme trop lourdes à digérer ?
De bons nutriments correspondent à l’évidence à la détente et au repos. Menu de base pour se refaire une santé ! Il passe le plat du temps libre, délesté par lâcher prise des activités coutumières pour se remplir de farniente, de promenades, de baignades, d’activités sportives … On peut aussi mener une opération vide grenier - en l’occurrence sans objectif commercial ! - pour se débarrasser de préjugés et d’idées toutes faites. L’esprit ainsi libéré devient réceptif à l’acquisition de connaissances avérées et aux réflexions pertinentes. Grâce par exemple à la lecture d’ouvrages, d’articles, de documents délaissés jusqu’alors faute de temps.
Enfin d’autres vides peuvent encore se présenter à des profondeurs troublantes habituellement ignorées. Là où s’ouvrent les espaces des suprêmes « pourquoi ? ». Tenus sous le boisseau de certitudes philosophiques, religieuses, politiques dogmatisées au point de prétendre avoir réponse à tout, ces questions vitales demeurent souvent cachées. Appréhension du vertige devant des terres inconnues ? Pourtant l’invitation à libérer l’intelligence des éteignoirs qui voudraient la limiter aux champs de connaissances rationnelles est bien là.. Difficile en effet, sauf pétition de principe, de décréter qu’au-delà de leurs frontières il n’y aurait que vide.
Difficile tout autant de se débarrasser du réflexe d’y projeter des représentations sécurisantes mais fallacieuses. Et si la vie et l’amour considérés dans leurs sources profondes, proposaient ici quelque éclairage pour qui consent à s’aventurer dans ces territoires sans frontières ? Vie et amour fédèrent des valeurs d’écoute et de dialogue, de partage, de don et de pardon, de confiance mutuelle qui plongent leurs racines au-delà du sensible, du mesurable, de l’explicable. Invitation paisible à avancer en eaux profondes !