Une lettre pressante
C’est celle que le pape François, parue le 21 août en vue de la 104e Journée mondiale du Migrant et du Réfugié de 2018. Une lettre inscrite dans le sillage d’un engagement de l’ONU qui, il y a un an, acquiesçait au principe d’accords globaux sur les réfugiés et sur les migrants.
Le message pontifical est clair, net et concret. On a le sentiment que son premier déplacement à Lampeduza, il y a quatre ans, est resté vif dans son esprit. Suivit alors sans tarder la création d’un nouveau Dicastère (un Ministère) pour le Service du Développement humain intégral. Une section de cet organisme, dédiée aux migrations et aux réfugiés est placée à titre exceptionnel et symbolique, sous la responsabilité du Pape.
Principe fondamental : Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus- Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque, accueilli ou rejeté. Les chrétiens le savent, il s’agit là de l’originalité même de la foi chrétienne. En Jésus-Christ Dieu se rend par amour présent en pleine humanité. Il est Emmanuel, Dieu avec nous. La distance établie par les religions entre Ciel et Terre est désormais comblée. Reconnu ou ignoré, respecté ou bafoué,Dieu s’inscrit au coeur des existences humaines. Il s’ensuit une mystique chrétienne des relations inscrite dans la fameuse page de l’évangile sur le Jugement dernier : Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. Rien de ce qui est humain ne saurait dès lors non seulement être étranger aux chrétiens mais infiniment respecté par eux.
Les mesures préconisées par François trouvent là leur densité humaine et chrétienne. Nombre d’entre elles sont déjà engagées dans notre pays. Mais peut mieux faire serait à inscrire en marge des réalisations en cours. En particulier à propos du regroupement familial, de l’accès au travail, de l’établissement de passeports humanitaires, d’une législation sur la citoyenneté qui évite l’apatridie, de solutions alternatives à la détention pour ceux qui entrent sur le territoire national sans autorisation. Inutile de rêver. Le chemin à parcourir reste d’autant plus long que la problématique n’en finit pas de se compliquer.
La lettre de François paraît en période des congés. Son impact dans l’opinion risque d’en souffrir. En souhaitant ici l’empêcher de passer inaperçue, nous précisons qu’elle fut signée le 15 août. Une grande fête de la Vierge Marie. L’évangile du jour proclamait la belle prière du Magnificat. Une Parole susceptible de retoucher l’imaginaire de certaines piétés mariales. En effet Marie n’apparaît pas ici sous les traits d’une personne confite en dévotion mais plutôt sous ceux d’une jeune femme portée par le souci de rencontrer sa cousine sans enfant, en attente de vie et de bonheur. Et son mouvement de libération des malheurs qui étouffent la vie de ne s’arrête pas là. Il prend une extension considérable avec ces versets énergiques : Il dis- perse les superbes, renverse les puissants de leurs trônes. Il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.
D’aucuns auraient aimé que François reprenne le propos restrictif qu’il avait tenu au retour d’une visite en Suède, le 1° novembre 2016. Il évoquait alors la nécessité de tenir compte des capacités d’accueil, rejoignant ainsi la parole d’un homme politique, souvent amputée de sa deuxième partie : La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part. Occasion de réaliser que les recherches de solutions efficaces dépassent les possibilités de pays particuliers. Elles sont à prendre en Europe Mais c’est en même temps à un changement des mentalités que nous sommes convoqués. A commencer par une conversion au long cours du regard sur soi-même et sur les autres. Une façon d’être, selon un mot du pape François plus du printemps avec ses promesses de fleurs et de fruits que de l’automne an visage baissé et amer…