Accompagnements réciproques
Des immigrés passent nos frontières. Accueils mitigés ! Surtout quand la hantise des attentats pousse l’opinion à croire que des islamistes se cachent dans leurs rangs. Mais la plupart de ces exilés fuient justement les sévices et les atrocités d’extrémistes à combattre partout avec la plus grande détermination. !
Pour obtenir des papiers ces étrangers sont contraints à de longues démarches. En bout de parcours certains obtiennent les précieux documents qui leur permettent de demeurer légalement sur notre sol. D’autres continuent d’affronter des maquis administratifs et lorsque les raisons de leur exode reposent sur des faits insuffisamment avérés, ils finissent déboutés du droit d’asile. S’ils le peuvent, grâce à l’appui d’éléments nouveaux, ils engagent des recours aléatoires. En cas d’échec ils reçoivent l’ordre de quitter le territoire (OQTF). Et la hantise du retour pousse certains à rester, clandestins, sans pouvoir se loger ni travailler, sauf au noir. On imagine les problèmes économiques et sociaux posés par ces arrivées mal anticipées et difficiles à gérer. Pourtant, même agrandi et déformé par des lorgnettes médiatiques défavorables, un problème profondément humain demeure : des personnes et des familles échouent chez nous après avoir subi chez eux pis que pendre. Le contact direct avec ces étrangers, comme d’ailleurs avec d’autres démunis moins exotiques mais tout aussi marginalisés, ne saurait laisser indifférent. Il questionne jusqu’à nos réflexes de leur donner un coup de main ;.
Tout commence par l’émotion éprouvée devant des personnes durement éprouvées. Émotion vite accompagnée du sentiment d’être désorientés et dépassés. Parce que les événements précis qui ont poussé ces étrangers hors de chez eux restent dans le flou. La guerre et la misère demeurent certes des raisons objectives. Mais des récits préfabriqués camouflent parfois la réalité de drames familiaux, voire de menaces venues de réseaux mafieux. Un sens de la vérité différent du nôtre complique encore les choses ! N’empêche ces pauvres sont là, sous nos yeux, dans la détresse. Il importe donc de se bouger, de franchir des fossés culturels, sociaux, psychologiques, creusés profond entre globalement nantis et immédiatement indigents. Proposer un service, n’est pas non plus facile, ni toujours bien perçu, sauf à consentir de part et d’autre à une relation assistant-assisté. Relation compréhensible quand l’urgence impose aides et secours immédiats. Mais type de rapport à terme délétère car il laminerait la responsabilité des secourus sous la pression des bonnes volontés prêtes à prendre en charge, à faire à la place de l’autre en sachant ce qui est bien pour lui.
Éviter ces risques conduit à envisager des modes d’accompagnements où les uns et les autres s’appliquent à lutter contre la détresse. Des questions comme Aurais-je eu à leur place, l’audace de partir à l’aventure, pour fuir seul ou avec les miens, la misère et la persécution ? éveillent au constat de fameux courages même s’ils sont parfois mêlés de motivations contestables. En outre les sensibilités et les attentes de l’autre ne manquent pas de dépayser. En particulier quand l’intégration sociale cède le pas devant le repli dans des communautarismes hermétiques. Pourtant quand s’établissent des relations mutuellement sincères et confiantes, les écrans culturels et sociaux faiblissent pour laisser se tisser de bénéfices d’échanges.
Ceux qui croyaient alors se contenter de répondre à des appels au secours tempèrent leur ascendant de bienfaiteurs pour accueillir, sans complexe d’infériorité, des apports inattendus sur le courage dans l’adversité, la soif de liberté, le consentement à l’humilité et l’épreuve morale de blessures infligées ici par l’indifférence, le mépris et le rejet, ces postures dégradantes pour ceux qui les infligent … au pays pourtant réputé être celui des Droits de l’Homme.
Prétentieux de s’engager en solo dans ces accompagnements réciproques ! Le soutien de groupes, d’associations, de réseaux, s’impose pour découvrir sans illusion derrière les histoires ensemencées de bon grain et d’ivraie,des êtres humains aspirant au bonheur perdu chez eux de vivre enfin dans la paix.