La Voix du Cantal

« Jamais je ne mettrai mon cheptel d’abeilles en péril à cause d’une charte bio »

Le constat est alarmant : en 15 ans, la production de miel a été divisée par deux. En cause : les changement­s climatique­s et les maladies. Les apiculteur­s cantaliens doivent s’adapter à cette crise, en conciliant productivi­té et responsabi­lité écologique.

- V.T.

David Pigeon, qui détient 350 ruches bio à Naucelles depuis 2009, commence tout juste à trouver son équilibre : « C’est très dur de monter un cheptel mais très facile de tout perdre du jour au lendemain. » Les chiffres sont éloquents : en 2015, sa meilleure année, il a produit 25 kg en moyenne par ruche. En 2017 : 3 kg seulement. Une mauvaise floraison, un coup de gel au printemps, les abeilles réagissant mal aux grandes amplitudes climatique­s, et c’est 80 % du cheptel qui disparaît. À cela s’ajoute l’invasion de nuisibles tels que les varois, un acarien importé d’Asie dans les années 1980, qui rendent d’autant plus difficile le recours au naturel pour soigner les abeilles.

Le « piège du bio »

Noémie Richart, cogérante de l’Arbre à pain depuis trois ans, l’affirme : « Les apiculteur­s sont certaineme­nt ceux qui ont le plus de difficulté­s ; lorsque les acacias ne fleurissen­t pas, il n’y a pas de miel d’acacia. Ce n’est pas comme un maraîcher qui peut espérer sauver une partie de sa récolte. »

L’objectif de Géraldine Caulus, jeune apicultric­e à Coren, est de se maintenir à un niveau de 200 ruches environ, ainsi que de faire naître une centaine de reines pour pallier les pénuries. « Même après deux ans d’activité, on ne se dégage pas de salaire. La certificat­ion bio coûte double par rapport au convention­nel. Ce montant est impossible à répercuter sur le prix de vente. »

La charte d’un label tel que Nature & Progrès par exemple, qui exige le nourrissem­ent des abeilles exclusivem­ent à base de miel, est quasi- impossible à respecter. Avec les floraisons aléatoires, le nourrissem­ent des abeilles passe automatiqu­ement par des candis (pains de sucre, N.D.L.R.). « Ceux bio à base de sucre de canne peuvent venir de Patagonie, alors qu’on fait du candi non certifié bio mais localement et avec des betteraves de qualité. Il faut veiller à ne pas tomber dans le piège du bio » , avertit Géral- dine Caulus.

Les abeilles sont en constante transhuman­ce et peuvent butiner jusqu’à 10 km autour de la ruche. Il est difficile de les tenir éloignées des zones potentiell­ement polluées. Même si le Cantal est un territoire propice au miel de montagne sain, Géraldine Caulus note : « Les vents, les pluies, amènent des résidus de traitement de vignes qui se retrouvent dans les zones non viticoles. Il y a aussi de moins en moins de prairie naturelle et le fauchage se fait trop tôt dans certaines régions. L’animal souffre car la végétation souffre. »

La crainte principale reste que les abeilles ne puissent plus survivre seules dans la nature. Pour l’apicultric­e, c’est la dose qui fait le poison ; elle n’hésitera pas à traiter ses ruches pour éviter une trop forte mortalité du cheptel. Une chose est sûre : « Jamais je ne mettrai mon cheptel en péril à cause d’une charte bio. »

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531 ruches ont été certifiées bio dans le Cantal en 2016. Photo d’archives

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