A chacun son Puy
Court séjour au Puy en Velay. Puy, pech, puig … broderies de consonances sur une même trame sémantique pour désigner au moins une hauteur, au mieux un sommet. Les Coteaux de Pech David et la Place Dupuy donnent aux Toulousains l’opportunité d’entendre ces différences et pourquoi pas d’être sensibles à leur symbolique commune, celle d’un idéal à atteindre et d’un point de vue ouvert sur un vaste horizon ?
Le montagnard parvient à cet objectif au terme de randonnées ou d’escalades payées à l’effort et couronnées d’un bonheur qui surpasse la peine endurée, voire la peur dans les passages difficiles. Épreuves précédées en amont par la préparation de l’itinéraire, le rassemblement du matériel et parfois la résistance de proches pour qui l’entreprise était trop risquée … ou qui auraient tout bonnement préféré passer ce temps de loisir sur la plage ou dans la quiétude de la campagne.
Pour l’étudiant(e) le puy est celui de la réussite aux examens ou aux concours. La course peut là aussi être rude, jalonnée d’apprentissages et de travaux ardus, de patiences et de sacrifices. Mais quelle joie aux jours de réussite et quelle vue dégagée sur l’avenir professionnel, même embrumé par les difficultés de trouver un emploi à la mesure des qualifications acquises.
Employeurs et employés connaissent pour leur part les soucis de marchés à gagner, de production à assurer, de qualité à respecter … avec parfois la hantise de fermetures et de chômages qui ruinent des espérances d’ascensions professionnelles ou tout simplement de gagne- pain. Couples et familles s’encordent eux aussi pour s’élever ensemble sur les sentiers du bonheur et de l’éducation d’enfants à faire grandir en humanité.
D’autres sommets moins nobles attirent des grimpeurs passionnés par le désir de gagner et de posséder toujours plus sans se soucier des autres, ou avides de pouvoirs à exercer sans partage.
A l’inverse des hauteurs plus sublimes, spirituelles, dévoilent des horizons intimes. Le Puy en Velay ouvre ainsi le grand atlas de géographies intérieures. De ce haut lieu d’Auvergne part en effet un chemin qui ne s’évalue pas seulement en heures de marche. L’itinéraire conduisant à Compostelle, sommet visible de l’aventure, s’enrichit en effet souvent de parcours intérieurs libérés de scories accumulées au fil du temps, de la grisaille, des tempêtes, des routines et autres aléas du quotidien. Une appréciable catharsis connue de pèlerins croyants ou non, s’effectue. L’antique tradition ne se contentait d’ailleurs pas d’atteindre le Finistère de l’Europe et d’admirer en touriste le mouvement du grand encensoir balancé d’un bout à l’autre de la nef dans la cathédrale Saint Jacques. Les pèlerins d’antan n’accomplissaient là que le premier temps de leur ascension intérieure.
Avancer vers l’Ouest, vers le soleil couchant, était pour eux aller vers la disparition de la lumière dans les obscurités de la mort. Revenir vers l’Est leur donnait par contre de contempler le soleil du levant au zénith, symbole d’un retour vers la lumière, pour eux de la foi, victorieuse de la mort. Les pèlerins actuels se limiteraient-ils à une respiration tronquée de ce deuxième temps ?
Un montagnard passionné ne se contente pas de vaincre un seul sommet. Il en gravit de nombreux et certains plusieurs fois. Il conserve de ces ascensions les souvenirs indicibles d’émotions intérieures sublimes.
Des marins au long cours, des voyageurs en plein désert, des explorateurs en terres inconnues, éprouvent des saisissements comparables. Ils s’offrent aussi à celles et à ceux qui se risquent en eau profonde vers le mystère d’eux-mêmes et des autres, à respecter comme la mer, la montagne, le désert… Voyages intérieurs où la grâce de se simplifier, de connaître et d’aimer est étonnamment donnée. La symbolique du Puy ne vise plus seulement des sommet à conquérir mais des profondeurs à atteindre.
Un faisceau de chemins mènent à Compostelle. Des voies diverses conduisent sur la Montagne spirituelle gravie par les mystiques. Les poussecailloux chercheurs de justice et de vérité, d’amour et de paix, suivent eux aussi des parcours variés. Puy, pech, puig symboles de sommets ou de grandes profondeurs, invitations au voyage sur des chemins d’éternité ouverts à tous ?